L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire est un combat de géants. L’italien Trenitalia, le français Transdev et, prochainement, l’espagnol Renfe ont entrepris de se frotter à la SNCF sur ses propres terres. Mais de jeunes pousses tricolores rêvent aussi de monter sur le ring, et l’une d’elles sort clairement du lot. Financé par le fonds Antin Infrastructure Partners qui a mis au pot la bagatelle d’un milliard d’euros, Proxima se présente comme « la première compagnie française indépendante de train à grande vitesse ». L’entreprise, dont le nom – temporaire – fait référence à l’étoile la plus proche du Soleil, se positionne sur l’ouest du territoire. Elle compte relier Bordeaux, Nantes, Rennes et Angers à Paris, « en mettant à disposition des voyageurs plus de 10 millions de nouvelles places par an ». Ses premiers trains devraient circuler en 2028.
Une commande de 850 millions à Alstom
Le marché du ferroviaire exige de lourds investissements, peu compatibles avec les ressources souvent frugales d’une start-up. Les françaises Midnight Trains et Railcoop peuvent en témoigner. Elles ont jeté l’éponge avant d’avoir pu faire circuler le moindre wagon. La compagnie Le Train a, certes, levé 350 millions d’euros, « mais il faut plutôt un milliard pour se lancer. Seule Proxima est parvenue à collecter une telle somme », observe Patricia Perennes, du cabinet de conseil Trans-Missions.
Sortie du bois en juin dernier, la société a passé une commande de 850 millions d’euros à Alstom pour 12 rames de TGV à deux niveaux de nouvelle génération – l’équivalent du TGV-M pour la SNCF –, assorties de quinze années de maintenance. Un petit exploit en cette période où les constructeurs croulent sous les sollicitations. « Nous avons négocié pendant dix-huit mois », glisse Alain Rauscher, le patron d’Antin, qui affirme viser « une part de marché de 3 % sur les lignes de l’ouest de la France ».
Outre cet actionnaire puissant – Antin est l’un des premiers fonds d’infrastructures en Europe -, Proxima peut tabler sur l’expérience de ses fondateurs, Timothy Jackson et Rachel Picard. L’Anglais a créé une société de location de matériel roulant et piloté les entités britannique et irlandaise de la RATP. La Française a dirigé la filiale Gares & Connexions puis les activités TGV de la SNCF. « Rachel Picard connaît son marché, elle sait où se trouve la rentabilité. Elle ne va pas s’amuser à faire des lignes bucoliques pour le plaisir », souligne Patricia Perennes.
Le prix du billet, facteur clé
Le contexte est porteur. Les trains à grande vitesse battent des records de remplissage. Les villes du littoral atlantique qui seront desservies par Proxima ont vu leur attractivité bondir depuis la pandémie et l’essor du télétravail. La demande de billets explose mais l’offre ne suit pas. « On manque de rames TGV sur la façade ouest. Un nouvel acteur peut se faire une place tout simplement parce que les trains de la SNCF sont pleins. C’est ce qui s’est passé pour Trenitalia sur l’axe Paris-Lyon », poursuit la consultante. A l’instar du TGV-M de la SNCF, chaque train de Proxima disposera de deux rames de 740 sièges, contre 634 sur les TGV actuels.
Si l’aventure semble partie sur de bons rails, la start-up doit encore surmonter plusieurs obstacles. A commencer par la capacité d’Alstom à honorer ses engagements d’ici trois ans. « Le principal goulet d’étranglement, c’est la fourniture des trains. Alstom a un énorme carnet de commandes et la production a du mal à suivre », rappelle l’économiste Frédéric Marty, chercheur au CNRS. Autre inconnue : y aura-t-il de la place pour de nouveaux sillons, sachant que la SNCF fait déjà circuler 28 trains par jour entre Paris et Bordeaux ? Pour se distinguer d’InOui ou de OuiGo, la compagnie promet un meilleur confort et un design réinventé. « J’ai du mal à croire que ce sera différenciant. Les voyageurs veulent surtout aller d’un point A à un point B, à un prix raisonnable », estime Patricia Perennes.
L’entreprise n’indique pas, à ce stade, si elle cible la clientèle loisirs ou d’affaires. Or cette dernière a besoin de flexibilité. « Si vous ratez votre train, allez-vous attendre le prochain Proxima, sachant qu’ils auront peu de créneaux horaires ? Non, vous allez probablement prendre celui de la SNCF, car il y en a très souvent« , pointe Marc Ivaldi, professeur à Toulouse School of Economics, pour qui la concurrence ne pourra se faire que sur le prix. Le pari n’en demeure pas moins jouable. De l’autre côté des Alpes, la compagnie privée Italo, dont Proxima s’inspire ouvertement, a su se faire une place. En 2023, l’armateur suisse MSC a racheté 50 % des parts de l’entreprise, valorisant celle-ci à 4,1 milliards d’euros. Deux fois plus qu’en 2018…
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Publish date : 2025-02-15 08:00:00
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