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Audi, Mercedes-Benz… Pourquoi l’industrie automobile européenne est en grande difficulté

Audi, Mercedes-Benz… Pourquoi l’industrie automobile européenne est en grande difficulté

L’industrie automobile européenne est « en danger de mort ». L’avertissement a été lancé le 5 mars dernier par Stéphane Séjourné, le vice-président de la Commission européenne, avant la présentation de son plan pour aider la filière à surmonter le choc de la transition verte. Les annonces de fermetures de sites et de suppressions d’emplois se multiplient depuis plusieurs mois dans le secteur automobile, qui emploie 13 millions de personnes au sein de l’Union Européenne et représente environ 7 % de son PIB.

Dernier en date : le constructeur Audi (groupe Volkswagen), qui a annoncé lundi 17 mars un plan de suppression de 7 500 emplois d’ici 2029 en Allemagne. Ce plan prévoyant de supprimer 13,5 % de ses effectifs vise à « renforcer à la fois la compétitivité et les perspectives d’avenir d’Audi », a indiqué Gernot Döllner dans un communiqué. Le PDG de la marque allemande a évoqué « des conditions économiques se durcissant de plus en plus, la pression de la concurrence et les incertitudes politiques (qui) posent d’énormes défis à l’entreprise ». Le fabricant de véhicules haut de gamme emploie 87 000 personnes, dont 55 000 sur ses sites allemands.

Comme un symbole, Audi a de son côté fermé fin février dernier son usine de Bruxelles, en Belgique, qui employait quelque 3 000 personnes et fabriquait le SUV électrique haut de gamme Q8 e-tron. En 2024, Audi a livré plus de 164 000 modèles « tout électrique », soit un recul de 8 % sur un an. Le marché chinois, représentant près de 40 % de ses livraisons globales, a décliné de 11 %. Dans la galaxie Volkswagen, dont font partie Audi et Porsche, la marque historique VW va tailler dans ses effectifs et supporter l’essentiel des 35 000 suppressions d’emplois d’ici 2030 déjà annoncées par le groupe en fin d’année 2024.

Le bénéfice net annuel de Mercedes-Benz plonge

Mercedes-Benz a pour sa part dévoilé le 20 février un plan d’économies de plusieurs milliards d’euros. Le constructeur allemand a annoncé prévoir de réduire ses coûts de production de 10 % d’ici 2027. Le groupe de Stuttgart compte réduire la production dans ses usines, de 2,5 millions de voitures en 2024, à entre 2 et 2,2 millions d’ici 2027. Si ce plan ne prévoit pas de fermetures d’usines en Allemagne, il comprend toutefois la délocalisation d’une partie de la production allemande en Hongrie « pour tirer parti des coûts, environ 70 % inférieurs à ceux en Allemagne », a indiqué un communiqué. Ce plan pourrait inclure des suppressions d’emplois, avec des programmes de départs volontaires et de pré-retraites, a précisé à l’AFP l’entourage de l’entreprise, qui emploie 166 000 personnes dans le monde, dont la majorité travaillent en Allemagne.

En novembre 2024, le groupe avait déjà déclaré vouloir réduire ses coûts de « plusieurs milliards d’euros par an » en réponse aux difficultés du marché mondial de l’automobile. Illustration de ces difficultés : le bénéfice net annuel a plongé de 28,4 % en 2024, à 10,41 milliards d’euros, selon les résultats présentés le 20 février. L’année 2024 a été marquée par une chute des livraisons de véhicules du groupe, de 4 %, qui ont eu un impact sur le chiffre d’affaires, en baisse de 4,5 %.

Le groupe américano-franco-italien Stellantis a tenté de redresser la barre en 2024 en taillant dans sa production et ses tarifs, pour des premiers résultats attendus fin 2025. Mais la maison mère de Peugeot, Fiat et Chrysler a publié le 26 février dernier un bénéfice net en forte baisse sur l’année 2024, à 5,5 milliards d’euros (-70 % sur un an). Après des années de profits records, Stellantis traverse une passe difficile et a pioché 6 milliards d’euros dans sa trésorerie pendant l’année 2024.

