Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés avaient fait de la science l’un des piliers de la reconstruction et le ciment d’une paix durable. Ils étaient alors animés de la conviction profonde que le savoir et l’innovation protégeraient nos sociétés de la barbarie. En censurant la recherche, en amputant ses budgets, le président américain Donald Trump « bafoue le contrat social d’après-guerre », alertait récemment auprès de L’Express Holden Thorp, rédacteur en chef du prestigieux groupe Science.
Une inquiétude largement partagée par la centaine de médecins, de scientifiques – dont deux Prix Nobel, le Français Alain Aspect et le Britannique Venki Ramakrishnan – et de politiques rassemblés par notre journal ce lundi 10 mars pour la remise de ses prix des personnalités Sciences et Santé. A cette occasion, la ministre de la Santé Catherine Vautrin a rappelé que, « dans un monde où la désinformation prolifère, où le doute prend parfois le pas sur la connaissance », il fallait « défendre sans relâche la place de la science dans le débat public ». Car l’Europe et la France ne sont pas totalement immunisées contre de telles attaques, comme l’a souligné le Pr Alain Fischer, ancien président de l’Académie des sciences et chroniqueur à L’Express : « Certains politiques trouvent que les idées de M. Trump ne sont pas forcément stupides, il existe une menace de contagion. »
Il en va déjà ainsi en Argentine, en Hongrie, au Brésil… Partout où les démocraties basculent, les budgets de la recherche plongent. Tout comme les grands principes défendus par la science – l’universalisme, l’inclusion ou encore la reconnaissance de l’apport de la diversité. On ne peut, dans ces conditions, que s’inquiéter de voir de nombreux gouvernements, en France et en Europe, puiser dans les fonds alloués à la science. « Une menace pour notre souveraineté et nos démocraties », avertit aussi l’ancienne ministre Agnès Buzyn, qui lance cette semaine un think tank sur ces questions.
Combat contre l’obscurantisme
Dans ce moment historique, l’Europe a une carte à jouer. Des scientifiques d’autres continents, inquiets d’être muselés, se tournent vers nous. Il nous faut nous donner les moyens de les accueillir, comme l’a récemment appelé Maria Leptin, présidente du Conseil européen de la recherche. Il y va de l’avancée des connaissances dans le monde, mais surtout, de l’intérêt du Vieux Continent.
Au-delà, les scientifiques français doivent aussi prendre leur part dans le combat contre la désinformation, comme l’a rappelé le Pr Alain Aspect, qui remettait lundi soir le Grand Prix de L’Express. Le grand physicien s’est donné une mission : faire comprendre au plus grand nombre la méthode scientifique, et la différence entre recherche et vérité en science, pour couper court aux polémiques incessantes et au relativisme général. « On dit que la science c’est le doute, mais il ne faut pas exagérer, on ne doute plus que la Terre soit ronde, a-t-il expliqué. Les scientifiques posent des hypothèses, s’interrogent, expérimentent et les valident, ou non. A un certain moment un consensus est établi, et au delà de tout doute raisonnable, un résultat est acquis, qui permet d’avancer ». Le Pr Aspect sait bien qu' »il n’arrivera pas à convaincre 100% de la population ». Mais il espère bien montrer au plus grand nombre à quel point « la science est passionnante ». Ce serait un pas de géant contre l’obscurantisme qui nous menace.
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Publish date : 2025-03-13 05:40:00
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