En 2021, Amandine Simard se connecte à la plateforme Parcoursup le cœur battant. La lycéenne de terminale découvre qu’elle est admise au très sélectif « cycle pluridisciplinaire d’études supérieures » d’Henri IV. « Passée la joie de voir mon premier vœu exaucé, s’est vite posée la question de savoir où j’allais habiter. Je ne m’attendais pas au parcours du combattant qui allait suivre ! », poursuit la jeune fille qui a grandi dans une commune rurale de l’Ariège. La première année, son statut de boursière ne lui permet pas pour autant de décrocher un logement Crous. Elle finit par trouver un studio de 16 mètres carrés et finance son loyer mensuel de 700 euros grâce à un prêt étudiant. « Par la suite, j’ai fini par obtenir gain de cause auprès du Crous mais mon parcours a été chaotique ! Il m’a fallu revenir à la charge de nombreuses fois. J’ai bien failli tout abandonner à plusieurs reprises », raconte Amandine Simard, aujourd’hui inscrite en master.
Son cas est loin d’être isolé. Selon un sondage de l’institut Opinion Way, dévoilé en 2023, 17 % des jeunes de 18 à 24 ans ont déjà renoncé à leurs études faute de toit sous lequel s’abriter. « C’est devenu le premier obstacle à l’égalité des chances. Le fait que les lieux de formation se concentrent dans les métropoles, là où la crise immobilière est la plus aigüe, pénalise les jeunes qui en sont le plus éloignés », alerte Bixente Etcheçaharreta, fondateur de l’association Des territoires aux grandes écoles. Déjà en 2007, ce dernier qui habitait à Saint-Jean-Pied-de-Port, dans les Pyrénées-Atlantiques, avait lui-même dû renoncer à rejoindre la classe préparatoire du lycée Henri IV où il avait été accepté. « Il n’y avait plus de place à l’internat et ma famille n’avait pas les moyens de m’aider », raconte-t-il. En presque 20 ans, la situation n’a fait que s’aggraver. Dans son rapport annuel, publié le 19 mars dernier, la Cour des comptes met l’accent sur « cette problématique aujourd’hui faiblement prise en compte par les politiques publiques » : En 2020, les territoires ruraux ne comptaient que 20 % de diplômés de l’enseignement supérieur, contre près de 32 % en France métropolitaine. La question de l’hébergement représente l’un des principaux freins.
Et Bixente Etcheçaharreta, conseiller régional de la Nouvelle Aquitaine, d’avancer l’exemple de Pau : « Un premier cycle dédié aux études de médecine y a été ouvert il y a quelques années. Ce qui a permis aux étudiants palois et des alentours qui n’avaient pas les moyens de se loger à Bordeaux de ne pas renoncer à leurs rêves ». Comme dans bien d’autres grandes villes, les loyers flambent dans la préfecture de Gironde où il faut débourser en moyenne 610 euros pour un studio. Soit une augmentation de 2,8 % entre 2023 et 2024, Sur cette même période, le nombre de biens à louer a diminué de 4,7 %, d’après l’observatoire Guy Hoquet.randes métropoles sont devenues inaccessibles pour les milieux modestes », explique le géographe Christophe Guilluy. « Dans le cadre de la réindustrialisation, l’enjeu est de former les gens en fonction de la dynamique des territoires. Cela passera inévitablement par une décentralisation de l’offre de formation » », poursuit-il.
« Un trajet de deux heures porte à porte »
Et Bixente Etcheçaharreta, conseiller régional de la Nouvelle Aquitaine, d’avancer l’exemple de Pau : « Un premier cycle dédié aux études de médecine y a été ouvert il y a quelques années. Ce qui a permis aux étudiants palois et des alentours qui n’avaient pas les moyens de se loger à Bordeaux de ne pas renoncer à leurs rêve ». Comme dans bien d’autres grandes villes, les loyers flambent dans la préfecture de Gironde où il faut débourser en moyenne 610 euros pour un studio. Soit une augmentation de 2,8 % entre 2023 et 2024, Sur cette même période, le nombre de biens à louer a diminué de 4,7 %, d’après l’observatoire Guy Hoquet.
