Depuis vendredi 28 février, la place de J.D. Vance a pris une toute autre dimension. Devant les caméras du monde entier, le vice-président a américain a tendu une embuscade au président ukrainien Volodymyr Zelensky, déclenchant une altercation rarement vue dans le Bureau ovale. « Vance se positionne comme le chien d’attaque de Trump », assure le New York Times.
Depuis quelques semaines, le vice-président semble impatient de montrer que lui aussi sait faire du bruit et créer des séquences chocs. Déjà à la mi-février, l’ex-sénateur de l’Ohio avait stupéfié les responsables européens en déclarant lors d’un discours à Munich qu’ils devraient mettre fin à l’isolement des partis d’extrême droite à travers le continent. Enseignante, spécialiste de la politique américaine à l’université Paris Sciences et Lettres, Amy Greene voit dans le changement de comportement de J.D. Vance sa volonté d' »exister dans une administration composée de fortes personnalités », tout en caressant l’ambition de devenir le « successeur de Trump »
L’Express : Lors du déplacement de Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche, J.D Vance s’est montré particulièrement virulent, est-ce étonnant de la part d’un vice-président ?
Amy Greene : Oui. On peut s’attendre à ce qu’un président qui reçoit un autre chef d’Etat mène l’entretien, ce qui était le cas pendant plus d’une demi-heure avant la prise de parole de Vance. Le fait que le vice-président adopte un discours aussi virulent, à cette occasion-là, est inhabituel. D’autant plus que le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, semblé effacé à côté. Ce positionnement du vice-président dans un contexte pareil est très rare, car c’est une fonction où il est d’usage d’être plutôt dans l’ombre du président.
Néanmoins, J.D. Vance prend de plus en plus de place depuis plusieurs semaines sur différents volets, à l’intérieur du pays comme à l’étranger. L’ex-sénateur de l’Ohio avait choqué les Européens lors de la Conférence de Munich avec ses critiques frontales. Un peu avant, J.D. Vance avait insisté sur le fait que la Justice n’était pas légitime pour contraindre l’action du président vis-à-vis de l’exécutif. Les sorties de J.D. Vance sont de plus en plus à charge, alors qu’il avait dit qu’il ne comptait pas forcément adopter le même style que Donald Trump.
Comment expliquer cette évolution dans son comportement ?
Il existe plusieurs enjeux. Tout d’abord, il veut s’imposer au sein d’une administration composée de fortes personnalités, particulièrement Donald Trump lui-même et Elon Musk. Pour l’instant, le vice-président souhaite se montrer au service du projet Trump et devenir un attaquant polyvalent sur tous les fronts. Cela permet à Vance non seulement de gagner une place essentielle au sein de l’équipe, mais également d’occuper une place centrale dans le paysage médiatique.
Et le deuxième enjeu pour J.D. Vance, c’est la prochaine élection présidentielle. En effet, Donald Trump ne pourra pas briguer un troisième mandat et Elon Musk sera incapable de lui succéder, puisqu’il n’est pas citoyen américain. Ainsi la voie semble dégagée pour J.D. Vance qui pourrait se positionner comme le successeur évident du trumpisme au sein du clan républicain.
Mais la position de vice-président mène rarement au pouvoir…
C’est vrai. On a tout de même en tête les exemples de George H.W Bush et de Joe Biden, mais le rôle de vice-président n’est pas un tremplin naturel vers la présidence. Pour y arriver, J.D. Vance doit exister politiquement, sans marcher sur les pieds du locataire de la Maison-Blanche, même si ce dernier saura rapidement le remettre à sa place. C’est en général un jeu d’équilibre peu évident pour les vice-présidents qui nourrissent leurs propres ambitions présidentielles par la suite. Cela suppose effectivement être loyal à Donald Trump et avoir sa confiance pour se voir confier des dossiers signifiants sans donner l’impression de vouloir lui faire de l’ombre.
Mais dans le même temps, Donald Trump peut tirer parti des séquences chocs de J.D. Vance ?
Oui… Il utilise J.D. Vance comme une sorte de porte-parole pour déclarer des choses qu’il ne pourrait pas dire. Il lui sert un peu de bouclier. Ce qui prime du côté de Trump, c’est la loyauté. À cela, s’ajoute également le fait que J.D. Vance lui permette de renforcer les liens avec les membres du camp républicain au Sénat où il a conservé de bonnes relations. Cela peut aider à faire avancer formellement la politique de Trump.
De son côté, Elon Musk verrait également d’un bon œil le comportement de J.D. Vance qu’il a récemment qualifié de « prochain président des Etats-Unis ». En effet, le binôme qu’il forme avec le 47e président n’est pas menacé par la présence du vice-président. Ils occupent tous les deux une fonction distincte : alors qu’Elon Musk a été appelé pour le volet « efficacité » des agences fédérales, J.D. Vance sert d’ancrage institutionnel au trumpisme. Certes, Donald Trump a dit qu’il ne voyait personne comme successeur « pour l’instant », mais c’est logique qu’il n’adoube pas un successeur immédiatement alors qu’il vient d’être réinvesti pour quatre ans.
Est-ce que J.D Vance est éloigné sur le plan des convictions de Donald Trump ?
J.D Vance a eu des propos, par le passé, assez tranchés vis-à-vis de l’actuel président, mais il s’est quand même battu pour faire avancer l’agenda trumpiste. À plusieurs reprises, il a pris la défense de Donald Trump de sorte à ce que ces déclarations passées s’estompent. Évidemment, si J.D. Vance accepte et assume de porter son idéologie, il y a également un calcul indéniable derrière, puisque le trumpisme est la proposition politique dominante chez les républicains et celle qui leur a permis d’ailleurs de reconquérir le vote populaire en 2024.
Est-ce que J.D. Vance influence Donald Trump sur le dossier Ukrainien ?
C’est difficile à dire. Certes, J.D. Vance a longtemps exprimé son opposition quant au financement américain de l’effort ukrainien. Il a rompu avec son parti en avril 2024 pour voter contre une proposition de loi afin de financer l’effort de guerre, même si ce texte a fini par être validé. Vance a également indiqué qu’il n’avait rien à faire de ce qui arriverait à l’Ukraine. Il a sans doute encouragé Trump à s’éloigner de Kiev, mais il n’avait pas besoin de Vance pour y arriver. Une chose est certaine : au sein du Bureau ovale, Donald Trump n’a pas hésité à venir immédiatement en soutien de son vice-président ce qui a mené à un échange qui a rapidement dégénéré.
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Publish date : 2025-03-01 16:49:00
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