Le budget 2025 possède un seul mérite : celui d’exister. C’est peu, et cela traduit l’immaturité économique de l’Assemblée nationale. L’actualité passe et l’on omet de demander des comptes à celles et ceux qui prennent des décisions délétères pour notre pays. On oublie donc que le gouvernement Barnier a été censuré sur l’autel d’un budget imparfait, mais quand même meilleur pour l’avenir de la France que le budget Bayrou.
Il n’est pas question ici de jeter l’opprobre sur notre nouveau Premier ministre, parfaitement conscient du problème. François Bayrou réussit à rester en selle sur un cheval fou et ne peut guère faire mieux. Sur les questions budgétaires, le RN et le PS sont irresponsables. Le RN avait fait ôter à Michel Barnier une partie des mesures – par exemple, la sous-indexation provisoire des retraites – nécessaires à l’effort urgent de réduction des déficits, avant de le censurer quand même ! Les socialistes, eux, ont fait retirer à François Bayrou tout ce que le budget Barnier contenait de bon – notamment l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique – et cela ne pesait pourtant pas lourd. RN et PS sacrifient les intérêts supérieurs du pays au service de leur clientèle électorale : c’est bon à savoir.
On ne parle évidemment pas des parlementaires insoumis, puisque leur projet est celui du communautarisme, de la division et de la révolution, ce qui les situe non seulement en dehors du cadre de l’intérêt général mais en dehors même du cercle républicain de la démocratie libérale française.
Deux erreurs fondamentales en même temps
Le résultat de cette situation politique navrante, c’est un budget 2025 qui n’apporte même pas un début de règlement, aussi minuscule soit-il, à notre lancinante dérive des finances publiques. En effet, ce budget est constitué à 80 % de hausses de prélèvements obligatoires et à 20 % de baisses de dépenses. Ce déséquilibre est déjà un souci en soi puisque, dans un pays qui cumule un record de prélèvements obligatoires et de dépense publique, la proportion inverse – 80 % de baisses de dépenses et 20 % de hausse de prélèvement – eut été indiquée.
Problème de proportion donc, mais problème de choix des outils aussi. Asseoir la réduction des déficits sur une hausse brutale et provisoire de l’impôt sur les bénéfices des entreprises, c’est réussir à faire deux erreurs fondamentales en même temps, un véritable tour de force intellectuel. D’abord, nos déficits étant malheureusement permanents et sans lien avec la conjoncture, une hausse temporaire ne sert à rien, raison pour laquelle elle a toutes les chances de ne pas l’être. Ensuite, les modifications des taux de l’impôt sur les sociétés, comme les prélèvements sur le capital, ont peu d’impact sur les recettes fiscales, à la hausse comme à la baisse, car la base fiscale qu’elle frappe est élastique.
Rien de plus simple pour une entreprise que de faire varier tout à fait légalement son résultat avant impôt. C’est ce qu’ont compris les Américains, les Canadiens et les Allemands qui ont prévu de baisser rapidement et sensiblement cet impôt pour dynamiser l’investissement et l’emploi. La France est, sur ce sujet, parfaitement à contretemps. Si le gouvernement voulait absolument taxer les Français, il aurait dû choisir, pour faire rentrer de l’argent, la TVA ou la CSG.
Quant aux baisses de dépenses, elles constituent un rabotage dont toutes les expériences passées ont montré qu’il dégradait la qualité du travail dans les administrations sans générer d’économies durables. Baisser les budgets sans changer les organisations, c’est être sûr d’échouer. Bref, dans ce budget, tout est faux.
L’arithmétique de la dette
Tout est tellement faux qu’il n’est pas exclu que ledit budget ne parvienne même pas à réduire nos déficits qui avoisineraient 6 % du PIB en fin d’année. Le choc fiscal infligé aux entreprises aura nécessairement des conséquences négatives sur la croissance, et donc sur les recettes. Les mesures d’économie annoncées auront un effet au mieux marginal. En outre, l’arithmétique de la dette nous est défavorable. Avec des taux d’intérêt souverains à dix ans compris entre 3 et 3,5 %, une inflation à 1 % et une croissance de l’ordre de 0,5 %, la charge des intérêts de la dette augmente mécaniquement. Après le laxisme budgétaire, voici venir le temps du masochisme inefficace. Gageons qu’il durera moins longtemps.
Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, est directeur du cabinet de conseil Astères
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Author : Nicolas Bouzou
Publish date : 2025-02-14 05:30:00
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