La démonstration de force devait démontrer la vitalité intellectuelle de Renaissance. Par le jeu de l’actualité, elle en a surtout rappelé l’ADN. Gabriel Attal a remodelé ce dimanche 6 avril son meeting de « refondation » de la formation macroniste, transformant le rendez-vous en confrontation face au Rassemblement national. Avec, en toile de fond, le rassemblement organisé à Paris par Marine Le Pen pour protester contre sa condamnation à cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate dans l’affaire des assistants parlementaires européens.
La virulence de son offensive contre la justice a permis à l’ancien Premier ministre de s’ériger en défenseur des valeurs libérales face à l’extrême droite. Mais à la cité du Cinéma, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), chacun le sait, cette réplique ne suffira pas pour l’emporter en 2027.
Gabriel Attal est un homme patient. Ce dimanche, le Secrétaire général de Renaissance attend la fin de la réunion parisienne de Marine Le Pen pour prononcer son discours de clôture du meeting, parsemé de tables rondes et de conférences. Les valeurs macronistes sont convoquées, de la défense de l’Etat de droit à l’indépendance de la justice. Le chef de file des députés Renaissance étrille les « outrances » du RN, aidé par « l’ingérence » menée par « l’international réactionnaire ». « Ce qui se joue c’est l’imitation par le Rassemblement national de l’intimidation des institutions que nous observons outre-Atlantique. On défend notre Etat de droit », lance-t-il, inscrivant la progression du RN dans un environnement mondial. Marine Le Pen se plaint d’un déni de démocratie ? « Vous n’êtes pas Alexeï Navalny, lui répond Gabriel Attal. Vous êtes l’un des pions de son bourreau. »
« Cette hystérie collective nous ouvre un boulevard »
La radicalité rhétorique au service d’une cause modérée n’est-elle pas un pilier du macronisme ? « On ne peut pas impunément dire que la France n’est plus une démocratie, glissait en milieu de semaine un proche de Gabriel Attal. Cette hystérie collective nous ouvre un boulevard. » Peut-être Gabriel Attal devrait-il remercier le Rassemblement national. Certains macronistes affichaient de prudentes réserves après la condamnation de Marine Le Pen. Tel celui-ci, de gauche, s’interrogeant sur le concept même d’inéligibilité. Ou cette ancienne ministre, sceptique sur la mesure d’exécution provisoire infligée à Marine Le Pen. « Il y a une place entre le ‘circulez il n’y a rien à voir’ et la dénonciation d’un scandale », glissait-elle lundi. Las, les attaques véhémentes contre la justice du RN ont éteint ces voix et unifié le camp macroniste.
L’histoire se répète. Vous aviez aimé la défense de la République par Emmanuel Macron en 2017 ? Goûté son clivage « progressistes contre nationalistes » lors des européennes de 2019 ? Voilà ce duel à nouveau planté en matrice de la vie politique. Gabriel Attal érige sa formation en miroir inversé du Rassemblement national, lui opposant son ADN libéral et européen. « Cette imitation totale de Macron est amusante, sourit un cadre Renaissance. Mais c’est plutôt habile. Attal s’élève dans une forme de statut quasi présidentiel dans son duel avec l’extrême droite, tourné aussi autour des questions internationales. » L’ancien Premier ministre, aux relations fraîches avec le chef de l’Etat, a pris soin de le faire applaudir en début de rassemblement.
« Passons du bloc central à la dynamique totale »
Emmanuel Macron l’a emporté à deux reprises face à Marine Le Pen. Mais à Saint-Denis, on mesure l’essoufflement de ce réflexe. « Le front républicain ne suffit plus », note le vice-président de l’Assemblée nationale Roland Lescure. Le constat est partagé par les figures du bloc central. Edouard Philippe appelle à la présentation d’un « projet clair » plutôt qu’à « l’attaque de l’adversaire ». Gabriel Attal met en garde contre la tentation de n’être qu’une « digue ». « Passons du bloc central à la dynamique totale. Redevenons une force d’attraction dans le débat public », lance-t-il aux adhérents. Un dirigeant Renaissance sourit : « Ce sujet des valeurs mobilise sans fracturer en interne. Mais c’est aussi un cache-sexe. Dès qu’on touche au voile dans le sport ou les retraites, cela divise. Il faudra un jour entrer dans les sujets qui fâchent. »
Le projet de Renaissance est encore en gestation. Gabriel Attal a prôné ce dimanche de « changements profonds », citant l’avènement d’un « choc des savoirs » ou un référendum pour « détaxer massivement le travail ». Cette offre est traversée d’injonctions contradictoires. Elle doit être forte pour endiguer la montée en puissance du RN, qui pénètre de nouveaux segments sociologiques. Elle devra aussi rassembler des personnalités et des formations aux vraies divergences idéologiques.
Rassembler, jusqu’où ? Edouard Philippe et Gérald Darmanin ont plaidé ce dimanche pour l’intégration de LR dans le bloc central. Le premier a invoqué l’urgence de rassembler « la social-démocratie et la droite conservatrice », quand le second regrettait l’absence de Laurent Wauquiez ou Bruno Retailleau au meeting. Gabriel Attal, lui, n’a évoqué LR que pour déplorer ses réactions au jugement du tribunal correctionnel contre Marine Le Pen. Gabriel Attal et ses troupes se sont offerts un instant de communion autour de leur ADN. Mais cet éloge des valeurs masque bien de débats stratégiques et idéologiques à trancher.
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2025-04-06 17:04:00
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