Des vacances de la Toussaint dans la Ville éternelle. Raphaël Glucksmann, discret depuis la dissolution et la nomination de Michel Barnier à Matignon, continue de prendre du champ, un œil tout de même sur le calendrier. L’élection américaine approche et la nouvelle donne géopolitique n’a pas encore été actée. Bien que probable, l’accession de Donald Trump à la Maison-Blanche relève encore de la fiction, le président Joe Biden demeure pour quelques jours en fonction, et la candidate démocrate Kamala Harris cultive l’espoir d’être élue à sa suite. L’eurodéputé profite donc du sursis mondial, petit tour en famille au Stade Olympique de la capitale italienne pour voir son club de cœur, l’AS Roma, affronter (et battre) le Torino Football Club. Doux souvenir de cette vie d’avant, il y a près de vingt ans, quand il avait envahi la pelouse aux côtés des autres supporters romains, son équipe couronnée du titre de championne d’Italie. A Rome en cet automne 2024, point de tentation de Venise mais qu’il est bon d’être anonyme, noyé dans la masse des tifosi, après un an d’intense médiatisation. Enfin… Trois rangées plus bas, un touriste français le reconnaît : « Ah mais c’est Glucksmann ! C’est pas bientôt fini ces conneries du NFP et Mélenchon ? » (sic). Les stades de foot ont beau gommer les différences, ils n’effacent pas les visages.
Un rendez-vous discret avec François Hollande
Une éternité. Début 2025, fini la disette médiatique qui a tant préoccupé les nouveaux adhérents de Place publique. Donald Trump a été élu, et cinquante jours de pouvoir auront suffi au nouveau locataire de la Maison-Blanche pour bouleverser l’ordre mondial, opérant un remarqué rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine. Raphaël Glucksmann est donc en tournée, de colonnes en plateaux, pour livrer son regard sur la situation internationale. Un second momentum Glucksmann ? « L’Histoire fait le plan de com’ », sourit l’un de ses amis. L’Histoire fait également écho à la campagne européenne de l’intéressé, qui n’a eu de cesse de mettre en garde l’Europe contre le revirement de politique étrangère des Américains. C’est Boris Vallaud, le président des députés roses, qui le sollicite en amont pour jeter un coup d’œil au discours qu’il prononcera lors du débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine. Ou encore Patrick Kanner, le patron des sénateurs socialistes, qui le félicite lorsqu’il le croise début mars à la soirée annuelle du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France : « Tu as eu raison avant tout le monde ! »
François Hollande se réjouit de pouvoir discuter d’actualité internationale, thématique souvent éloignée des débats de l’Assemblée. Il accueille discrètement l’eurodéputé dans ses bureaux, rue de Rivoli, le 6 mars au matin. Ils ont tant à se dire sur le sujet : l’hôte a directement pratiqué Vladimir Poutine, quand l’invité a longtemps observé ses manœuvres militaires, durant ses séjours depuis la Géorgie et l’Ukraine. Et tant pis si Raphaël Glucksmann veut rester à bonne distance de l’ancien président de la République… S’il a une vision « mitigée » du quinquennat Hollande, l’eurodéputé apprécie les échanges qu’il entretient avec l’ancien chef de l’Etat. Au point, peut-être bientôt, de s’envoler – et de s’afficher – ensemble en Allemagne, à l’invitation de l’ancien président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz.
Comme souvent dernièrement, la convergence de vue avec le PS est quasi-totale, même si, à mots couverts, Olivier Faure et ses lieutenants le trouvent parfois un peu trop alarmiste. Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, juge son discours carrément « dangereux », le patriarche Insoumis Jean-Luc Mélenchon le qualifie de « va-t-en-guerre ». Bref, Raphaël Glucksmann incarne ce clivage géopolitique vieux comme la gauche. Et il cristallise : chez Place publique, on se félicite de cette centralité retrouvée. « Dans un moment de crise historique tel que celui-ci, la géopolitique gouverne la politique », affirme Saïd Benmouffok, coordinateur de la branche parisienne du parti.
« Je suis un bobo mais pas un bobo qui aime les riches ! »
Le problème d’une réputation, c’est qu’elle vous précède. Pour ses détracteurs, sa résurgence médiatique est analysée à l’aune de sa discrétion passée. « Il est absent des crises nationales, mais présent pour les crises internationales : j’en déduis donc qu’il ferait un excellent ministre des Affaires étrangères », raille un chef de parti à gauche. En creux, le reproche de déconnexion refait surface. « Je suis un bobo, mais pas un bobo qui aime les riches… », a-t-il soufflé à un ami, à qui il a témoigné de son goût pour faire campagne à la rencontre des Français. Son ascension recherchée n’en demeure pas moins pétrie d’injonctions contradictoires. Ses soutiens sont conscients du paradoxe : « Il revient au centre du jeu car son analyse était juste. Mais ce point, il l’avait déjà pris avant », admet Aurélien Rousseau, député Place publique.
En privé, Raphaël Glucksmann consulte les siens, tente de trouver l’argumentaire pour « montrer que la crise actuelle n’est pas qu’une affaire de politique étrangère ». « Ce que Vincent Bolloré attaque via ses médias, c’est la même chose que Poutine attaque dans nos démocraties, poursuit Aurélien Rousseau. Le combat que mène Raphaël à Bruxelles peut s’incarner dans moult politiques intérieures. » Mais qui se souvient qu’au temps des discussions sur le budget, Raphaël Glucksmann et les siens ont eux aussi été invités à négocier par les ministres Eric Lombard et Catherine Vautrin ?
Ses amis attendent parfois qu’il sorte de sa zone de confort. Le moment est bien trouvé. Les 15 et 16 mars, Raphaël Glucksmann et Place publique, 10 000 adhérents revendiqués, ne feront pas exception à la multitude de congrès, même si le suspense est mince – il sera reconduit à la tête de sa formation en binôme avec l’eurodéputée Aurore Lalucq. « L’enjeu est de constituer une force politique en capacité de conquérir le pouvoir », s’enflamme Saïd Benmouffok. Ce week-end, point de débauchage, ni même de curieux visages bien connus : le parti, après discussions, a décidé de ne pas convier de responsables extérieurs. « L’effet de cadrage des ralliements risque d’entacher notre positionnement », s’inquiète-t-il auprès des siens. Il apprécierait en revanche que le Parti socialiste, empêtré dans son propre congrès, reste dans son périmètre, et que les opposants d’Olivier Faure cessent de l’instrumentaliser. Lui promet d’accoucher de son projet, d’un « récit ! » en juin prochain. Les jeux et alliances d’appareil, il verra plus tard.
Bref, Raphaël Glucksmann est dans son tunnel. « Je sens qu’il veut aller jusqu’au bout », souffle l’un de ses amis. Qu’importe la plantation de Narcisse de part et d’autre de la gauche, et la pléthore d’appels à une candidature commune. Depuis l’élection présidentielle de 2022, il a appris à se méfier de la capacité de son camp à se déchirer pendant des mois au sujet d’un processus de désignation. Puis revient en tête une vieille discussion avec un Insoumis. « Tu te souviens du début du film Gladiator ? Nous, on est l’Empire romain, vous, les tribus germaniques. Vous allez passer tout votre temps à discuter entre vous. » Les conseils des vieux sages sont parfois précieux. Celui-ci est signé Jean-Luc Mélenchon.
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Author : Mattias Corrasco
Publish date : 2025-03-14 15:30:00
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