Les pouvoirs publics cherchent depuis l’été de l’argent dans tous les coins pour diminuer le niveau délirant de notre déficit. Cette quête est devenue encore plus effrénée ces dernières semaines puisque les parlementaires ont feint de découvrir que les Etats-Unis ne nous protégeaient plus et que nous devions trouver des dizaines de milliards d’euros supplémentaires pour disposer d’un budget de défense digne des menaces qui pèsent sur notre pays. Passons sur le fait que tout ceci était écrit depuis des années. Apparemment, en politique, il faut être au bord du gouffre pour y voir à peu près clair. Le contexte actuel, hélas, implique d’agir avec une précipitation qui est rarement bonne conseillère.
Des montants à relativiser
Comme à chaque fois que nos responsables politiques se piquent de renflouer les caisses de l’Etat, la tentation fiscale entre par la grande porte. Or, nos prélèvements obligatoires sont quasiment les plus élevés au monde ; quoi qu’en disent certains, les milliardaires français ne disposent pas d’un trésor fiscal caché qui pourrait résoudre tous nos problèmes ; enfin, le budget 2025 alourdit encore la charge des impôts, sur les entreprises en particulier, faute d’avoir réduit la dépense publique, alors qu’elle est pourtant, au niveau international, l’une des plus conséquentes rapportée au PIB.
Devant de telles impasses, certains élus et fonctionnaires de Bercy pensent avoir trouvé un expédient : sabrer dans les aides aux entreprises. Il est vrai que les montants évoqués peuvent donner le vertige. En faisant la somme des niches fiscales, des allègements de charges, de la TVA à taux réduits, des crédits d’impôt et des subventions, on arrive à des montants compris entre 150 et 200 milliards d’euros, selon les périmètres retenus. C’est gigantesque. Mais ces chiffres sont à relativiser.
François Ecalle, sans doute le meilleur spécialiste du sujet, souligne que certaines aides aux entreprises sont en réalité des aides aux ménages. Par exemple, les exonérations de cotisations patronales ou les taux réduits de TVA bénéficient aussi aux particuliers même si, juridiquement, ce sont les entreprises qui en bénéficient. Pour quantifier de façon rigoureuse le soutien à l’activité économique, le président de Fipeco calcule les prélèvements obligatoires acquittés par les entreprises nets des niches fiscales, subventions et autres aides à l’innovation. Ce « taux de prélèvements obligatoires net » atteignait, en 2023, 295 milliards d’euros, soit 10,5 % du PIB, ce qui place notre pays au troisième rang européen, derrière la Suède, quasiment à égalité avec les Pays-Bas, et loin devant l’Allemagne, où ce chiffre est de 7 % du PIB.
Complexité et frustration
Ainsi, si les aides aux entreprises ont – très légèrement – augmenté en quarante ans, la charge publique qui pèse sur ces dernières, en raison des prélèvements divers, reste un handicap compétitif majeur. Cette charge se paie en investissements, en emplois et en salaires. Sur ce sujet, la France est donc confrontée à un cercle terriblement vicieux. Notre pays se débat avec des prélèvements obligatoires sur les entreprises qu’il est incapable de baisser de façon significative et durable et, dans un réflexe de sauve-qui-peut, devant le mur du réel, pour préserver l’investissement et l’emploi, il multiplie les exonérations fiscales et les subventions.
Cette politique de gribouille a un coût car elle génère complexité et frustration : complexité qui fait le bonheur, et la fortune, des experts-comptables ; frustration, car ces aides et subventions sont tellement nombreuses que les pouvoirs publics ont du mal à les évaluer et demandent sans cesse des contrôles accrus, ce qui exaspère les chefs d’entreprise et entretient une paranoïa malsaine.
Une approche plus raisonnée consisterait à mettre en place une stratégie pérenne de baisse des prélèvements obligatoires des entreprises couplée à une diminution des aides. Concernant les PME, il serait astucieux de réduire les subventions et d’affecter les montants ainsi économisés aux commandes publiques, par exemple pour mettre en œuvre un grand plan de rénovation de notre patrimoine. Ce ne sont que des propositions de bon sens. Nous faisons exactement le contraire.
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Author : Nicolas Bouzou
Publish date : 2025-03-12 11:00:00
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