Delacroix, Géricault, David d’Anger, Ingres ou Corot, les poids lourds ; Auguste de Châtillon, Jeanne-Elisabeth Chaudet ou Jean-Jacques Monanteuil, les oubliés. Tous ont peint, dessiné ou façonné des figures enfantines. Associés au Louvre, le musée de Tessé, au Mans, puis, à partir de juillet, le MusBA de Bordeaux, décortiquent les rôles assignés par ces maîtres aux plus jeunes et leur ancrage dans les réalités sociales d’un demi-siècle riche en mutations. Du bambin idéalisé à l’enfant soldat, des princes maudits aux petits mendiants, de l’intimité familiale au prodige, Sage comme une image ? questionne l’enfance dans l’œil des artistes. Focus sur trois œuvres de l’exposition.
Portrait d’un jeune garçon (vers 1820 ?), par Théodore Géricault
Remarquable à bien des égards, cette œuvre star de la collection mancelle, signé du plus tourmenté des romantiques, garde quelques mystères, à commencer par celui de sa datation. Le musée de Tessé la situe autour de 1820, quatre années avant la mort de l’auteur du Radeau de la Méduse, à l’âge de 32 ans. On ne sait avec certitude qui est le jeune garçon, dont le visage occupe ici la presque totalité de la toile, même si la rapide esquisse des éléments vestimentaires, qui paraissent inachevés, renvoie à quelqu’un de l’entourage proche de Géricault. Peut-être s’agit-il d’Olivier, le fils du colonel Bro, voisin du peintre rue des Martyrs, qui lui a déjà servi de modèle. L’importante charge expressive conférée à l’enfant, comme absent au monde qui l’entoure, renvoie néanmoins davantage à l’étude psychologique qu’au simple portrait.
Achille Valois, « Louis XVII enchaîné », 1827. A g. : Théodore Géricault, « Portrait d’un jeune garçon », vers 1820 ?.
Louis XVII enchaîné (1827), par Achille Joseph Etienne Valois
Le destin tragique de Louis-Charles de France, dit Louis XVII, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, mort en captivité au Temple à l’âge de 10 ans, faute de soins, inspire durablement les poètes et les historiens, alors que son iconographie reste, quant à elle, longtemps proscrite. Ce portrait sculpté posthume est l’unique ayant fait l’objet d’une commande sous la monarchie restaurée. Fidèle obstiné des rois, Achille Valois figure l’héritier de la couronne torse nu, les épaules recouvertes d’un manteau orné de fleurs de lys. De lourdes chaînes entravent son corps juvénile aux muscles dessinés, tandis que le visage, aux traits personnalisés, se tourne vers le ciel, comme pour l’appeler à le délivrer de son martyr.
Jean-Jacques Monanteuil, « Deux pauvres fillettes égarées », 1840.
Deux pauvres fillettes égarées (1840), par Jean-Jacques Monanteuil
Reconnu pour son talent au début du XIXe siècle, Monanteuil a fini sa vie au Mans, délaissé par ses contemporains. Celui qui fut l’élève puis le principal exécutant d’Anne-Louis Girodet, pour lequel il joua aussi les modèles, compte dans son corpus une quinzaine de peintures évoquant le monde de l’enfance laborieuse ou malheureuse. Les deux fillettes égarées, serrées l’une contre l’autre sous un ciel menaçant, auxquelles les petites Frédérique et Françoise, les filles du peintre, ont prêté leurs traits, se distinguent par l’émouvante solidarité sororale qu’elles exhalent. La délicatesse et la précision du pinceau font de ces figures en perte de repères, peintes à hauteur d’enfant, une allégorie de la fraternité enfantine face aux bouleversements du monde.
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Author : Letizia Dannery
Publish date : 2025-03-08 08:30:00
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