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De Berlin à Rome, l’Europe vacille face aux mesures protectionnistes américaines

De Berlin à Rome, l’Europe vacille face aux mesures protectionnistes américaines

Certes, les économies du globe ont toutes poussé un cri de soulagement en apprenant la suspension des droits de douane pendant 90 jours. Reste que les fluctuations de la politique économique de Donald Trump risquent de causer des « dommages durables », comme le titre l’hebdomadaire britannique The Economist. Sur l’économie américaine et le soft power de la première puissance, bien sûr. Mais également et sans surprise, sur ses partenaires commerciaux, qui pour certains, anticipent déjà une baisse de leur croissance économique.

En France, c’est l’exécutif lui-même qui a revu à la baisse ses prévisions de croissances pour l’année 2025. Tandis que Bercy tablait sur une croissance de 0,9 % au moment de la présentation du budget 2025, le ministre de l’Economie Eric Lombard a annoncé mercredi 9 avril la ramener à 0,7 % « compte tenu des incertitudes ». Des prévisions somme toute plus optimistes que celles de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui a ramené la sienne à 0,5 %.

L’Italie, l’Allemagne et la Suisse particulièrement touchées

Si la contraction peut sembler à première vue importante, elle demeure limitée. Et pour cause, la dépendance de l’économie tricolore aux Etats-Unis est moindre par rapport à d’autres membres de l’Union européenne. Si l’on compare avec nos voisins allemands, les exportations vers les États-Unis représentent environ 1,6 % du PIB français, contre 3,8 % pour l’Allemagne. Washington constitue d’ailleurs le premier partenaire commercial de l’Allemagne, dont l’excédent commercial vis-à-vis des Etats-Unis s’élevait à 63,5 milliards d’euros en 2023.

Une dépendance accrue à l’Oncle Sam que l’Allemagne s’apprête à payer à prix fort. ​En tenant compte des premiers droits de douane sur l’acier et l’aluminium et les voitures, les instituts économiques allemands ont abaissé leurs prévisions de croissance à 0,1 % pour cette année contre les 0,8 % initialement prévus. De quoi laisser craindre une troisième année de récession consécutive, ce qui serait une première depuis l’après-guerre.

Sur le Vieux Continent toutefois, c’est bien la croissance de l’Italie qui pourrait être le plus significativement impactée. Début avril, le gouvernement de la Botte a divisé par deux sa prévision de croissance pour l’année en cours. Ainsi, après avoir annoncé une croissance de 1,2 % en début d’année, l’exécutif mise désormais sur une augmentation des richesses de 0,7 %. Soucieuse de maintenir ses bonnes relations avec Donald Trump, la dirigeante italienne Giorgia Meloni a appelé au sans froid, « la panique et l’alarmisme », étant, selon elle, deux ingrédients susceptibles « de faire plus de dégâts que la mesure en elle-même ».

Luxe, agroalimentaire, machineries industrielles… Washington est pour Rome un bon client. En 2024, l’Italie a exporté pour 67,2 milliards d’euros de biens vers les États-Unis, en faisant alors son deuxième marché d’exportation après l’Allemagne. Consciente de l’importance critique de sa relation commerciale avec les Etats-Unis, Giorgia Meloni se rendra le 17 avril prochain à Washington pour tenter de négocier une exemption auprès du locataire de la Maison-Blanche. Une partition jouée en solo qui n’a pas manqué d’agacer ses alliés européens qui plaident pour l’unité.

Le cas helvétique pourrait s’avérer toutefois plus préoccupant que celui de ses voisins des Alpes. La Suisse risque de subir de plein fouet l’instauration de nouveaux droits de douane à hauteur de 31 % sur ses exportations vers les États-Unis, ce qui fragiliserait un modèle largement tourné vers l’export, notamment dans les secteurs pharmaceutique et horloger. Le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) a d’ailleurs revu à la baisse ses prévisions de croissance publiées en mars, désormais jugées trop optimistes.

L’Espagne tire profit de sa faible dépendance aux Etats-Unis

Il semble dès lors évident que les pays les plus dépendants du marché américain encaisseront le choc plus violemment que ceux qui s’en tiennent à distance. En ce sens, le cas de l’Espagne est éloquent. À rebours de ses voisines d’Europe de l’Ouest, la croissance économique espagnole devrait maintenir un niveau de croissance égal aux prévisions en dépit de la guerre commerciale lancée par Donald Trump. Le Fonds monétaire international (FMI) a relevé jeudi 10 avril ses prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,2 point, à 2,5 %, soit une estimation à peine inférieure à celle du gouvernement espagnol.

Si l’Espagne a toutes les chances d’être relativement épargnée, c’est en grande partie lié à « sa faible exposition commerciale directe et indirecte aux États-Unis », spécifie le FMI dans son communiqué. En proportion, les échanges avec les États-Unis restent marginaux pour l’Espagne, bien en deçà des niveaux observés en Allemagne ou en France. En 2023, les États-Unis ont représenté environ 4,9 % des exportations totales de biens de l’Espagne​, là où elles s’élèvent à 10 % en Allemagne et 7,6 % en France, d’après les chiffres de l’OMC.

Le gouverneur de la banque d’Espagne prêche toutefois une météo économique plus maussade, sans se prononcer sur des estimations précises, José Luis Escrivá a reconnu mercredi 9 avril qu’était « en train de se matérialiser l’un des pires scénarios envisagés », ajoutant que toute révision des prévisions « sera soumise à des éléments d’incertitude très importants, car il existe des facteurs que nous ne pouvons pas encore évaluer correctement, faute d’outils d’analyse suffisamment puissants ».

Dans son rapport publié mi-mars, l’OCDE avait déjà revu à la baisse ses prévisions de croissance mondiale à 3,1 % pour 2025, contre 3,3 % précédemment. Mais ça, c’était encore avant le Liberation Day et l’entrée en vigueur de la première salve des nouveaux droits de douane américains.



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Author : Ambre Xerri

Publish date : 2025-04-11 15:07:00

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