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Conflit Inde–Pakistan : le scénario catastrophe de l’escalade nucléaire

Conflit Inde–Pakistan : le scénario catastrophe de l’escalade nucléaire

A quoi pourrait ressembler une escalade nucléaire entre le Pakistan et l’Inde ? Une étude publiée en 2019 dans la revue « Bulletin of the Atomic Scientists » proposait un scénario cauchemardesque. Il débute par un attentat terroriste meurtrier en Inde, au cours de l’année 2025. Des escarmouches frontalières mènent ensuite à une intervention terrestre indienne sur le territoire voisin. Les généraux pakistanais, paniqués, choisissent de stopper l’invasion au moyen d’une dizaine de frappes nucléaires sur le front, en une journée, avec des bombes « tactiques » d’une puissance de 5 kilotonnes – moins que les 12 kilotonnes de celle larguée sur Hiroshima en 1945.

Mais leurs adversaires indiens recourent eux aussi au feu atomique. L’escalade s’emballe jusqu’à ce que chaque belligérant ait utilisé toutes ses bombes – l’Inde en compte 180 et le Pakistan 170 selon les dernières estimations de la Fédération des scientifiques américains, une ONG indépendante faisant autorité. Des dizaines de millions de personnes sont tuées sur le sous-continent. Et ce n’est pas tout, puisque les rejets atmosphériques des explosions provoquent un hiver nucléaire faisant chuter les températures et ruinant l’agriculture mondiale. Des milliards d’individus se retrouvent victimes de la famine.

« Ligne de contrôle » très contestée

Depuis que l’Inde a procédé à l’explosion de sa première bombe atomique, en 1974, et plus encore après que le Pakistan en a fait de même, en 1998, la communauté internationale vit avec la crainte qu’une crise entre les deux pays dégénère en conflit nucléaire. Car à la suite de leur indépendance conjointe, au départ du colonisateur britannique, ils se sont affrontés dans quatre guerres, en 1947, 1965, 1971 et 1999, avant de nouvelles confrontations en 2001-2002 puis en 2019, le plus souvent liées au fait que chacun revendique la souveraineté totale du Cachemire, territoire majoritairement musulman qu’ils se partagent avec la Chine.

La très contestée « ligne de contrôle » indo-pakistanaise, dans cette région himalayenne, a été qualifiée d’ « endroit le plus dangereux du monde » par le président américain Bill Clinton. Après l’attentat du 22 avril sur un site touristique du Cachemire indien, attribué par New Dehli à un mouvement djihadiste pakistanais, la communauté internationale a toute de suite appelé à la retenue, que ce soient Washington, Pékin, Moscou ou encore les Européens. Cela n’a pas empêché les représailles des 6 et 7 mai, avec des frappes mutuelles.

Deux doctrines différentes sur l’emploi de l’arme nucléaire

La possession de l’arme nucléaire, que chacun considère comme une assurance vie, joue un rôle primordial dans le rapport de force qui se joue actuellement entre les deux pays. Leurs arsenaux atomiques sont principalement terrestres et composés de missiles de portée courte à intermédiaire (jusqu’à 5 500 kilomètres). Ils diffèrent en revanche sur leurs doctrines. « L’Inde refuse l’idée que ce soit une arme d’emploi sur un théâtre de guerre, elle la présente comme une arme de survie existentielle, pour répliquer à un usage nucléaire, et sa stratégie de dissuasion concerne également son voisin chinois », précise Emmanuelle Maître de la Fondation pour la recherche stratégique.

Islamabad est moins précis dans sa doctrine, mais dispose de vecteurs tactiques de très courte portée, comme le Nasr, pour des cibles à 60 à 70 kilomètres. « Le Pakistan assume l’utilisation de telles armes pour répondre à toute offensive d’ampleur qui viserait son territoire, car il sait très bien que l’Inde est plus forte au niveau conventionnel », précise la chercheuse. L’armée indienne compte à peu près deux fois plus de militaires, d’avions et pièces d’artillerie pour un budget de défense huit fois plus important (81 milliards de dollars contre 10 côté Pakistanais).

« Il ne faut pas surestimer les nombreuses situations d’hostilité et même les actions aux frontières entre les deux pays, ajoute cependant Emmanuelle Maître. Quand on parle avec les acteurs de la région, ils affichent une confiance – qu’on peut juger excessive bien sûr – dans le fait de contrôler l’escalade. » Le scénario noir d’un affrontement nucléaire ne peut être exclu s’agissant de deux pays possédant le feu atomique. Mais compte tenu des risques de destruction mutuelle, il reste peu probable.



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Author : Clément Daniez

Publish date : 2025-05-07 16:55:00

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