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Censurer ou pas le gouvernement Bayrou ? Entre Marine Le Pen et Jordan Bardella, la guerre des lignes au RN

Censurer ou pas le gouvernement Bayrou ? Entre Marine Le Pen et Jordan Bardella, la guerre des lignes au RN

Vous avez du mal à suivre les tergiversations des membres du RN concernant le vote, ou pas, de la censure du gouvernement Bayrou ? Rassurez-vous, eux aussi. Mercredi 5 février, le parti d’extrême droite a finalement tenu sa réunion, initialement prévue lundi après-midi, pour clarifier la stratégie du groupe de Marine Le Pen à l’Assemblée vis-à-vis du budget. C’est décidé : les députés RN ne voteront pas la motion de censure déposée par La France insoumise, ni la motion « spontanée » déposée par le Parti socialiste. Si Jordan Bardella l’avait déjà annoncé dans les grandes lignes, ce mardi, au micro de CNEWS, la décision n’a pas coulé de source.

Reprenons. La semaine dernière encore, le Rassemblement national, qui jurait que ses « lignes rouges » n’avaient pas bougé depuis l’épisode du budget de Michel Barnier, ajoute soudainement plusieurs conditions à sa liste de revendications. Celle, notamment, de ne pas dépasser les 5 % de déficit, alors que le budget est construit sur une hypothèse de 5,4 %. Ou encore celle, plus floue, d’une absence de « vision politique ». Vendredi, lors de la commission mixte paritaire (CMP), c’est Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme chargé de la question du budget au RN, qui sort de son chapeau une nouvelle « ligne rouge » : le maintien de l’article 4 du projet de loi, qui réforme la tarification de l’électricité. « A ce moment-là, Marine Le Pen l’a adoubé, en assurant qu’il avait bien fait de mettre la pression au gouvernement », commente un député RN. Le ton semble donc se durcir à l’égard du gouvernement. Et avec la bénédiction de la patronne. On convient de prendre une décision après le week-end. Une réunion est fixée au lundi 15 heures.

Deux lignes s’affrontent

Les députés, eux, ne disposent d’aucune information et rivalisent d’ingéniosité pour recourir à la formule la plus floue. Car deux lignes s’affrontent au sein du parti. Celle, d’abord, des partisans de la censure, portée par Jean-Philippe Tanguy, pour qui le budget de François Bayrou doit être sanctionné, façon aussi de marquer leur place de premier opposant. Ce dimanche, fait rarissime au parti : Tanguy prend même position, au micro de France 3, avant même que le choix ne soit fait par Marine Le Pen et Jordan Bardella : « Je pense que nous devons nous associer à une motion de censure, mais c’est une position personnelle ».

Problème, le chef de parti appartient au camp adverse, et n’est pas franchement séduit par l’idée de voir le RN s’associer à la motion de censure. « Il estime que le vrai danger d’une censure est qu’on soit perçus comme les responsables du désordre, alors que nous sommes un parti d’ordre, et que les milieux économiques nous le reprocheront », précise un proche ami du président du parti. Le désaccord est révélateur d’une lutte intestine persistante au sein du parti lepéniste entre les représentants d’une ligne plus souverainiste et étatiste, qui gravitent dans l’entourage de Marine Le Pen, et ceux d’une ligne plus libérale et pro-business, dont Jordan Bardella s’est fait le porte-voix depuis les élections européennes du mois de juin. François Durvye, conseiller économique de Marine Le Pen et Jordan Bardella, et bras droit du milliardaire conservateur Pierre-Edouard Stérin, s’était notamment prononcé contre la censure, y compris à l’encontre du gouvernement de Michel Barnier.

« Je sens, pour une fois, un réel désaccord de fond entre eux »

Mais quid de Marine Le Pen ? « Je sens, pour une fois, un réel désaccord de fond entre eux », commente un fin connaisseur du parti. Mode d’emploi pour régler une divergence au RN : loin des regards, évidemment. Retour à l’Assemblée, ce lundi, où Marine Le Pen et Jordan Bardella déjeunent ensemble pour arbitrer. Le rendez-vous n’est pas concluant. Au parti, on ne lave pas son linge sale en public, y compris si le public est de la maison. On informe donc les députés que la réunion prévue l’après-midi est repoussée au mercredi. Comprendre : la décision sera prise en petit comité, prière de ne pas commenter. Le lendemain, devant CNEWS, les élus frontistes découvrent la position de leur parti : « La question qu’il faut se poser c’est : est-ce qu’au moment où nous parlons, les Français tireraient bénéfice d’une nouvelle censure ? Je crois qu’il faut éviter l’incertitude car il y a beaucoup de chefs d’entreprise, d’agriculteurs, de nos compatriotes qui sont inquiets d’une instabilité qui pourrait s’installer dans la durée. » Tant pis, donc, pour Jean-Philippe Tanguy.

Mercredi, la décision a été explicitée devant les parlementaires du RN, et ceux du groupe d’Eric Ciotti. La raison : « Ne pas rallonger l’incertitude pour le monde économique », d’autant que le vote serait un « coup d’épée dans l’eau étant donné que le PS a décidé de ne pas voter la censure. » Le nouvel élément de langage est déjà trouvé : « Le Rassemblement national n’est pas une caserne, mais il y règne une discipline de groupe. « Hors micro, les députés RN justifient mollement : « Il faut parfois savoir faire le choix de la raison. » Une fois n’est pas coutume du côté de Marine Le Pen, la discipline a penché, cette fois, en faveur de son aile libérale.



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Author : Marylou Magal

Publish date : 2025-02-05 18:26:00

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