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Face à la déferlante Trump, si les entreprises européennes veulent peser…, par Pascal Demurger

Face à la déferlante Trump, si les entreprises européennes veulent peser…, par Pascal Demurger

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a entraîné un succès littéraire inattendu. Depuis plusieurs semaines, l’un des textes les plus téléchargés en ligne est le Simple Sabotage Field Manual (« Manuel de sabotage simple sur le terrain »), écrit par les services de renseignement américains en 1944. Face au rouleau compresseur trumpiste, ses opposants semblent ainsi privilégier une discrète mutinerie à un héroïsme sacrificiel. Une direction à suivre pour l’entreprise ? En tout état de cause, le monde économique sera l’un des arbitres du trumpisme et doit donc s’interroger sur ses choix. L’enjeu étant de se protéger à court terme, sans renoncer au long terme.

A ce stade, plusieurs attitudes coexistent face à cette nouvelle donne. Il y a d’abord les entreprises les plus allantes : celles qui n’hésitent pas à renforcer leurs partenariats avec la nouvelle administration en place à Washington. Leur objectif : continuer d’accéder à la croissance américaine, à ses contrats publics et tenter d’échapper à des droits de douane vengeurs. Ensuite, viennent les plus courageuses, qui refusent explicitement de revenir sur leurs politiques de diversité et d’inclusion malgré la pression du mouvement Maga (Make America Great Again). C’est le cas, par exemple, de grands groupes comme Apple, McKinsey, Delta Airlines ou encore Costco. Il y a enfin l’attentisme discret, qui concerne l’immense majorité des entreprises, y compris en Europe.

Comment ces trois groupes – soutiens, résistants ou attentistes – vont-ils évoluer ? On ne peut qu’espérer que les soutiens les plus enthousiastes resteront limités. Car le trumpisme n’est pas seulement un projet économique. Il provoque une destruction systématique des équilibres diplomatiques, sociaux et écologiques qui, à la fin, ne fera que des perdants. D’ailleurs, les signaux négatifs boursiers et inflationnistes qui s’accumulent outre-Atlantique devraient inciter à une certaine prudence stratégique. A l’inverse, on ne peut pas demander à toutes les entreprises de se jeter dans l’arène en s’opposant frontalement à l’administration Trump, en particulier lorsqu’elles ont des actionnaires, salariés et clients aux Etats-Unis. Le nouveau pouvoir américain a montré qu’il n’hésitait pas à harceler et sanctionner quiconque pouvait gêner son action. Un risque de représailles qu’aucun dirigeant ne peut sous-estimer lorsqu’il s’agit d’assurer la pérennité de son entreprise.

Financer un nouvel âge de l’Union européenne

Que faire alors, en particulier pour nous, entreprises européennes ? Il est temps de passer de l’attentisme au long-termisme. Préparer dès aujourd’hui le coup d’après et aider l’Europe à conquérir son autonomie après des décennies de pax americana. Cela implique, en premier lieu, de maintenir le cap vers une économie décarbonée et inclusive pour allier souveraineté énergétique, cohésion sociale et attractivité des talents. L’Europe est singulière et c’est précisément ce qui fait sa force. Mais dans le même temps, nous devons aussi nous donner les moyens, sonnants et trébuchants, de défendre cette particularité. Or aujourd’hui, l’Europe épargne, beaucoup, mais ne l’utilise pas suffisamment pour elle-même. D’un côté, nous avons doublé l’investissement de notre épargne dans des entreprises américaines ces quatre dernières années. De l’autre, nos start-up et grands champions peinent à trouver les financements dont ils ont besoin sur le continent et se voient contraints de se tourner vers les Etats-Unis. Résultat : 18 % des actions du CAC 40 sont détenues outre-Atlantique, cette proportion ne faisant qu’augmenter. Cette situation limite évidemment nos marges de manœuvre.

La solution est connue, mais peine à trouver une traduction politique : l’union des marchés de capitaux. Le moment est venu de dépasser les prés carrés nationaux. De la même manière que l’humiliation du président ukrainien Volodymyr Zelensky dans le bureau Ovale a constitué un électrochoc en matière de défense européenne, la guerre commerciale en cours doit nous amener à réduire notre dépendance économique vis-à-vis des Etats-Unis. Il s’agit de financer un nouvel âge de l’Union européenne, fidèle à nos valeurs et à nos intérêts. Soutenir cette vision, voilà la meilleure des réponses que l’on puisse apporter au trumpisme.

* Pascal Demurger est directeur général du groupe Maif et coprésident du Mouvement Impact France.



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Publish date : 2025-03-24 07:00:00

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