Le message politique adressé par Pékin est fort. Au moment où la tech américaine, de Mark Zuckerberg à Elon Musk, prête allégeance au président Donald Trump, la Chine rassemble elle aussi ses fleurons de la tech. Le président chinois Xi Jinping a tenu ce lundi 17 février une réunion avec plusieurs chefs d’entreprises privées. Les patrons de BYD, Tencent, Huawei, Xiaomi, Geely, Meituan et DeepSeek ont participé à cette réunion. Selon la télévision publique CCTV, la rencontre s’est déroulée au Palais du Peuple, un lieu traditionnel de grandes réunions politiques et diplomatiques situé au cœur de Pékin.
Parmi les participants à ce rendez-vous figure Jack Ma, cofondateur du mastodonte du e-commerce Alibaba. Une vidéo montre Jack Ma debout, en train d’applaudir avec d’autres participants lorsque Xi Jinping entre dans une grande salle.
L’invitation du fondateur d’Alibaba à cette réunion semble indiquer qu’il bénéficie désormais d’une réhabilitation après une longue période durant laquelle il a semblé avoir été contraint par les autorités à faire profil bas. Le milliardaire de 60 ans avait tenu le 24 octobre 2020, en public, des propos critiquant ouvertement les régulateurs financiers. Jack Ma avait mis en doute la santé du système financier chinois, système qu’il jugeait obsolète. Le dirigeant avait comparé les banques chinoises à des « prêteurs sur gages » délivrant des crédits aux grosses entreprises, au détriment des plus petites, rappelle Les Echos. Jack Ma avait également étrillé les régulateurs qui « aiment produire toutes sortes de documents de politique publique pour interdire ci ou ça ». Ces phrases chocs, inhabituelles de la part d’un patron chinois, avaient immédiatement attiré les foudres de Pékin.
De rares apparitions publiques
Dix jours plus tard, la Chine avait suspendu l’entrée en Bourse record du géant du paiement en ligne Ant Group, entreprise affiliée à Alibaba, que Jack Ma a fondée en 1999. Ant Group suscitait à l’époque l’inquiétude des régulateurs financiers en faisant incursion dans le secteur des prêts personnels et à la consommation, de la gestion de patrimoine et des assurances. Dans la foulée, Pékin avait également lancé une enquête antitrust contre Alibaba. Celle-ci s’était soldée, en avril 2021, par une amende record de 2,33 milliards d’euros pour « abus de position dominante ».
A la suite de ses critiques, Jack Ma n’a plus effectué que de rares apparitions publiques, signe d’une relation plus tendue avec les dirigeants chinois. Il menait une existence discrète à l’étranger, partageant sa vie entre le Japon, l’Australie, l’Espagne, la Thaïlande. Après plus d’un an d’absence, Jack Ma était réapparu pour la première fois publiquement en Chine en mars 2023, lorsqu’il avait visité une école près de Hangzhou, siège d’Alibaba.
Cet ancien professeur d’anglais a fait d’Alibaba l’une des entreprises privées les plus connues et les plus importantes de Chine. Le groupe possède notamment l’application Taobao, qui capte une grande partie du commerce en ligne dans le pays. Jack Ma n’est plus le dirigeant d’Alibaba, mais il conserverait une participation importante dans la société. Ma Yun, son nom en mandarin, a passé ces dernières années à se consacrer à la philanthropie et à l’éducation en milieu rural, sa grande passion. Jack Ma a conservé auprès du public chinois une aura intacte, ce qui a sans doute compliqué le jeu des autorités chinoises.
Une économie en perte de vitesse
Les raisons derrière ce rapprochement sont opaques, comme l’indique Les Echos. Mais Pékin veut sans doute s’appuyer sur Alibaba pour relancer la consommation dans le pays, le grand chantier de 2025, alors que la croissance du PIB a péniblement atteint les 5 % l’année dernière, selon les chiffres officiels. La réunion organisée ce lundi intervient en effet dans un contexte particulier : la Chine est confrontée à une économie en perte de vitesse, en proie à une crise immobilière, à une consommation des ménages toujours atone et à un taux de chômage élevé chez les jeunes.
Le quotidien économique rappelle que d’autres événements récents accréditent la thèse d’un retour en grâce de Jack Ma aux yeux du régime. Ces derniers jours, le milliardaire de 60 ans a ainsi été aperçu, tout sourire, au siège d’Alibaba, déclenchant de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux. En décembre 2024, Alibaba avait aussi décroché un contrat politique : le sponsoring exclusif du traditionnel gala télévisé du Nouvel An chinois, l’une des émissions les plus regardées au monde… Et donc un outil de soft power très puissant pour Pékin. Alibaba n’avait plus remporté ce contrat depuis 2018. Par ailleurs, en août 2024, les autorités ont formellement clos l’enquête antitrust dont Alibaba faisait l’objet.
Alibaba a vu ses actions grimper de plus de 40 % depuis début janvier 2025 et doit publier ses résultats trimestriels cette semaine. Le come-back politique de Jack Ma est de bon augure pour Alibaba. La société a en effet traversé une réorganisation compliquée et fait face à la concurrence de nouvelles plateformes.
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Publish date : 2025-02-17 14:42:00
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