Tous les professionnels vous le diront : le marché de l’ameublement vit au rythme des cycles. A une année de hausse – parfois deux – succède une phase de déclin. Mais depuis 2020 et la crise du Covid, les mouvements ont gagné en amplitude, pour le meilleur et le pire. Pendant les confinements, la contraction des ventes due à la fermeture des magasins avait été limitée par l’explosion du commerce en ligne. Les Français, cloîtrés, ont eu tout loisir de passer leur logement au crible, de prendre en grippe leur fauteuil club, de rêver d’un lampadaire design… Portées par la généralisation du télétravail et les envies de changement des ménages, les années 2021 et 2022 se soldèrent chacune par plus de 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour le secteur. « L’après-Covid a été exceptionnel », se remémore, un brin nostalgique, Jean-Charles Vogley, le directeur de la Fédération nationale du négoce de l’ameublement et de l’équipement de la maison.
Dans l’euphorie, beaucoup ont cru que cet appétit allait durer. Augmentation des capacités logistiques, ouverture de magasins encore plus vastes, renouvellement des gammes… Les enseignes ont consenti de lourds investissements. « Cette période a créé l’illusion d’une demande pérenne », reconnaît François-Melchior de Polignac, directeur général de Maisons du monde. Le retour de bâton n’en a été que plus rude. En 2022, la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie provoquent une poussée inflationniste. Pour la juguler, la Banque centrale européenne augmente ses taux directeurs. Une hausse qui se répercute sur les crédits immobiliers.
Coup dur pour le marché de la pierre. En France, les ventes de maisons et d’appartements s’effondrent, et l’ameublement avec. Conséquence : « Les enseignes doivent désormais se restructurer ou, a minima, ajuster leur taille », constate Etienne Sebaux, directeur général chez AlixPartners. Avec 13,8 milliards d’euros de ventes en 2024, le marché a fait mieux qu’en 2019. Mais la tendance est morose : – 5,1 % sur un an en valeur, après un repli de 2,5 % en 2023. Un moindre mal pour Christophe Gazel. « Sans l’effet positif de la période Covid, la baisse aurait été plus marquée, entre – 10 et – 12 % », estime le directeur général de l’Institut d’études et de promotion du meuble.
Des magasins plus compacts
Les gros acteurs ne sont pas épargnés. Fin janvier, Maisons du monde – plus de 4 000 salariés en France – a annoncé la suppression de 91 emplois, après un recul l’an dernier de 11 % de son chiffre d’affaires. Même le champion suédois Ikea a vu le sien rogné de 3,6 % dans l’Hexagone. Placé en liquidation judiciaire fin 2023, Habitat, qui a tiré le rideau de ses 25 boutiques, tente aujourd’hui un retour 100 % en ligne, avec l’intention de surfer sur de nouvelles habitudes d’achat. Thierry Huz est bien placé pour observer le phénomène : « On voit arriver sur le marché une jeune génération habituée à acheter sur mobile, décrit le directeur de l’offre maison chez Cdiscount. Cet afflux entraînera mécaniquement une hausse des ventes en ligne. L’existence de magasins où les clients peuvent commander directement sur le Web favorise aussi la tendance. Certains consommateurs souhaitent encore voir les produits avant d’acheter. Mais d’ici peu, 25 % des ventes devraient se faire sur Internet, contre 9 % actuellement. »
Avec l’envolée des factures d’électricité, les immenses showrooms en périphérie des villes perdent du terrain, au profit de surfaces plus petites. « Chez Alinéa, historiquement, nous nous appuyions sur de très grands magasins, de 10 000 à 12 000 mètres carrés. Les tests menés récemment nous ont permis de constater une satisfaction supérieure dans des espaces plus condensés », explique le directeur général Alexis Mulliez. Maisons du monde suit la même stratégie. « Nos clients plébiscitent la richesse de notre offre, note le DG. Mais elle est synonyme d’une complexité qui peut les déstabiliser. » Inventeur du parcours client à rallonge, sur plus de 20 000 mètres carrés, pour susciter les achats d’impulsion – vous entrez acheter trois bougies, vous repartez avec une cuisine équipée -, Ikea revoit lui aussi son gigantisme à la baisse et s’essaye à des formats de magasins compacts. « Les distributeurs doivent proposer une expérience plus immersive car demain, l’intelligence artificielle permettra aux gens de se projeter dans l’aménagement de leur intérieur », prédit Christophe Gazel. D’ici là, l’expert s’attend à de nouvelles fermetures et licenciements. Pour les chaînes en mal de trésorerie, le risque est grand de finir au tapis.
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Author : Thibault Marotte
Publish date : 2025-03-08 07:30:00
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