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Au Canada, l’ombre de Donald Trump plane sur les élections : nos infographies pour tout comprendre

Au Canada, l’ombre de Donald Trump plane sur les élections : nos infographies pour tout comprendre

Et si le Parti libéral canadien échappait à la défaite historique qui lui était promise ? Ce scénario semblait très improbable il y a quelques semaines encore… Plus aujourd’hui. Deux mois après l’annonce de sa démission, son leader, le Premier ministre Justin Trudeau, va passer la main ce dimanche 9 mars et dans les enquêtes d’opinion, sa formation politique reprend des couleurs.

Jusque-là, elle était largement devancée, notamment depuis la prise de contrôle, à l’automne 2022, de Pierre Poilievre sur son principal rival, le Parti conservateur. Surnommé le « pitbull », ce spécialiste de la communication politique était parvenu à asseoir sa popularité à coups de sorties populistes (contre l’inflation ou en défense de mouvements antivax notamment) et en se faisant défenseur de coupes budgétaires drastiques. « Monsieur Poilievre est combatif, pugnace et rigoureux. C’est quelqu’un qui fait ses devoirs, note Sandra Aubé, vice-présidente du cabinet d’affaires publiques TACT Conseil et ancienne directrice de cabinet de la ministre des Affaires étrangères canadienne, contrairement à l’équipe de Monsieur Trudeau, il a très vite compris les frustrations autour de la pénurie de logements et de l’augmentation du coût de la vie. »

Mais le coup de grâce est venu des rangs mêmes du Parti libéral : en décembre 2024, Chrystia Freeland, la vice-Première ministre aux Finances, a donné sa démission, sur fond de désaccord sur la politique budgétaire du gouvernement. Justin Trudeau, acculé, n’a pas eu d’autres choix que de présenter sa propre démission, après presque dix ans passés à la tête du pays. D’après les sondages début janvier, le Parti libéral ne pouvait alors espérer obtenir qu’entre 10 et 15 % des sièges à la Chambre des communes lors de la prochaine législature.

Et puis, le sens du vent a changé. Pour Sandra Aubé, « Justin Trudeau a été très impopulaire pendant longtemps et il tirait son parti vers le bas. Avec sa démission le 6 janvier, la variable négative a été retirée de l’équation… Et c’est là qu’est arrivé Donald Trump. » Quelques jours à peine après avoir retrouvé le chemin du bureau Ovale, le président des Etats-Unis a décidé d’imposer des droits de douane de 25 % sur les produits importés depuis le Canada et le Mexique. Ottawa a immédiatement répliqué en ciblant spécifiquement certains produits américains, à commencer par l’alcool, la viande et les véhicules. Le Premier ministre sur le départ a alors accusé Donald Trump de vouloir « faire chuter l’économie canadienne pour ensuite annexer le Canada » avant d’ajouter que son pays « ne reculerait pas devant un combat. »

Il n’en fallait pas moins pour souder le peuple canadien et créer une dynamique derrière les Libéraux. D’après le site Qc125, qui agrège de nombreuses enquêtes, le parti peut aujourd’hui espérer environ 140 sièges sur 330 – à peine 20 de moins que les Conservateurs. Les deux formations sont au coude à coude : c’est la première fois depuis des mois que les marges d’erreurs se chevauchent.

« La guerre tarifaire de Donald Trump, c’est une trahison », analyse la stratège québécoise, selon qui il existe désormais « un profond désir des Canadiens de pivoter sur le plan économique et de ne plus être dépendant de l’Aceum. » Ce jeudi 6 mars, le président américain a reculé en annonçant qu’il suspendait ces taxes pendant un mois. Trop tard ? En tout cas, les électeurs canadiens semblent se mobiliser derrière leur Premier ministre démissionnaire, dont la côte de popularité est grimpée de 22 à 34 % en quelques jours. Charge à son successeur de capitaliser sur cette dynamique.

Miser sur le bon cheval

Tous les regards sont désormais tournés vers l’élection de dimanche qui doit déterminer le successeur de Justin Trudeau. Quatre candidats se sont déclarés : Chrystia Freeland, l’ex-bras droit démissionnaire, Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Karina Gould, la cheffe des Libéraux à la Chambre des communes et Frank Baylis, un entrepreneur montréalais assez méconnu du grand public. Les deux premiers font actuellement office de favoris avec respectivement 31 % et 43 % d’intentions de vote, d’après un sondage dévoilé fin février.

Le principal atout de Madame Freeland est aussi son principal obstacle. Ministre du Commerce international, ministre des Affaires étrangères, vice-Première ministre en charge des Finances… Cette ancienne journaliste est une des figures politiques les plus identifiées de l’ère Trudeau. Celle, aussi, qui dispose de la plus grande expérience gouvernementale. De fait, elle sera jugée dimanche à l’aune du bilan du Premier ministre sortant.

Mark Carney, lui, est « une rock star de la finance », d’après Sandra Aubé, et « n’est pas un politicien de carrière. » Il a dirigé la Banque du Canada lorsque les Conservateurs étaient au gouvernement, avant de prendre la tête de la Banque d’Angleterre entre 2013 et 2020, ce qui lui donne un certain crédit, y compris au sein des milieux conservateurs. Ces derniers jours, il a obtenu l’appui de plusieurs poids lourds du Parti libéral, y compris les principaux ministres de Justin Trudeau. Mais sa proximité avec les milieux d’affaires pourrait donner l’impression qu’il est éloigné des préoccupations des gens, justement là où excelle Pierre Poilievre. Dans tous les cas, les Canadiens font davantage confiance à Mark Carney ou à Chrystia Freeland qu’à leur rival conservateur pour tenir tête à Donald Trump.

Pour Sandra Aubé, rien n’est encore joué, même si elle voit davantage de chances à la candidature de Mark Carney. La transition pourrait prendre plusieurs jours et nul ne sait encore quand auront lieu les prochaines élections. Le nouveau Premier ministre aura la charge de les convoquer avant le mois d’octobre. « La campagne n’est pas jouée, mais au moment d’aller aux urnes, les Canadiens n’auront qu’une préoccupation en tête, décrypte la stratège politique, qui sera le plus à même d’affronter Donald Trump. »



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Author : Mathias Penguilly

Publish date : 2025-03-07 16:30:00

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