La guerre en Ukraine a profondément modifié la manière dont sont pensées et produites les armes modernes, faisant émerger un écosystème inédit de start-up spécialisées dans la défense. Avec l’omniprésence des drones, ce conflit a accéléré le développement d’armes agiles, économiques et basées sur des retours immédiats du terrain, que ce soient des drones, des missiles antichars et antiaériens, des obusiers de 155 mm ou des mines terrestres.
Les besoins sont tels que Kiev prévoit d’acquérir 4,5 millions de drones FPV (First Person View) en 2025, soit trois fois plus qu’en 2024. L’an dernier, 96 % de ces engins avaient été achetés auprès de fabricants ukrainiens. La plupart sont de petits drones agricoles bon marché équipés d’explosifs et pilotés par des opérateurs de terrain comme le Vampire, surnommé « Baba Yaga », une sorcière du folklore slave.
Ces armes sont constamment améliorées, avec des brouilleurs et des caméras thermiques. DroneUA fédère plusieurs fabricants capables de produire jusqu’à 2 500 drones lourds par mois et 4 000 petits drones par jour. La start-up Swarmer, quant à elle, développe une intelligence artificielle nommée Styx pour piloter automatiquement des essaims de drones. Elle a récemment attiré 2,7 millions de dollars d’investissements américains.
L’armée ukrainienne et les start-up de défense locales entretiennent une interconnexion particulièrement avancée. L’Ukraine dispose même de lignes mobiles de production de circuits imprimés directement sur le champ de bataille. Cette capacité permet aux unités de produire chaque jour des cartes électroniques adaptées afin d’éviter les fréquences du brouillage électronique ennemi. En complément, plusieurs régiments ukrainiens disposent de leur propre budget dédié spécifiquement à la collaboration avec les start-up locales. Cette proximité entre le front et la culture de l’essai-erreur confère aux start-up un avantage décisif pour affiner des solutions pragmatiques. Elle permet de juger de la pertinence d’une innovation. C’est ainsi que les Ukrainiens ont rapidement mesuré l’inadéquation des sondes vibratoires qui repéraient les pièces d’artillerie mais ne fonctionnaient que sur batterie et exposaient inutilement leurs soldats.
Une Europe plus agile sur le plan militaire
Ce développement des start-up de la défense dépasse l’Ukraine. L’américain Anduril, fondé en 2017, illustre parfaitement cette rupture technologique. Valorisée une dizaine de milliards de dollars, cette entreprise a inversé la logique traditionnelle d’appel d’offres en développant, de sa propre initiative, des drones autonomes et des systèmes de surveillance frontalière adoptés directement par l’armée américaine.
En Europe, l’allemand Helsing suit une trajectoire similaire, atteignant une valorisation proche de 5 milliards d’euros en deux ans d’existence. Après une première livraison de 4 000 drones HF-1, la société a annoncé la production de 6 000 drones HX-2 supplémentaires pour Kiev. Ces engins, dotés d’une portée de 100 kilomètres et d’une autonomie améliorée, serviront à cibler les pièces d’artillerie et les blindés russes. Elle équipe également les canons français Caesar, de Nexter, d’un module d’intelligence artificielle. A l’été dernier, l’incubateur californien Y Combinator a investi dans Ares, sa première start-up de défense, afin de développer des missiles de croisière à bas prix.
Cette agilité contraste avec la lourdeur des grands programmes militaires européens comme l’Eurodrone, dont la mise en service est prévue en 2032, avec un coût unitaire de 120 millions d’euros. Face à la baisse des commandes depuis trente ans, les grands industriels du secteur, tels Rheinmetall, Thales ou BAE ont eu tendance à se concentrer.
Mais certains signaux passent au vert. Le récent plan ReArm Europe, doté de 150 milliards d’euros sur quatre ans, et la levée du « frein à l’endettement » pour les dépenses militaires allemandes excédant 1 % du PIB du pays représentent une opportunité de relance macroéconomique majeure. L’économiste Ethan Ilzetzki affirme qu’une augmentation transitoire d’environ 1 % du PIB dans les dépenses militaires pourrait améliorer la productivité à long terme de 0,25 %. Pour en arriver là, il faut se garder de choisir des technologies trop éloignées du champ de bataille ou des acteurs traditionnels aux process lents. La rapidité de l’innovation est la voie du salut.
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Author : Robin Rivaton
Publish date : 2025-03-29 07:15:00
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