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L’échec, la clé du succès de la tech américaine : pourquoi l’Europe doit s’en inspirer, par Eric Chol

L’échec, la clé du succès de la tech américaine : pourquoi l’Europe doit s’en inspirer, par Eric Chol

En Europe, on sait bien faire de la science avec de l’argent, mais on ne sait pas bien faire de l’argent avec la science. Ce constat, formulé par l’un des meilleurs observateurs de l’Europe, explique bien le fossé qui ne cesse de se creuser entre les deux rives de l’Atlantique en matière d’innovation. L’iPhone, ChatGPT, WhatsApp portent le drapeau américain. Et pourtant, nous susurre-t-on, l’Europe s’y connaît en matière d’intelligence artificielle. Mais que fait-elle de son gisement de talents, sinon le laisser partir dans les grandes écuries de la Silicon Valley ? Faudrait-il les retenir ? Multiplier les soutiens publics aux start-up ? Accélérer les cursus de formation dans la tech ? Trouver des nouveaux milliards d’euros pour la recherche ? Sans doute, mais ces mesures ne résolvent pas le constat d’échec rappelé plus haut : en Europe, on ne sait pas bien faire de l’argent avec la science.

Comment font donc les Etats-Unis ? Deux Français, l’entrepreneur Olivier Coste et l’économiste Yann Coatanlem, apportent une réponse, via leur étude publiée fin 2024 par l’université de Bocconi. « Aux Etats-Unis, souligne Olivier Coste (1), le taux d’échec des projets lancés dans les grandes boîtes de tech américaine approche les 80 %. Quatre projets sur cinq se plantent, mais de temps en temps, il y en a un profondément disruptif qui va rencontrer le succès tant sur le plan technologique que du côté des consommateurs. » L’échec, la clé du succès de la tech américaine ? Oui, à condition de se le permettre. « Quand vous faites cinq projets dont quatre échouent, vous gagnez de l’argent aux Etats-Unis. En Europe, vu les coûts de restructuration, vous êtes sûr de perdre de l’argent. »

Elle le fait payer cher à ses entrepreneurs

Bref, l’Europe, qui a dominé le monde pendant cinq siècles par son esprit d’innovation depuis l’invention de l’imprimerie en 1450, non seulement n’accepte plus l’échec mais le fait payer cher à ses entrepreneurs. « Aux Etats-Unis, une entreprise de la tech qui constate au bout de trois ans ou cinq ans que les résultats ne sont pas là, arrête son projet et licencie ses ingénieurs. En Europe, les restructurations requièrent des délais plus longs et coûtent plus cher. » Dix fois plus cher, calculent les deux auteurs. Une facture trop lourde, qui freine les initiatives. « Quand on comprend que ce retard européen est d’abord lié à un problème de rentabilité lié au coût de l’échec, alors la solution devient réalisable », assure Olivier Coste.

La solution ? Assouplir les conditions de licenciement, en France, en Allemagne et dans la plupart des pays européens pour les ingénieurs de la tech, payés au-dessus de 50 000 euros par an. « Réformer le marché du travail au-dessus d’un certain seuil de salaire paraît politiquement faisable et économiquement très efficace « , estime l’entrepreneur, ravi que l’idée ait été reprise dans la boussole de la compétitivité d’Ursula von der Leyen. L’avantage de la mesure ? Elle est simple et ne coûte rien en argent public. Surtout, elle apporte un début de réponse au « grand défi ». Celui sur lequel alertait déjà Jean-Jacques Servan-Schreiber dans L’Express il y a soixante ans : « L’écart entre la surpuissance du continent nord-américain et le reste du monde industriel, au lieu de diminuer, grandit. »



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Author : Eric Chol

Publish date : 2025-02-04 12:00:00

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