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Les jeunes et le VIH : en France, une augmentation inquiétante des fausses informations

Les jeunes et le VIH : en France, une augmentation inquiétante des fausses informations

Ce mercredi matin, un couple de jeunes hommes entre dans le cabinet du professeur Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Tenon (Paris). Ils viennent de découvrir leur séropositivité au VIH et consultent le spécialiste pour la première fois. Leur année de naissance ? 2003. Ils n’ont pas encore 22 ans. « Ce qui me révolte, ce sont les occasions manquées, s’insurge le médecin, ils ne sont pas dans une relation exclusive et passent du temps sur les applications de rencontre, alors je leur ai demandé s’ils avaient déjà entendu parler de la PrEP [NDLR : la prophylaxie pré-exposition, un traitement préventif contre l’infection au VIH, actuellement remboursé à 100 % par l’Assurance maladie]. Ils m’ont répondu que oui, mais qu’on ne leur a jamais proposé et qu’ils ne savaient pas où se la procurer. Se contaminer comme ça en 2025, c’est insensé. »

Leur situation n’est, hélas, pas un cas exceptionnel. En 2023, 719 personnes âgées de moins de 25 ans ont découvert leur séropositivité au VIH en France. Ils représentent ainsi plus d’un diagnostic sur sept (14,4 %). Et cette proportion augmente : elle n’était que de 12,7 % l’année dernière et de 13,1 % en 2019, juste avant la pandémie de Covid-19, qui a fortement perturbé le dépistage.

Parallèlement à cette hausse relative des infections chez les plus jeunes, on constate un recul important des connaissances sur l’infection au VIH. Alos que le Sidaction lance sa campagne annuelle, l’association a publié une étude, réalisée par OpinionWay, sur les « représentations associées aux risques de transmission du virus » et les données sont inquiétantes. Si les trois quarts des répondants – tous âgés de 15 à 24 ans et représentatifs de la population française – estiment être bien informés sur la question, on observe une importante recrudescence des fausses informations. Ainsi, 42 % des personnes interrogées pensent encore que le virus peut se transmettre par un baiser ; un tiers pense qu’on peut se contaminer en partageant son assiette avec une personne séropositive.

« A l’inverse, trop peu de jeunes savent qu’une personne sous traitement voit sa charge virale diminuer au point de ne plus être détectée dans les analyses », martèle Sandrine Fournier, la directrice du pôle financement des associations de Sidaction. Dès lors, la personne séropositive ne transmet plus le VIH, même en ayant des rapports sexuels non protégés. Cette spécialiste salue les « avancées incroyables » de la recherche scientifique ces dernières années, mais la régression des représentations sociales l’attriste profondément. « Trop de jeunes pensent encore qu’une personne contaminée est contagieuse et dangereuse dans leur vie quotidienne. Or, ce n’est pas le cas », explique-t-elle.

Pour le professeur Gilles Pialoux, on ne peut pas établir une corrélation directe entre cette progression de la désinformation autour du VIH et l’augmentation des contaminations chez les jeunes. Elle n’en demeure pas moins accablante. « C’est déprimant. Cela fait quarante ans que je travaille sur le VIH/Sida, on a aujourd’hui une palette d’outils incroyables et pourtant on a toujours plus de 5000 contaminations chaque année, » déplore le médecin infectiologue.

L’échec de l’école

Depuis la loi du 4 juillet 2001, le Code de l’éducation prévoit « qu’une information et une éducation à la sexualité soient dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles. » Le compte n’y est pas, tant s’en faut. Selon un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese), moins de 15 % des élèves en avaient bénéficié en 2021. De fait, les messages importants ne passent pas suffisamment auprès des jeunes. Seulement un tiers des jeunes de 15 à 24 ans interrogées par OpinionWay s’étaient fait dépister dans les 12 mois précédant l’étude. Or, depuis le 1er janvier 2022, le dépistage du VIH est gratuit, sans rendez-vous et sans ordonnance, dans tous les laboratoires d’analyses médicales de France depuis le 1er janvier 2022.

De la même façon, 65 % d’entre eux n’utilisent pas systématiquement de préservatifs lors de leurs rapports sexuels. Depuis le 1er janvier 2023, tous les moins de 26 ans peuvent pourtant s’en procurer gratuitement et sans ordonnance dans toutes les pharmacies.

Après des années d’inaction, un décret a finalement été publié début février 2025, planifiant la mise en place d’un programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (dit programme Evars). Il prévoit – entre autres – un enseignement progressif des questions de santé sexuelle à partir du collège et en fonction des besoins de chaque classe d’âge. « On sera très vigilant sur application », promet Sandrine Fournier de Sidaction.

Ce vendredi 21 mars, l’association démarre sa grande campagne de levée de fonds annuelle qui s’achèvera dimanche 23 mars. L’année dernière, l’opération avait permis 3,88 millions d’euros de promesses de dons, destinés à la recherche contre le VIH/sida, à l’accompagnement des malades et au financement d’opérations de sensibilisation.



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Author : Mathias Penguilly

Publish date : 2025-03-21 09:50:00

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