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La guerre commerciale de Donald Trump, un accélérateur inattendu pour le traité UE – Mercosur ?

La guerre commerciale de Donald Trump, un accélérateur inattendu pour le traité UE – Mercosur ?

Et si l’accord avec le Mercosur était adopté par l’UE grâce à Donald Trump ? L’accélération des discussions sur l’accord avec les pays latino-américains du Mercosur a été présentée comme une manière pour l’Union européenne de diversifier ses débouchés commerciaux. La France, toujours opposée à l’accord en l’état actuel des négociations, cherche une minorité de blocage au sein de l’Union européenne, qui risque d’être plus compliquée à trouver alors que les Etats-Unis lui imposent désormais une augmentation de 20 à 25 % des droits de douane sur ses produits.

Cet accord de libre-échange avec l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay devrait notamment permettre à l’Union européenne, déjà premier partenaire commercial du Mercosur, d’exporter plus facilement ses voitures, machines, produits pharmaceutiques ou spiritueux. En retour, il faciliterait les exportations sud-américaines de viande, sucre, riz, miel ou soja, ce qui alarme les filières concernées en Europe, qui dénoncent une concurrence déloyale de produits moins encadrés que dans l’UE, par exemple au niveau des pesticides.

Les pays favorables au traité font pression

Les tensions commerciales avec les Etats-Unis offrent un nouvel argument aux Etats européens favorables au traité. « Nous devons mettre pleinement en œuvre l’accord de libre-échange du Mercosur, qui vient d’être négocié », a déclaré mardi la ministre finlandaise des Affaires étrangères, Elina Valtonen, lors d’une conférence de presse. En Autriche encore, le ministre de l’Economie Wolfgang Hattmannsdorfer est désormais ouvertement favorable à l’accord, même si son pays reste officiellement opposé au traité.

Le futur chancelier allemand Friedrich Merz s’est lui-aussi engouffré dans la brèche. « L’équilibre du monde se déplace et nous les Européens avons besoin très rapidement » de nouveaux partenaires commerciaux, a-t-il insisté sur la chaîne ARD. Avant de lancer une pierre dans le jardin de l’Elysée : Emmanuel Macron aurait « maintenant tendance » à regarder plus favorablement l’accord avec les pays latino-américains du Mercosur, s’est avancé Friedrich Merz.

La France se dit toujours opposée au traité « en l’état »

A Paris, qui redoute une nouvelle fronde agricole, on dément tout changement de pied. « Le projet d’accord n’a pas changé et n’est donc pas acceptable en l’état », assure une source diplomatique. « La position de la France n’a pas changé », a aussi insisté mercredi la porte-parole du gouvernement français Sophie Primas, d’autant que le gouvernement n’est « pas encore capable exactement de dire à la fois l’impact sur la croissance et bien sûr encore moins l’impact sur l’emploi » de la décision de Donald Trump sur les droits de douane. « Nous sommes en train de faire un inventaire avec les industriels, avec les agriculteurs, avec toutes les filières professionnelles, pour estimer l’impact, pour les aider aussi à trouver de nouvelles pistes d’exportation en dehors des Etats-Unis », a-t-elle détaillé, évoquant « à peu près 28 000 entreprises » touchées à des degrés divers en France.

Le Mercosur est « un sujet de flottement entre la France et l’Allemagne », reconnaît la ministre française de l’Agriculture Annie Genevard. Mais hors de question de « sacrifier l’agriculture française sur l’autel d’un accord à tout prix », lance-t-elle, en mettant en avant des risques pour des filières comme la volaille, le boeuf, l’éthanol ou le sucre. L’accord « serait favorable pour d’autres productions et en particulier les productions viticoles. Mais un bon accord, c’est un accord équilibré », a-t-elle ajouté mardi sur Radio J, interrogée sur la possibilité que l’opposition de la France à cet accord soit fragilisée au sein de l’Union européenne.

« Hier le projet d’accord entre l’UE et le Mercosur était mauvais, il n’est pas devenu bon par la grâce de la hausse des tarifs douaniers. Le combat continue ! » pic.twitter.com/Zgrt3FEnXg

— Annie Genevard (@AnnieGenevard) April 11, 2025

Pour elle, l’instauration de « clauses miroirs » pour que les mêmes normes de production s’appliquent des deux côtés, est nécessaire. L’accord de libre-échange « ajouterait des désordres […] aux désordres provoqués par les taxes douanières de Donald Trump » et n’est « pas un remède », a-t-elle déclaré.

Le ministre des Finances, Eric Lombard, s’est pour sa part déclaré « favorable » à la signature d’accords commerciaux, comme celui avec le bloc sud-américain du Mercosur, « à condition qu’on le fasse évoluer, car il n’est pas acceptable en l’état. Il y a encore des améliorations à y apporter en matière agricole et environnementale ». Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, soutient d’ores et déjà le rapprochement UE/Mercosur pour « amortir les chocs » liés à la politique commerciale de Donald Trump.

L’exécutif européen insiste pour diversifier les débouchés commerciaux

Menacée à trois reprises par des droits de douane du président américain au cours des derniers mois, la Commission européenne milite pour une diversification tous azimuts des débouchés commerciaux, tant les incertitudes sont nombreuses avec les Etats-Unis, principal partenaire commercial, avec qui elle échange annuellement 1 600 milliards d’euros de biens et services. « Dans un monde instable », l’intérêt du traité avec le Mercosur est « très clair », a répété l’exécutif européen le 10 avril.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’est rendue à des sommets en Inde, en Afrique du sud et en Asie centrale. « L’Europe poursuit la diversification de ses partenariats commerciaux », a-t-elle encore assuré jeudi, tendant la main à tous ceux qui croient aux principes « de liberté et d’ouverture » des marchés.

Le président chinois Xi Jinping a même invité vendredi dernier Bruxelles à mutualiser leurs forces pour « résister » ensemble à la « coercition » de Washington. Dans la foulée, l’Union européenne a confirmé la tenue d’un sommet avec les dirigeants chinois courant juillet, en Chine, bien que certains dirigeants européens craignent que l’industrie européenne, déjà concurrencée par l’industrie chinoise, soit encore plus menacée.

La France risque de perdre d’autres soutiens

La Commission compte rassurer « tous les Etats membres » et veut présenter un texte au Parlement « avant la fin de l’été », a affirmé un de ses porte-paroles Olof Gill. Mais les eurodéputés restent divisés. Aux yeux d’un fonctionnaire européen, en France, sur le Mercosur « rationnellement ça devrait bouger » mais « politiquement ça ne peut pas bouger » car « le gouvernement tomberait » s’il soutient cet accord contesté par des élus de tous bords, estime-t-il.

Pour être approuvé, le traité doit d’abord recevoir l’aval de quinze Etats membres représentant au moins 65 % de la population européenne. Au sein des 27, la France espérait jusqu’ici réunir une minorité de blocage – au moins quatre Etats représentant plus de 35 % de la population de l’UE – contre le traité Mercosur. Mais « vu le contexte, elle ne l’aura probablement pas », pronostique déjà une source à la Commission.

S’il est validé, l’accord serait soumis au Parlement européen, où son adoption demeure incertaine. Côté calendrier, dans les chancelleries comme chez les eurodéputés, on considère que rien ne se passera tant que la Pologne, hostile au Mercosur, occupe la présidence tournante du Conseil de l’UE. Mais les Polonais passent le témoin début juillet au Danemark, qui pourrait mettre ce dossier inflammable à l’ordre du jour.





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Publish date : 2025-04-17 14:12:00

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