Une note de l’Institut des politiques publiques, à paraître le 25 mars et que L’Express a pu consulter en exclusivité, s’est penchée sur l’offre des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et des sections de technicien supérieur (STS) sur le territoire, entre 2006 et 2015. La moitié des lycées généraux et technologiques ne fournissent qu’environ un quart des effectifs de ces formations sélectives dites « de proximité ». Ces dernières, bien qu’elles offrent des débouchés intéressants, sont donc loin d’être accessibles partout. Toutefois l’offre progresse, notamment dans les petites villes. « Le fait que ces formations puissent être abritées par des infrastructures déjà en place comme les lycées limite les coûts d’ouverture. C’est un des avantages de cette politique publique », explique Georgia Thebault, l’auteure de l’étude.
Une poignée d’établissements secondaires fournit l’essentiel des effectifs en CPGE, d’après l’IPP.
Lucie, 22 ans, étudiante en master de communication des organisations à La Sorbonne Paris Nord a, elle aussi, failli renoncer à ses ambitions de départ. Originaire d’un petit village situé à trente minutes de Nîmes, dans le Gard, elle envisage d’abord de suivre ses études à Montpellier. « Cela représentait un trajet de deux heures porte à porte. Impossible de faire l’aller-retour chaque jour. Je me suis dit que j’aurais plus de chance de trouver un logement dispensé par le Crous en gagnant la capitale », explique la jeune fille qui obtient une chambre de justesse, à une semaine seulement du début des cours.
La piste qui consiste à favoriser l’implantation d’universités et d’écoles un peu partout sur le territoire a toutefois ses limites. A certains endroits, l’offre locale de formation « ne peut être que d’ampleur limitée au regard des effectifs concernés », reconnaît la Cour des comptes. Parmi ses préconisations : renforcer le poids du critère d’éloignement géographique dans le calcul des bourses. Mais aussi simplifier les modalités de versement des aides aux étudiants via la création d’un guichet unique. Les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) qui proposent 175 000 logements sur le territoire ont intensifié leurs efforts ces dernières années. « De 2013 à 2022, l’Etat a investi 600 millions d’euros pour créer 65 000 logements supplémentaires. Et, depuis 2017, un milliard d’euros a été consacré à la réhabilitation de 23 000 lits », explique Bénédicte Durand, présidente du Cnous qui pilote le réseau. Le parc n’accueille toutefois que 7 % de la totalité des étudiants aujourd’hui. L’immense majorité des étudiants doit partir à la chasse aux petites surfaces sur un marché locatif saturé où les prix s’envolent.
« En Ariège, on ne parlait que de Toulouse ! »
« Le sujet concerne aussi bien les Crous que les bailleurs sociaux, les acteurs privés mais aussi les collectivités territoriales. La mise en place d’instances de coordination de tous ces acteurs est absolument indispensable si l’on veut accélérer le mouvement », insiste Bénédicte Durand. Pour Amandine Simard, le sujet doit aussi être traité bien plus en amont, dès les classes du secondaire. « Dans mon lycée ariégeois, les professeurs ne nous parlaient que de Toulouse, la grande ville la plus proche. Comme si notre horizon ne se réduisait qu’à ça. J’aurais aimée être mieux accompagnée dans mon projet d’orientation », explique la jeune femme.
Arrivée à Paris, alors qu’elle se retrouve plongée dans les méandres administratifs dans l’espoir de décrocher une chambre, elle se heurte à l’incompréhension d’une assistante sociale. « ‘Mais enfin, pourquoi êtes-vous venue à Paris si vous n’en avez pas les moyens ?’, m’a-t-elle demandé. Comme si je n’avais pas le droit d’accéder à une formation prestigieuse parisienne, moi qui ai toujours été une bonne élève ! », s’exclame-t-elle. Aujourd’hui, la jeune femme est à la tête de l’association De l’Ariège aux grandes écoles : « Les jeunes sont beaucoup trop nombreux à renoncer à leurs rêves par peur de ne pas trouver de toit. A nous de leur montrer que c’est possible. »
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Author : Amandine Hirou, Mathias Penguilly
Publish date : 2025-03-24 16:00:00
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