Tous s’accordent : jamais l’Amérique dans son histoire politique moderne n’a connu 100 jours pareils, aussi frénétiques que chaotiques. Très vite après son investiture, Donald Trump a rythmé les semaines par des annonces politiques impulsives et fracassantes dans tous les domaines. En politique intérieure avec les coupes à la tronçonneuse dans les budgets et les effectifs de fonctionnaires, comme en politique extérieure avec l’imposition de tarifs douaniers monstrueux à ses alliés commerciaux, jusqu’au cœur de la démocratie en contestant l’autorité des tribunaux en matière d’immigration… Les cent premiers jours de Trump ne sont autres que « cent jours de délires monarchiques couplés à une incompétence fondamentale », cingle en titre le journal britannique progressif The Guardian.
Dans des termes moins radicaux, le New York Times confirme les conséquences de ce déferlement chaotique de mesures violentes : « Dans ce second mandat, Donald Trump semble déterminé à utiliser chaque heure pour faire avancer un programme guidé par un mélange changeant de rancunes, de calculs politiques à court terme, de convictions profondes et d’enseignements tirés de son premier mandat ». Trois mois seulement après son retour au pouvoir, le 47e président des États-Unis « a mis à l’épreuve la capacité de la nation à absorber les bouleversements — et la résilience de la démocratie américaine face à un président dont la conception du pouvoir fait craindre une dérive autoritaire », juge le grand quotidien.
La fausse promesse de « l’âge d’or » écrase sa popularité
Il avait promis lors de son investiture, sous la coupole du Capitole pris d’assaut quatre ans plus tôt par ses partisans, un nouvel « âge d’or » économique et social. Les décisions prises par le nouveau président semblent désormais bien moins populaires que cet engagement. Ce mois d’avril 2025, Donald Trump affiche « la cote de popularité la plus basse de tous les présidents américains ces 70 dernières années », souligne le quotidien économique britannique Financial Times. Les violentes coupes budgétaires menées par son acolyte Elon Musk et sa politique commerciale agressive, qui vaut à l’Amérique de transformer de nombreux alliés en ennemis, ont retourné jusqu’à certains de ses partisans. Tout en confortant sa base la plus loyale, qui estime qu’il fait exactement ce qu’il a promis, note de son côté la BBC.
L’une des déceptions principales des Américains : la politique commerciale de Donald Trump. « Les sondages montrent que les électeurs estiment qu’il consacre trop de temps aux droits de douane et pas assez à la réduction du coût de la vie », précise le Financial Times. Selon un sondage RealClearPolictics cité par le journal, son taux de désapprobation est actuellement de 52,4 %. Pour Donald Trump néanmoins, aucun doute : ces chiffres relèvent du « syndrome de dérangement anti-Trump », et les sondeurs des enquêtes ABC/Washington Post, The New York Times et Fox — qui montrent toutes que son taux de désapprobation dépasse son taux d’approbation de plus de 10 points — « devraient être poursuivis pour FRAUDE ÉLECTORALE », comme il le martèle ces derniers jours sur son réseau Truth Social.
Chaos économique
De nombreux domaines ont été bouleversés en quelques semaines par l’avalanche de mesures visant à « démanteler le gouvernement fédéral » à l’intérieur, et à « remodeler l’économie mondiale à l’extérieur », analyse le Financial Times. Pour les Américains, leur impact le plus inquiétant est dans l’immédiat celui sur l’économie — un front pourtant dominé par le businessman durant son premier mandat et mis en avant dans sa campagne 2024.
Car si certains électeurs républicains apprécient le message de fermeté de Donald Trump vis-à-vis de ce qu’il désigne comme des abus commerciaux étrangers, la politique des tarifs douaniers de Trump a déjà des conséquences palpables sur la vie des Américains. « Les tarifs représentent le plus grand choc de politique économique depuis que Richard Nixon a mis fin aux accords de Bretton Woods en 1971 — ce qui a déclenché une inflation », contextualise le Wall Street Journal, journal papier le plus diffusé aux États-Unis. Et les conséquences sont multiples pour l’avenir politique des Etats-Unis : l’attaque désordonnée contre alliés et ennemis a ébranlé la confiance mondiale dans la fiabilité des États-Unis, les États-Unis abandonnent inutilement leur leadership économique mondial, et la Chine en profite déjà en courtisant les alliés des États-Unis en tant que marché géant plus fiable, liste le journal conservateur.
