Le 27 février dernier, une petite fille de six ans est morte de la rougeole à Lubbock, dans l’ouest du Texas. Dans son comté, environ 92 % des enfants de son âge sont vaccinés ; elle ne l’était pas. Depuis, un adulte et un enfant de 8 ans ont eux aussi succombé à la maladie et le nombre de cas explose : les derniers chiffres font déjà état de plus de 700 contaminations à l’échelle du pays, dont 560 rien qu’au Texas.
L’ampleur de la propagation du virus commence à inquiéter dans l’entourage de la Maison-Blanche. Robert Kennedy Jr, le ministre de la Santé de l’administration Trump, était jusqu’ici connu pour son militantisme antivax. Des années durant, il a propagé des informations complotistes sur le vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons (RRO), l’accusant de provoquer l’autisme, une idée rejetée par tous les experts de la question. En 2019, il s’en prend à l’Etat de New York qui vient de rendre la vaccination obligatoire après une épidémie de rougeole particulièrement violente au sein de la communauté juive orthodoxe de Brooklyn. Sa requête est rejetée par la justice américaine, mais lors de son ralliement à Donald Trump, il récidive en accusant les vaccins de provoquer « plus de mal que de bien »… jusqu’à l’explosion de l’épidémie au Texas. « La manière la plus efficace de stopper la propagation de la rougeole, c’est le vaccin », admet-il dans un tweet début avril, suscitant l’ire de ses anciens alliés antivax.
Extrême contagiosité
D’après les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), il faut vacciner plus de 95 % d’une population donnée pour atteindre l’immunité collective contre la rougeole – 5 points de plus que le Covid-19, 15 points de plus que la poliomyélite. Cela s’explique par l’extrême contagiosité de la maladie : en moyenne, un malade de la rougeole contamine entre 12 et 18 personnes. A titre de comparaison, au plus fort de l’épidémie de Covid en France, une personne contaminait environ 4 personnes en moyenne.
En principe, la rougeole est nettement moins dangereuse. Son virus évolue moins rapidement que celui du Covid et la plupart des cas sont bénins. Mais il peut arriver qu’elle provoque des complications respiratoires et neurologiques graves, pouvant entraîner des hospitalisations et parfois, des décès. Chaque année, elle est à l’origine d’environ 100 000 décès dans le monde, essentiellement des enfants de moins de 5 ans en Afrique subsaharienne et en Asie. Mais le continent européen n’est pas épargné.
Un record de contaminations depuis 1997
En 2024, un peu plus de 127 000 cas ont été recensés par l’OMS dans la grande région européenne, qui comprend une cinquantaine de pays de l’Europe de l’ouest jusqu’à l’Asie centrale. Le nombre de contaminations n’avait pas été aussi haut depuis 1997. Certains pays sont particulièrement touchés, à l’image de la Roumanie (près de 31 000 cas), du Kazakhstan (28 000 cas) ou encore de la Russie (22 000 cas).
Dans la plupart des pays d’Europe, la vaccination contre certaines maladies infantiles s’est infléchie après la pandémie de Covid-19. C’est notamment le cas de l’Espagne (91 % d’enfants vaccinés contre la rougeole, alors qu’ils étaient 94 % en 2019) ou encore du Royaume-Uni (85 % contre plus de 88 % en 2019), mais dans les pays de l’ex-espace soviétique, l’explication est à trouver ailleurs. « A la chute du régime de Ceausescu, les gens se vaccinaient énormément », pointe le Dr Mihai Craiu, pédiatre à l’université Carol Davila de Bucarest, « puis lorsque la Roumanie s’est ouverte sur l’Union européenne, les traitements ont changé, se sont améliorés… mais la confiance des gens s’est érodée. »
Dans son pays aujourd’hui, moins de deux enfants sur trois sont vaccinés. Résultat : l’épidémie prospère. Depuis plusieurs la fin des années 2010, la Roumanie est un des plus gros foyers épidémiques de la région. En 2024, presque un dixième des cas de rougeole recensés dans le monde l’a été dans le pays. Pour le Dr Craiu, « ce n’est même pas une question d’argent ou d’accès à la vaccination ». Il cite l’exemple de la région d’Arad, dans l’ouest du pays, une région industrielle prospère, bien connectée à l’Europe, avec un taux de chômage très bas. Malgré cela, la région enregistre le plus faible taux de vaccination du pays (31 %). « Tout est question de communication », déplore le professeur de pédiatrie, qui estime que « face aux discours antivax, nous n’arrivons pas à faire entendre l’importance de la vaccination à la population ».
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Author : Mathias Penguilly
Publish date : 2025-04-18 05:00:00
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