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Inoxtag, le nouveau visage du manga français : « Le déclic ? C’était au Salon de l’agriculture »

Inoxtag, le nouveau visage du manga français : « Le déclic ? C’était au Salon de l’agriculture »

Bon, on ne va pas se mentir. Avant l’irruption de son manga dans le peloton de tête des ventes dès sa sortie, le 18 novembre dernier, on (les plus anciens d’entre nous, s’entend) ne savait pas vraiment qui se cachait derrière la drôle d’appellation Inoxtag. De bonnes âmes nous évoquaient la récente ascension de l’Everest par un jeune streamer, ce qui nous rappelait vaguement une info dispersée dans le flot. Mais on ne savait pas encore que le natif de Levallois-Perret (élevé à Orgeval, Yvelines), Inès Benazzouz (son vrai nom), était classé 12e dans le baromètre 2024 des personnalités qui font l’opinion, juste derrière Victor Castanet mais devant Michel Houellebecq ou encore Thomas Jolly ; et on n’avait pas plus pris la mesure des 8,8 millions d’abonnés à la chaîne YouTube de ce streamer de 23 ans ; bref on n’avait pas calculé (comme disent les jeunes) ce météore dont la première publication, Instinct (Michel Lafon), frise les 500 000 exemplaires. Un exploit pour un manga français !

Pour rencontrer la vedette des générations Y et Z, il faut se rendre à Levallois-Perret dans l’antre de Webedia, cette méga société média-tech propriétaire, entre autres des sites AlloCiné, Jeuxvideo.com, MGG, Puremédias, Purepeople, Terrafemina, easyVoyage, et associé à Michel Cymes ou encore à Jamy Gourmaud. A la suite des premiers youtubeurs stars (Squeezie, Cyprien, Natoo, McFly et Carlito…), Inoxtag a rejoint le paquebot blanc de la rue Vaillant-Couturier où il dispose de son studio privatif. Avec son équipe (quatre à cinq vingtenaires), c’est ici qu’il fomente, dans une ambiance de studieuse coloc, ses projets les plus fous, dont Kaizen : un an pour gravir l’Everest (documentaire aux 42 millions de vues), enregistre ses vidéos de gaming et conçoit ses mangas – trois volumes d’Instinct sont déjà programmés. « Avec Basile Monnot, le réalisateur de Kaizen, on en rêvait depuis longtemps. Moi, je baigne dans le manga depuis mes 13 ans. J’ai lu tous les volumes de Dragon Ball, de One Piece, etc., j’apprécie leurs valeurs, le respect, le dépassement de soi, l’amitié, elles font partie de mon éducation », explique ce fils du patron d’une société de chauffeurs d’origine algérienne et d’une infirmière anesthésiste normande. Respectueux, il l’est, trop peut-être, à vous donner du « Madame » à la pelle.

Mais poursuivons : « Le déclic, cela a été lors d’un Salon de l’agriculture. Charles Compain est venu me voir avec un portrait de moi à la main, on a discuté, il brûlait lui aussi de réaliser un manga. Et le lendemain, ‘à l’instinct’, on a fait affaire. » Compain démissionne de son job, dessine une page par jour, coaché par le mangaka toulousain Tony Valente (Radiant) ; Inès, avec Basile, peaufine le canevas (dans le plus grand secret vis-à-vis de sa « commu », traduisez communauté) tout en se préparant physiquement à son expédition népalaise et en dévorant quelques livres de Sylvain Tesson et de Maurice Herzog, le héros de l’Annapurna. Les grandes lignes d’Instinct, entre SF et quête existentielle, sont fixées : Haki, étudiant de 17 ans, dispose du don de deviner les intentions de son entourage, don qui lui pourrit la vie tant celles-ci sont sinistres et mensongères. Dans son amphithéâtre, apparaît Luna, qui l’intrigue (ô miracle, il ne perçoit pas son aura) mais qui est éjectée car atteinte du noctus, une maladie pandémique s’exprimant sous forme d’une tache noire qui s’étend neuf mois durant et finit par arrêter le cœur. Haki, à son tour touché, s’inquiète pour son père adoré, et se retrouve… au purgatoire, où il tombe sur Luna, chargée de lui faire passer un examen au terme duquel il pourra éventuellement rejoindre Agartha, un monde idéal souterrain et cela, sans tricher ni voler. Chaque compétiteur fait montre d’un sens exacerbé, lui, c’est celui du toucher. « Moi, celui que je préfère, c’est le sixième sens, l’instinct », nous confie Inès, dans un grand sourire.

En tout cas, il a celui du marketing. C’est lors de son premier voyage au Japon, en octobre-novembre dernier, riche en rencontres diverses (Yamamoto, grand prêtre spirituel, des samouraïs…), qu’il annonce à sa « commu » via une bande animée la sortie de son manga quinze jours plus tard. Chez Michel Lafon, l’éditeur de Ki & Hi, la série de manga du youtubeur Kevin Tran, on y croit tant qu’Elsa Lafon, la patronne, a prévu un premier tirage de 200 000 exemplaires. « Cela a été fulgurant, se souvient-elle, on en a expédié 350 000 avant la fin de l’année. » Au terme des trois tomes de la série, Inoxtag rêve de la voir traduite au Japon. Il rêve aussi d’une adaptation en dessin animé. Des souhaits pas forcément plus inaccessibles que les 8 849 mètres de l’Everest !



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Author : Marianne Payot

Publish date : 2025-03-23 11:30:00

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