Ce qui pousse le président à rétropédaler, cent jours après le lancement de ce programme aussi tentaculaire que chaotique. « Il semble que Donald Trump commence enfin à reconnaître certains risques liés aux tarifs, en parlant désormais de conclure quelque 200 accords commerciaux », poursuit le WSJ. Qui lui reconnaît néanmoins quelques réussites : « son expansion de la production énergétique américaine progresse bien, et s’avère nécessaire après la guerre menée par Biden contre les combustibles fossiles », affirme le journal.
La bombe du « Doge »
En parallèle de la menace de l’augmentation des prix, la violence extrême des mesures prises par le « département d’efficacité gouvernementale » (Doge) — sous l’égide du multimilliardaire de la tech Elon Musk avec pour mission de réduire drastiquement les dépenses d’un gouvernement inefficace — a valu au gouvernement Trump une vague d’indignation sociale, issue de votants qui soutenaient pourtant le message initial.
« Elon Musk et son Doge n’ont pas perdu une minute de ces 100 jours, en s’attaquant à une grande partie des effectifs fédéraux et en réduisant les dépenses publiques, y compris celles consacrées à l’aide internationale » résume la BBC, pour qui le Doge « devient incontrôlable ». Environ 83 % des programmes de l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), soit plus de 5 200 contrats et subventions, ont été annulés, et des centaines de millions de dollars de budgets ont notamment été retirées aux départements de la Justice et de l’Education. En tout, plus de 250 000 fonctionnaires ont été licenciés, mettant fin aux recherches de médecins et de chercheur dans des secteurs essentiels comme les maladies graves, gelant les fonds pour les anciens combattants et « menaçant les prestations de santé et les acquis sociaux de millions de personnes », liste The Guardian.
Une politique diplomatique impulsive
Côté diplomatie, c’est en premier lieu sa recherche déséquilibrée de paix en Ukraine qui est source d’inquiétude. « Jusqu’à ce week-end, il avait à peine dit un mot négatif sur Vladimir Poutine tout en faisant pression sur l’Ukraine pour qu’elle fasse des concessions pouvant la condamner à de futures agressions », dénonce le WSJ. Alors que le retrait de Joe Biden d’Afghanistan avait anéanti la dissuasion américaine, « une débâcle en Ukraine aurait le même effet pour Donald Trump, avec des répercussions sur l’Iran, la Corée du Nord et, surtout, sur les ambitions chinoises dans le Pacifique », met en garde le journal.
A cela s’ajoutent ses déclarations extravagantes « sur l’annexion du Groenland, la reprise du canal de Panama et la désignation du Canada comme 51e État », qui « ont porté atteinte à la réputation des États-Unis dans le monde entier » ajoute The Guardian.
Trump frôle une crise constitutionnelle sur l’immigration
Alors qu’il dispose de l’un de ses plus larges soutiens sur la question de l’immigration, les décisions de Donald Trump depuis le début de son mandat sont elles aussi jugées globalement excessives. Pour cause, l’opposition de nombreux juges qui considèrent que certaines actions de l’exécutif américain vont à l’encontre de la loi. Si la Maison-Blanche évite pour l’heure un conflit ouvert avec les juges susceptibles de déclencher une crise constitutionnelle majeure aux États-Unis, la confrontation pourrait éclater si les cas de contournement des décisions de justice continuent de se multiplier. Ou si Donald Trump décide d’ignorer un ordre de la Cour Suprême, prévient la BBC. En attendant, l’approbation de Donald Trump a baissé de plus de 10 points sur le sujet, rapporte le média.
Sur ce front-là comme sur les autres. « le mot d’ordre à la Maison-Blanche semble être : si quelque chose vaut la peine d’être fait, alors autant en faire trop », tance en conclusion le Wall Street Journal. Pour qui « le président a besoin d’un important réajustement s’il veut sauver les dernières années de son mandat des chocs économiques et diplomatiques qu’il a lui-même provoqués ».
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Author : Enola Richet
Publish date : 2025-04-30 12:04:00
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