Le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle de Paris s’est terminé mardi 11 février sous la voûte vitrée du Grand Palais avec une grande photo de famille, réunissant chefs d’Etats et leaders de la tech. Après plusieurs jours de discussion, d’annonces et de négociations, ce sommet a « révélé une chose : nous sommes unis dans notre vision et dans notre ambition », a affirmé Narendra Modi, le Premier ministre indien coprésident du sommet, dans son discours de clôture.
Mais plus que cette ambition planétaire, le sommet sur l’IA a surtout été marqué par plusieurs promesses et annonces phares — ainsi que par des absences remarquées.
109 milliards d’euros d’investissements en France
C’est une somme « historique », révélée par Emmanuel Macron la veille de l’ouverture du sommet : un plan d’investissement de 109 milliards d’euros de capitaux étrangers privés en France. Les fonds promis, venant en premier lieu des Emirats arabes unis, du Canada et des Etats-Unis, vont permettre la construction de nombreux data centers et doivent aussi permettre l’amélioration des infrastructures énergétiques françaises.
A ces investissements étrangers se rajoutent des promesses de financements de grands groupes français, tels qu’Iliad et Thalès, ou encore de Mistral, la star française de l’IA pendant le sommet.
La première annonce marquante de cette semaine a également permis de rappeler l’un des atouts majeurs de l’Europe et de la France : la disponibilité d’une énergie bas carbone. Un fait dont Emmanuel Macron n’a pas manqué de se vanter sur scène, en détournant la formule de Donald Trump, « drill baby drill » (fore, bébé, fore), en « plug baby plug » (branche, bébé, branche).
200 milliards d’euros investis par l’UE
En matière d’investissements, l’Union européenne n’est pas en reste : Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a annoncé que l’UE allait mettre sur la table 200 milliards d’euros pour le développement de gigafactory et de data centers. Cette somme viendra en grande partie du secteur privé : 150 milliards seront financés par l’alliance European AI Champions Initiative, les 50 milliards restants seront versés par l’Union européenne.
Cette alliance, dévoilée le 10 février 2025, regroupe une soixantaine de grands groupes européens, parmi lesquels on retrouve notamment Airbus, ASML, CMA CGM, Dassault ou encore L’Oréal et Orange.
Avec ces deux annonces, la France et l’Union européenne veulent s’imposer comme une troisième voie entre les Etats-Unis et la Chine, et surtout montrer que le continent est à la hauteur de ses ambitions. « Nous voulons que l’Europe soit l’un des principaux continents en matière d’IA », a martelé Ursula von der Leyen pendant son discours.
La création de Current AI et d’un observatoire de la consommation de l’énergie
L’Express l’avait révélé en premier : la France va créer la fondation Current AI, dans le but de soutenir la création d’intelligences artificielles préservant l’intérêt général. La fondation doit œuvrer pour des IA fiables et ouvertes, en open source, vérifiables et consultables par tout le monde. Current AI travaillera aussi à la création de jeux de données de qualité pour des domaines cruciaux, tels que la recherche, la santé et l’éducation.
Current AI est pour l’instant doté de 400 millions d’euros — un budget que l’Elysée espère voir gonfler et atteindre 2,5 milliards d’ici quelques années. Le fonds sera soutenu financièrement par l’Etat français et par des acteurs privés internationaux, comme la fondation MacArthur, la fondation Patrick J. McGovern, et la fondation Bill Gates. Google et Salesforce se sont également engagés.
Le 11 février, la création d’un autre organisme a également été annoncée : l’agence internationale de l’énergie (AIE) lancera en avril un observatoire de la consommation mondiale d’énergie de l’IA. Les intelligences artificielles et leurs centres de calcul et de données ont besoin pour fonctionner de beaucoup d’énergie. Un appétit qui ne va aller qu’en s’accentuant : selon l’agence, les besoins en électricité pourraient augmenter de 75 % en 2026 par rapport à 2022 à cause des intelligences artificielles. L’observatoire aura pour mission d’évaluer les besoins en électricité de l’IA à l’échelle mondiale.
« Il n’y a pas d’IA sans énergie – en particulier sans électricité. Des milliers de centres de données devraient être construits au cours des cinq prochaines années. Mais notre analyse à l’AIE montre que, à moins que l’industrie de l’énergie, le secteur technologique et les gouvernements ne collaborent pour fournir l’infrastructure énergétique nécessaire, de nombreux projets pourraient être retardés, voire annulés », a ainsi alerté Fatih Birol, le directeur de l’AIE, pendant son allocution.
Le prochain sommet d’action sur l’IA se tiendra en Inde
La fin du Sommet de Paris ne marque pas la fin des rencontres internationales autour de l’IA. Pendant ces remarques de conclusion, Narendra Modi a annoncé qu’un nouveau sommet serait organisé en Inde. Si aucune date n’a pour l’instant été annoncée, le pays sera le quatrième à organiser un tel évènement, après le Royaume-Uni, la Corée du Sud et la France.
La signature d’un accord diplomatique par une soixantaine de pays…
La grande annonce est intervenue peu après la clôture du sommet : une soixantaine de pays se sont engagés à signer un accord pour une IA « ouverte », « inclusive » et « éthique ». Le texte prévoit également un « dialogue mondial », une coordination pour la gouvernance de l’IA, et les signataires appellent à éviter une « concentration du marché » afin de rendre ces outils plus accessibles. Autre axe cité comme une des priorités de cet accord : « rendre l’intelligence artificielle durable pour les populations et la planète ».
Parmi les signataires du texte, on retrouve notamment la France et l’Inde, les deux pays organisateurs de l’évènement, la Chine, l’Union européenne, et la Commission de l’Union africaine.
… sans les Etats-Unis et le Royaume-Uni
Deux noms manquent cependant à l’appel parmi les signataires de l’accord : les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Une absence remarquée, qui souligne des divisions profondes sur l’intelligence artificielle.
Quelques heures avant l’annonce officielle des accords, J.D. Vance, le vice-président américain, a fustigé sur scène les tentatives de régulations entamées lors du Sommet. « Notre administration ne va pas empêcher les développeurs de faire leur travail », a-t-il déclaré, mettant en garde contre une « régulation excessive », qui pourrait « tuer une industrie en plein essor ».
Le vice président a également profité de son allocution pour rappeler l’opposition du gouvernement américain à toute tentative de lutte contre la désinformation, comparée à de la « censure ». Leur priorité est assumée : l’administration Trump veut « s’assurer que la tech américaine reste ce qu’il y a de mieux dans le monde ». Marque supplémentaire du désintérêt des États-Unis pour les questions de régulation : une fois son discours fini, J.D. Vance est sorti de la salle, sans écouter l’allocution d’Ursula von der Leyen, et sans poser pour la photo de fin.
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Author : Aurore Gayte
Publish date : 2025-02-11 17:49:00
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