Un marché en berne… Et une forte compétition avec la Chine

Baisse de la demande, perte de compétitivité, inflation, pression sur les prix, normes plus sévères sur le CO2… Les raisons de l’affaiblissement des constructeurs automobiles sont nombreuses. Les ventes en Europe restent bien inférieures aux chiffres d’avant-Covid et certaines usines tournent à vide. Le prix des véhicules et les subventions en baisse renforcent l’attentisme des automobilistes. Par ailleurs, le ralentissement économique en Chine a freiné les achats de voitures et frappe les constructeurs allemands, qui y faisaient d’importants profits.

« Tout le secteur automobile européen affronte un virage électrique inégal, une compétition agressive des constructeurs chinois avec des structures de coûts ajustées et une faible demande dans la région », soulignait l’agence Moody’s dans un rapport publié fin novembre 2024. Certains constructeurs, comme Volkswagen ou Stellantis, affrontent en effet l’arrivée de concurrents chinois massivement subventionnés. Au même moment, ces constructeurs consentent d’énormes investissements dans l’électrification des véhicules afin de respecter l’interdiction des motorisations essence et diesel dans l’UE à partir de 2035. Les voitures électriques, encore trop chères, ont vu leur part de marché reculer dans l’UE pour la première fois en 2024, à 13,6 % sur l’année. Les voitures hybrides ont quant à elles pris le contrôle l’année dernière d’un marché automobile européen au ralenti.

« Nous sommes dans une situation d’urgence »

Par ailleurs, la menace de surtaxes américaines brandie par Donald Trump arrive au pire moment. Fin février, le président américain a annoncé que les produits européens feraient l’objet « prochainement » de 25 % de droits de douane, sans dévoiler de date. Si ces droits de douane américains sur les importations étaient instaurés, ils pourraient donner du fil à retordre aux constructeurs européens comme Volvo, Volkswagen ou Mercedes. La moitié des véhicules vendus par des constructeurs européens aux Etats-Unis sont importés, selon l’agence Moody’s, pour un total de 785 000 voitures et 44 milliards de dollars en 2024, selon l’administration américaine. Les constructeurs automobiles allemands pourraient être particulièrement touchés car ils exportent aux Etats-Unis la plupart de leurs modèles haut de gamme. Aux Etats-Unis, même le fabricant de voitures électriques Tesla s’inquiète de cette annonce alors que le patron de l’entreprise, Elon Musk, est très proche de Donald Trump.

La crise du secteur automobile touche par ricochet les équipementiers allemands et français. Près de 40 % des salariés de l’équipementier automobile Dumarey Powerglide ont été licenciés le 18 février dernier, soit 237 employés sur les 580 que compte l’usine strasbourgeoise, a indiqué la CGT. « Nous sommes dans une situation d’urgence. Si l’on regarde en arrière, on constate que certaines industries lourdes ont complètement disparu d’Europe en raison d’un manque de compétitivité », avertit Patrick Koller, directeur général de l’équipementier Forvia.

L’année 2025 pourrait s’avérer sombre pour l’automobile européenne, qui est face à une « parfaite tempête », selon l’analyste Patrick Hummel d’UBS interrogé par l’AFP. Certaines marques s’en sortent toutefois mieux, comme Renault, numéro trois européen. Le groupe, qui a multiplié les partenariats afin de baisser ses coûts de développement, poursuit parallèlement sa stratégie de ventes de véhicules de gammes plus élevées. Le groupe français est parvenu à un niveau record de profitabilité en 2024. Son chiffre d’affaires a augmenté de 7,4 % en 2024, à 56,2 milliards d’euros. « On a trouvé la potion magique, comme dans Astérix et Obélix », s’est félicité le patron de Renault Luca de Meo.



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Publish date : 2025-03-18 16:30:00

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