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Comment Pékin contrôle Jack Ma, l’Elon Musk chinois

Comment Pékin contrôle Jack Ma, l’Elon Musk chinois

C’est un sommet lourd de symboles qui s’est tenu en février en Chine. Présidé par Xi Jinping, un symposium à la chorégraphie bien huilée a mis à l’honneur 12 chefs d’entreprises chinois. Certains avaient déjà été conviés lors de la précédente édition organisée en 2018, sous le premier mandat de Donald Trump, lorsque les Etats-Unis lançaient droits de douanes et sanctions contre la Chine. On trouvait déjà à l’époque les patrons de Tencent (super application WeChat), Amperex (fabricant de batteries), BYD (véhicules électriques), Xiaomi (appareils électroniques) et Chint (énergie solaire).

De nouvelles têtes ont fait leur apparition, tels les dirigeants de New Hope Group (agroalimentaire), Huawei (appareils électroniques), Will Semiconductor (semi-conducteurs), Unitree Robotics (développeur de robots humanoïdes et quadripèdes), Meituan (livraison de nourriture) et DeepSeek, la star de l’IA. L’invité le plus emblématique de ce sommet était cependant, sans conteste, Jack Ma, le fondateur du géant Alibaba (commerce électronique), qui a eu droit à une poignée de main du président chinois.

Comme aux Etats-Unis, l’irruption des milliardaires de la tech dans le champ politique est palpable en Chine. L’invitation de Jack Ma au symposium est un signe fort. En octobre 2020, l’emblématique entrepreneur avait été écarté sans ménagement de la scène publique par Pékin, après avoir critiqué le secteur bancaire chinois. Ses propos avaient tellement déplu que l’introduction en Bourse tant attendue de la filiale d’Alibaba, Ant Group, pourtant conclue d’un point de vue technique, les titres ayant été payés, avait été brutalement annulée.

La disgrâce de Jack Ma

Par la suite, Jack Ma n’est pratiquement plus apparu en public. Il n’a pas été emprisonné, n’a pas reçu de lourdes amendes et ses milliards n’ont pas été confisqués. Il a simplement été évincé et s’est installé au Japon. La Bourse chinoise n’a pas été excessivement ébranlée à l’époque. Après le choc initial, le marché s’est rétabli et a atteint un pic quelques mois plus tard, au début de l’année 2021. Il a toutefois plongé pendant plus de quatre ans par la suite. En parallèle, s’est installé le récit de la répression du secteur privé en Chine, notamment dans la sphère du jeu vidéo et de l’éducation. Jack Ma était au centre de ce récit, de nombreuses rumeurs courant sur son arrestation.

L’homme a toujours affiché d’importantes ambitions politiques, étant même surnommé, à son apogée, « Gouverneur Ma », car le revenu d’Alibaba excédait celui de quasiment chaque province de Chine. En 1995, à la tête de sa première entreprise de traduction, fondée un an plus tôt, il accompagne des officiels de la municipalité de Hangzhou aux Etats-Unis, voyage au cours duquel il découvre Internet. Son influence, appuyée sur le réseau du Zhejiang, lui permet de remporter de nombreux conflits face à certains hauts fonctionnaires. En 2015, l’administration d’Etat pour l’industrie et le commerce (SAIC) accuse les dirigeants d’Alibaba de ne pas prendre suffisamment de mesures pour lutter contre la vente de produits contrefaits. Alibaba publie une réponse sur le site de microblogging Weibo, attaquant directement le directeur de la SAIC. L’affaire se solde par une simple visite du ministre de tutelle de l’administration, Zhang Mao, à Alibaba.

Visite à Donald Trump

Avec Alipay, Jack Ma prend ensuite le risque de se lancer dans le secteur non régulé des paiements et finit par faire pencher la législation en sa faveur. Il a habilement utilisé la Banque populaire de Chine comme paravent à sa décision de sortir Alipay d’Alibaba, au détriment des actionnaires majoritaires Yahoo et Softbank.

Comme beaucoup d’entrepreneurs américains, ce patron audacieux a appliqué avec succès le mantra « Do it first, fix it later » qui consiste à jouer avec les règles, parfois à les enfreindre ouvertement, avant d’utiliser son succès commercial pour les plier à ses intérêts. Sûr de sa force, Jack Ma rencontre Donald Trump en 2017 après sa victoire et promet de créer 1 million d’emplois aux Etats-Unis.

Après la mise à l’écart de l’entrepreneur chinois, Elon Musk avait posé la question : « Où est Jack Ma ? ». Il n’a eu la réponse que trois ans et demi plus tard. La formidable influence du dirigeant de Tesla au cœur du système politique américain, s’imposant comme l’un des plus proches collaborateurs de Donald Trump, ne peut que contraster avec le signal envoyé par ce symposium regroupant 12 entrepreneurs. La Chine compte sur ses talents pour ravir aux Etats-Unis le leadership technologique. Mais personne n’est indispensable.



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Author : Robin Rivaton

Publish date : 2025-03-02 07:30:00

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