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« Liberation Day » : et si le libre-échange n’était pas mort ?

« Liberation Day » : et si le libre-échange n’était pas mort ?

Un bouquet de fleurs pour faire passer la pilule. La mise en scène a soigneusement été étudiée. C’est dans la roseraie jouxtant la Maison-Blanche que Donald Trump va dévoiler aujourd’hui les détails de son « jour de la libération » : une salve sans précédent de droits de douane frappant des dizaines de pays et des milliers de produits industriels qui entrent quotidiennement sur le sol américain. Dans l’histoire du pays, cette poussée de fièvre protectionniste n’a qu’un seul équivalent : la loi Hawley-Smoot, promulguée le 17 juin 1930, qui a instauré des surtaxes douanières sur plus de 20 000 marchandises fabriquées dans le monde entier, précipitant l’Amérique dans la Grande Dépression.

Partout, en Asie ou en Europe, les ripostes à la déclaration de guerre trumpiste sont en gestation. L’Union européenne, par la voix de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, ne cache pas son intention de dégainer des mesures de rétorsion ciblées qu’elle avait imaginé utiliser un jour contre la Chine, mais qu’elle va manier aujourd’hui contre son ancien allié.

Ironie de l’histoire, cette flambée protectionnisme américaine ne signe pourtant pas la fin du libre-échange, ni celle du commerce international. Elle pourrait même inciter les pays ciblés à sceller de nouvelles alliances pour trouver et sécuriser de nouveaux débouchés pour leurs propres productions.

Rattraper le temps perdu

Qui, en Europe, pour critiquer encore ce traité commercial signé par Ursula von der Leyen en décembre dernier avec les pays latino-américains du Mercosur ? Un traité qui ouvre la porte aux industriels européens d’un marché à près de 750 millions de consommateurs. Même les agriculteurs français se sont tus. A la Commission, on ressort en urgence des placards les projets d’accords commerciaux laissés en jachère depuis des années, voire des décennies. Ainsi, le premier partenariat sur l’investissement et le commerce entre l’UE et l’Afrique du Sud vient d’être signé. De même, un accord global de libre-échange avec l’Inde, en gestation depuis des années, pourrait aboutir d’ici la fin de l’année, tandis que les négociations s’accélèrent avec l’Indonésie et la Thaïlande.

L’Asie, aussi, veut rattraper le temps perdu et compenser les pertes potentielles d’exportations vers les Etats-Unis. Le 30 mars, à Séoul, les ministres du commerce sud-coréens, japonais et chinois, ont relancé en grande pompe un projet de zone de libre-échange entre ces trois géants industriels. Pour la Corée du Sud, l’enjeu est de taille puisque l’Amérique est devenue l’an passé le premier partenaire commercial du pays, devançant la Chine, du jamais vu depuis vingt ans. Ce projet en sommeil depuis la pandémie vise à garantir un environnement pour le commerce et l’investissement « libre, ouvert, équitable, non discriminatoire, transparent et inclusif », ont indiqué les trois dirigeants.

Au jeu subtil de la diplomatie, chaque mot compte. Les ambitions de ces trois poids lourds asiatiques sont à rebours du bréviaire protectionniste de Donald Trump. En voulant renforcer l’Amérique, la stratégie « MAGA » du président américain pourrait bien aboutir à isoler le pays et l’affaiblir économiquement. Trump, l’arroseur arrosé ?



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Author : Béatrice Mathieu

Publish date : 2025-04-01 18:00:00

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