L’Express

« L’Attachement », « Le Mohican » : de l’importance des méchants au cinéma

« L’Attachement », « Le Mohican » : de l’importance des méchants au cinéma

Dès les premières minutes de L’Attachement, c’est le drame. Alors que Sandra (Valeria Bruni Tedeschi) est chez elle, tranquille, les voisins sonnent à la porte, affolés : ils doivent aller à l’hôpital de toute urgence pour accoucher, et comme ils ne savent pas quoi faire de leur petit Elliot (César Botti) : « Tu avais dit que tu pouvais le garder… – J’ai dit ça, moi ? » Et voilà comment Sandra se retrouve avec un môme sur les bras, obligée de l’emmener au boulot (elle est libraire), car les parents ne sont toujours pas rentrés de l’hôpital. Et pour cause, elle est morte. Sans doute pris par l’émotion, je n’ai pas bien compris si c’était le bébé ou la maman qui était morte. Mais c’est peut-être la réalisatrice, Carine Tardieu, qui l’a fait exprès, pour le suspense. Quand on voit revenir Alex (Pio Marmaï) tenant le bébé dans ses bras, le doute n’est plus permis. Scènes déchirantes après scènes déchirantes, la vie reprend ses droits, une famille se reconstitue. L’orphelin s’est attaché à Sandra, c’est réciproque, et son père en pince aussi pour elle. Mais Sandra refuse de consoler le veuf dans ce qui ressemblerait par trop à une (in) version de La Fessée de Brassens… Il n’y aura donc pas de caresse au troisième coup. Dommage, on aurait vu enfin les fesses de Pio, alors que là, on le voit seulement faire l’excellent acteur qu’il est, crédible en larmes, et faire le poids en face de l’inégalable Valeria dans la chambre de qui personne n’est jamais entré.

La surprise, le deus ex machina de ce mélo de bonne facture, c’est l’arrivée de David (Raphaël Quenard) le père biologique d’Elliot. Eh oui, Alex n’est pas plus le père d’Elliot que Sandra n’est sa mère de substitution. Cette place est revendiquée par la déesse ex machina, Emilia (Vimala Pons) vers laquelle Alex s’est tourné après s’être pris le râteau que l’on sait avec Sandra. On a cru un moment que David serait le méchant, Raphaël Quenard a la gueule de l’emploi, mais finalement, lui aussi c’est un type bien. C’est ce qui manque au film : un salaud, un vrai et jusqu’au bout. Ou une salope. Personne ne se décide à endosser le rôle dans cette famille intelligente. J’ai jamais vu ça.

Paradoxes

Avec Le Mohican, Frédéric Farrucci a fait un vrai western. Les bons d’un côté, les méchants de l’autre, et qui tirera bien tirera le dernier. J’adore ce film. Ça se passe en Corse. En prégénérique, les limites de la beauté de l’île sont fixées par le gros plan d’un vieux Corse qui raconte : « Ces terres-là, on les donnait aux filles, tellement ça ne valait rien. » Tout est dit. Le cinéma peut commencer, avec ses paradoxes : c’est aussi l’arriération culturelle qui aura préservé l’île du désastre monégasque, niçois, cannois, tropézien, sans oublier La Grande-Motte.

Le subtil et costaud Alexis Manenti incarne le rôle de Joseph Cardelli, berger résistant à gentrification du littoral. Il est tellement splendide le paysage où il emmène ses chèvres qu’on rêve de son fromage. Et on renonce au fantasme hideux d’une maison avec piscine et vue sur la mer. La haine du béton reste abstraite tant qu’on ne montre pas ce qu’il gâche, détruit. A jamais.

Le Mohican, c’est le nom de cette dernière parcelle de sauvagerie que Joseph Cardelli s’acharne à défendre. Parce que c’est sa vie. Et celle de Marc, le vétérinaire, interprété par Marc Memmi, vétérinaire dans la vraie vie, et corse, et excellent acteur dans son propre rôle : il va sauver la vie de notre héros en cavale, blessé par les brutes, les truands. Le bon, c’est le véto, celui qui s’est levé tôt, si je peux me permettre. Sept ans plus tôt, Farrucci a réalisé un documentaire sur Marc. On peut le regarder avec grand profit sur YouTube, il montre le travail de ce vétérinaire, berger à ses heures, sorte d’athlète amoché (il lui manque une oreille). C’est toujours édifiant de voir ce qui a servi à nourrir une fiction. En l’occurrence, ça explique pourquoi ce beau western tient debout.



Source link : https://www.lexpress.fr/culture/lattachement-le-mohican-de-limportance-des-mechants-au-cinema-CABPBUQGDVC23FV6HGHWREHANI/

Author : Christophe Donner

Publish date : 2025-02-05 05:50:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express
Quitter la version mobile