La scène est étrange : Donald Trump assis dans un salon de la Maison-Blanche, entouré d’enfants assis derrière des pupitres d’écoliers, de militants conservateurs, d’influenceurs et de six gouverneurs républicains. Comme si le chef de l’Etat avait, pour la première fois, besoin de se rassurer. « Il n’arrêtait pas de souligner que sa démarche n’était pas aussi radicale qu’elle le paraissait », remarque le New York Times. S’il n’a pas montré un grand enthousiasme, Donald Trump est tout de même le premier président à avoir signé, jeudi 20 mars, un décret visant à « éliminer » le ministère de l’Education, un projet attendu et applaudi par la droite américaine, mais qui ne peut être mené à son terme qu’avec l’aval du Congrès.
Si l’institution, fondée en 1979, ne peut pas être complètement démantelée sans l’adoption d’une loi nécessitant 60 votes au Sénat – où les républicains disposent actuellement de 53 sièges – ce décret donne à la Ministre de l’Education Linda McMahon la mission de « commencer à éliminer le ministère une bonne fois pour toutes », a dit Donald Trump. Lors de la cérémonie de signature, le président a d’ailleurs dit espérer qu’elle soit la « dernière ministre de l’Education ». Linda McMahon a d’ores et déjà supprimé quelque 2 000 postes du ministère. « On va vous trouver une autre occupation, d’accord ? » lui a-t-il lancé.
Loin de sortir de nulle part, la décision de Donald Trump concrétise un rêve dans le camp républicain. La BBC, reprise par Courrier International, souligne qu’en 1982, « alors qu’il se rendait au Congrès pour son discours sur l’état de l’Union, le président américain Ronald Reagan s’apprêtait à délivrer un message qui a trouvé un écho auprès de nombreux républicains : supprimons le ministère de l’Éducation ». Un démantèlement complet relève du pouvoir parlementaire, mais le président américain et son allié Elon Musk ont déjà démonté d’autres structures fédérales sans attendre le feu vert des élus au Congrès.
Une décision loin d’être anecdotique
L’offensive contre ce ministère s’inscrit aussi dans la volonté de Donald Trump de tailler dans les dépenses publiques. « Les Etats-Unis dépensent plus pour l’éducation que tout autre pays […] et pourtant nous sommes près du bas de la liste en termes de performance » scolaire, a fustigé le 47e président américain. L’argument a été réfuté par des experts, qui soulignent que les Etats-Unis ne sont pas si mal classés dans les tests internationaux. L’ex-magnat de l’immobilier a précisé que les fonctions selon lui « utiles » du ministre seraient préservées, en particulier des bourses pour les enfants défavorisés et des aides pour les élèves en situation de handicap. A noter cependant que l’un des bureaux les plus touchés par les suppressions d’emplois est le Bureau des droits civiques, œuvrant pour la protection des étudiants.
L’impact de ce démantèlement annoncé n’est pas comparable avec ce qu’il serait dans un pays centralisé où l’éducation est gérée au niveau national, comme la France. Aux Etats-Unis, ce domaine relève déjà largement des autorités locales. « Ces fonds fédéraux ne représentent qu’environ 10 % du financement de l’enseignement primaire et secondaire à l’échelle nationale », tente de rassurer le New York Times. Mais le rôle du ministère de l’Education américain n’est pas pour autant anecdotique. Les subventions fédérales jouent un rôle important pour les écoles situées dans des zones défavorisées sur le plan économique et social. « Donald Trump a déclaré qu’il aimait les personnes peu instruites, et maintenant il aura beaucoup plus de personnes à aimer », a vivement réagi l’animateur américain Jimmy Kimmel, jeudi soir, lors de son late-night show.
« Coup de force tyrannique »
La décision de Donald Trump suscite également la colère d’élus démocrates, de syndicats d’enseignants ainsi que de nombreux parents qui l’accusent de mener une attaque inédite contre l’enseignement public, doublée d’une entreprise de promotion d’idées réactionnaires. Le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, a immédiatement appelé les tribunaux à agir pour « mettre un terme au coup de force tyrannique » que représente selon lui ce décret, « l’une des mesures les plus destructrices et dévastatrices » jamais prises par Donald Trump. Le chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries a quant à lui ajouté dans le Wall Street Journal que la fermeture du ministère entraînerait « une augmentation considérable des effectifs par classe, des licenciements d’enseignants et une hausse encore plus importante des frais de scolarité ».
De son côté, la droite américaine, en particulier les mouvements évangéliques, accuse les écoles publiques d’endoctriner les enfants en diffusant des idées « woke ». Ce terme péjoratif fourre-tout est utilisé pour dénoncer aussi bien des politiques de promotion de la diversité que des courants de recherche universitaire sur le genre ou les discriminations raciales. Dans certains Etats conservateurs du Sud, des contenus pédagogiques ayant trait à l’esclavage ont été modifiés et des romans traitant d’homosexualité ou de racisme ont été retirés des bibliothèques scolaires.
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Publish date : 2025-03-21 07:49:00
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