L’Express

Après le revirement américain, Emmanuel Macron relance le débat sur une dissuasion nucléaire européenne

Après le revirement américain, Emmanuel Macron relance le débat sur une dissuasion nucléaire européenne

Face à un Donald Trump imprévisible, les Européens veulent s’armer… et dissuader toute velléité offensive. Face au scénario d’une Otan lâchée par Washington, et devant le spectaculaire rapprochement des Etats-Unis avec la Russie, Emmanuel Macron a relancé le débat sur l’idée très sensible d’un parapluie nucléaire européen, qui divise la classe politique.

Le président français s’est dit prêt à « ouvrir la discussion » sur une dissuasion nucléaire européenne après l’affrontement verbal entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump vendredi à Washington. Cette altercation laisse en effet craindre un désengagement des Etats-Unis en Ukraine et une rupture historique de leur alliance avec les Européens. Emmanuel Macron, à la tête de l’une des deux puissances nucléaires en Europe avec le Royaume-Uni, répondait au futur chancelier allemand Friedrich Merz. Celui-ci a jugé nécessaire que l’Europe se prépare « au pire scénario » d’une Otan dépourvue de la garantie de sécurité américaine, y compris nucléaire.

Emmanuel Macron propose un « dialogue stratégique » avec les pays européens qui n’ont pas l’arme nucléaire et pourraient ne plus dépendre de la dissuasion américaine, faisant valoir dans le Parisien que cela « rendrait la France plus forte » car, a-t-il ajouté dans Ouest-France, « aujourd’hui » les missiles russes déployés en Biélorussie « nous exposent ». « On ne peut pas dire qu’on veut des Européens plus autonomes et considérer qu’on va laisser nos voisins dépendre totalement de la capacité américaine sur le plan de la dissuasion », a indiqué le président français dans le quotidien régional.

Mélenchon dénonce la « servilité atlantiste » des Européens

Les propos d’Emmanuel Macron ont fait réagir la classe politique. Le président du parti Reconquête Eric Zemmour n’est pas opposé à un parapluie nucléaire français pour des pays européens « à partir du moment où c’est le président de la République française qui a le bouton nucléaire », a-t-il déclaré ce dimanche sur BFMTV. En revanche, l’ancien journaliste a déclaré qu’il était fermement opposé à tout partage de la dissuasion française, c’est-à-dire une forme de mutualisation de la décision de faire usage de l’arme atomique. « Ça serait de la haute trahison », estime-t-il.

Pour la leader du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen, les Etats-Unis restent « évidemment » un allié de la France au sein de l’Otan. Ceux qui disent le contraire « ne sont pas des gens raisonnables », a-t-elle affirmé samedi. La dissuasion nucléaire de la France doit rester « française » et « on ne doit pas la partager », a-t-elle estimé. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu lui a répondu sur le réseau social X que la dissuasion nucléaire « restera » française « de la conception et la production de nos armes, jusqu’à leur mise en œuvre sur décision du président de la République », mais qu’en même temps « nos intérêts vitaux comportent une ‘dimension européenne' ».

Notre dissuasion nucléaire est française, et elle le restera : de la conception et la production de nos armes, jusqu’à leur mise en œuvre sur décision du Président de la République.

Elle protège les intérêts vitaux de la France, que le chef de l’Etat est seul à définir : c’est… pic.twitter.com/BfZ2hbbBWQ

— Sébastien Lecornu (@SebLecornu) March 1, 2025

Sans se prononcer directement sur l’arme nucléaire, le chef de file de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a de son côté estimé qu’il fallait « faire obstacle » à « l’Europe de la défense » tout en dénonçant la « servilité atlantiste » des Européens.

« La France a un rôle immense à jouer »

Sans surprise, l’idée d’un parapluie nucléaire élargi est soutenue par les plus pro-européens au sein de la classe politique. « Les ennemis de l’Europe doivent savoir que nos partenaires, ceux qui partagent nos valeurs, bénéficient du parapluie nucléaire français », a affirmé sur France Inter Valérie Hayer, la présidente du groupe Renew (centristes) au Parlement européen. « La France a un rôle immense à jouer parce qu’elle est la seule puissance dotée de l’arme nucléaire de l’Union européenne, parce qu’elle a une industrie de défense puissante », a abondé sur franceinfo le député européen social-démocrate Raphaël Glucksmann.

Le scénario d’une dissuasion européenne se heurte toutefois à de nombreux obstacles, dont l’autonomie de décision revendiquée par la France dans ce domaine. En février 2020, Emmanuel Macron avait mis en avant « la dimension authentiquement européenne » des intérêts vitaux français, non sans susciter des débats. En avril 2024, le président de la République s’était dit prêt à « ouvrir le débat » d’une défense européenne qui pourrait « inclure la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine ».





Source link : https://www.lexpress.fr/monde/europe/apres-le-revirement-americain-emmanuel-macron-relance-le-debat-sur-une-dissuasion-nucleaire-CWS2PZF2JJFK5PKVQIBQYMTSR4/

Author :

Publish date : 2025-03-02 16:15:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express