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Etats-Unis : quand Louis Vuitton déchante sur le « made in America »

Etats-Unis : quand Louis Vuitton déchante sur le « made in America »

En octobre 2019, Donald Trump et le PDG de Louis Vuitton (LVMH), Bernard Arnault, inauguraient en grande pompe au Texas un nouveau site de production de la marque de luxe française, baptisé Rochambeau, en hommage au général français ayant combattu lors de la guerre d’Indépendance.

Alors que le président américain menaçait déjà, pendant son premier mandat, de renforcer les droits de douane sur les produits fabriqués en Europe, l’objectif était donc de produire localement des sacs à main griffés afin de contourner ces potentiels tarifs douaniers. « Nous célébrons avec fierté l’ouverture de la marque Louis Vuitton, un nom que je connais bien et qui m’a coûté beaucoup d’argent depuis des années », avait déclaré Donald Trump un tout sourire, saluant un investissement « de 50 millions » de dollars.

Six ans plus tard, les mines heureuses ont disparu. Depuis cette inauguration très médiatisée, l’usine de Rochambeau a été confrontée à une série de problèmes limitant la production, selon les témoignages anonymes d’anciens employés rapportés par l’agence Reuters. Classé parmi les moins performants de la marque au niveau mondial, le site aurait enchaîné des résultats « nettement inférieurs » à ceux des autres usines, d’après des documents partagés en interne.

Un manque de main d’oeuvre qualifiée

Dans un entretien, Ludovic Pauchard, directeur industriel de Louis Vuitton, a reconnu une montée en puissance « plus difficile » que prévu. Rochambeau a peiné à recruter suffisamment d’ouvriers qualifiés dans le domaine du cuir, capables de tenir les standards particulièrement élevés de la marque. Alors que LVMH avait déclaré, en 2019, vouloir créer 1 000 emplois « hautement qualifiés » sur les cinq premières années du plan, les effectifs s’élèvent en réalité à un peu moins de 300 personnes en février 2025 – chiffres confirmés par Damien Verbrigghe, directeur international de la fabrication.

D’après les témoignages internes, il aurait fallu « des années pour commencer à fabriquer les simples poches du sac à main Neverfull », en référence au célèbre cabas de Louis Vuitton. La préparation et l’assemblage auraient entraîné le gaspillage de 40 % de matière, soit le double de la moyenne dans le secteur.

Plusieurs employés témoignent également d’un environnement sous haute pression. Pour maintenir la cadence de production, certains superviseurs auraient fermé les yeux sur des pratiques douteuses, destinées à masquer les défauts des produits. Une ancienne employée affirme par exemple avoir plusieurs fois utilisé une épingle chaude pour « faire fondre » la toile et le cuir afin de cacher les trous dans les coutures. Interrogé sur ces faits, Ludovic Pauchard a reconnu que de telles situations se sont produites dans le passé. « Cela remonte à 2018 et concerne un manager en particulier qui ne fait plus partie de l’entreprise. […] Je n’ai connaissance aujourd’hui d’aucun problème suggérant que la qualité en provenance du Texas soit différente de celle en provenance d’Europe », a-t-il assuré auprès de Reuters.

A l’ouverture de l’usine, les ouvriers étaient payés 13 dollars de l’heure, puis 17 dollars de l’heure en 2024, soit plus du double du salaire minimum au Texas, fixé à 7,25 dollars de l’heure. D’après Damien Verbrigghe, certains employés ont quitté leur poste, découragés par les exigences imposées par la marque en matière de qualité.

Pourtant, malgré toutes ces difficultés, LVMH prévoit d’étendre sa présence industrielle au Texas, en transférant encore davantage d’emplois depuis la Californie. Dans son dossier de 2017, le groupe avait déclaré que sa première usine de production au Texas coûterait environ 30 millions de dollars (26,9 millions d’euros). Un second dépôt datant de 2022 auprès des autorités locales a estimé le coût de son deuxième atelier, achevé l’année dernière, à 23,5 millions de dollars (21,1 millions d’euros).



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Publish date : 2025-04-12 12:00:00

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