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Donald Trump en pape ou en Jedi : la communication déroutante de la Maison-Blanche

Donald Trump en pape ou en Jedi : la communication déroutante de la Maison-Blanche

En quelques heures, le portrait de Donald Trump vêtu d’une tenue papale a fait le tour du monde. Vraisemblablement générée par l’intelligence artificielle, la photo en couleur diffusée vendredi 3 mai sur son réseau social Truth Social montre le président des Etats-Unis assis l’air solennel dans un fauteuil, le visage fermé, habillé de la soutane blanche du pape, arborant l’imposante croix en or autour du cou, main gauche posée sur sa cuisse et index droit levé vers le ciel.

S’il est évident que l’image, qui s’apparente à un deepfake, a été créée par l’intelligence artificielle, sa reprise par le compte officiel de la Maison-Blanche sur les réseaux sociaux était inattendue et pose de nombreuses questions. Le montage diffusé sur les réseaux sociaux a largement été dénoncé samedi aux Etats-Unis, comme un manque de respect pour la figure du défunt souverain pontife.

Communication inédite

Traditionnellement, les réseaux sociaux de la Maison-Blanche constituent un moyen relativement sobre de communication. « Ce n’est plus le cas », notait il y a déjà deux mois un article du Guardian. Selon le journal, sous la présidence de Donald Trump, les communications numériques de la Maison-Blanche « ont dépassé la propagande pour atteindre un niveau de mauvais goût et de flagornerie qui a choqué les observateurs et suscité des inquiétudes quant à la perception qu’aurait le président de lui-même ».

Outre cette image de Donald Trump affublé de la tenue papale, d’autres images toutes aussi déconcertantes ont été diffusées sur les comptes de la Maison-Blanche sur Facebook et X récemment. A l’instar de celle diffusée le 4 mai – jour d’anniversaire de la saga Star Wars – qui représente le président américain dans la peau d’un guerrier Jedi issu de l’univers Star Wars. La photo, elle aussi émanant de l’IA, montre un Donald Trump au regard dur, avec des muscles saillants et veineux et non pas un, mais deux aigles (symbole des Etats-Unis) devant lesquels il empoigne un sabre rouge. Pour légende, la Maison-Blanche écrit sur X : « Joyeux 4 mai à tous, y compris les fous de la gauche radicale qui se battent si fort pour ramener les seigneurs Sith [principaux antagonistes de l’univers Star Wars], les meurtriers, les barons de la drogue, les prisonniers dangereux et les membres bien connus du gang MS-13 dans notre galaxie ».

Happy May the 4th to all, including the Radical Left Lunatics who are fighting so hard to to bring Sith Lords, Murderers, Drug Lords, Dangerous Prisoners, & well known MS-13 Gang Members, back into our Galaxy. You’re not the Rebellion—you’re the Empire.

May the 4th be with you. pic.twitter.com/G883DhDRR5

— The White House (@WhiteHouse) May 4, 2025

Des trolls à la Maison-Blanche ?

« C’est inédit de voir ce genre de communication provocatrice sur un compte officiel, qui avait jusque-là un caractère très administratif », commente auprès de L’Express Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l’Université de Paris Cité, spécialisé dans les cultures numériques. En février, alors que le président de 78 ans saluait ses propres efforts pour tenter de révoquer le système de péage urbain récemment rétabli à New York sur son réseau Truth Social, la Maison-Blanche a repris le même message, pour le moins trumpesque, en majuscules dans le texte. Le post publié sur le réseau social Instagram indiquait : « LA TARIFICATION ANTI-CONGESTION EST MORTE. Manhattan et tout New York sont SAUVÉS », ajoutant : « VIVE LE ROI ». Le message était accompagné d’une photo d’une fausse couverture du magazine Time, représentant Trump en roi, portant une couronne. A la place du titre du magazine, on pouvait lire le nom de Trump en grosses lettres, et, dans le coin gauche, les mots « Long live the King » (longue vie au roi, en français).

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Interrogé par des journalistes américains sur l’image de lui en pape, Donald Trump a lundi 5 mai que l’image avait été publiée comme une blague sur son compte Truth Social, qui a ensuite été republiée par la Maison Blanche sur les réseaux sociaux. « Je n’y suis pour rien », a déclaré Trump. Et d’ajouter : « C’est juste que quelqu’un l’a fait pour s’amuser. C’est bien. Il faut bien s’amuser un peu, non ? » Sollicitée par les médias, la Maison-Blanche n’a pas répondu aux questions concernant l’identité du créateur des mèmes.

« Le compte de la Maison-Blanche joue sur des références de culture numérique qui parlent surtout aux jeunes générations. Il y a de fortes chances que l’équipe responsable des réseaux sociaux soit passée sous la coupe de personnes plus jeunes », suggère Tristan Mendès France. Suivant une autre tendance sur les réseaux sociaux, la Maison-Blanche a également publié des dessins animés d’expulsion inspirés des films d’animation du studio japonais Ghibli, après que ChatGPT a rendu cette option populaire le mois dernier.

Un message déroutant

Dans un article intitulé « L’administration nous trolle tous », le journal britannique Independent note que « l’objectif du comportement en ligne reste le même : titiller les partisans de Trump tout en irritant la gauche. En un mot, du trolling« . Un constat que partage Tristan Mendès France. « Le propre de ce type de communication, qui est plutôt un grand classique de l’extrême droite en ligne, c’est à la provocation, explique-t-il. Il y a par ailleurs un terme anglo-saxon pour désigner une communication qui cherche à « trigger » (soit littéralement déclencher l’indignation), avec pour seul objectif d’occuper l’espace d’engagement et d’attention ».

Selon l’expert en réseaux sociaux et nouveaux usages numériques, ce qui est encore plus déroutant, c’est qu' »au-delà du trolling, le compte de la Maison-Blanche ne se limite plus seulement à une communication informationnelle, mais communique sur le terrain de l’émotion ». Des experts interrogés par l’agence britannique Reuters ont par ailleurs déclaré que, contrairement à celles ancrées dans la réalité, les images générées par l’IA brouillent les pistes, ce qui peut induire en erreur. Pour l’instant, l’IA est utilisée par la Maison-Blanche et Donald Trump pour provoquer, plus que pour une campagne de désinformation. « Je pense que nous assistons à un nouveau phénomène : la fusion des médias sociaux et du pouvoir de l’IA, organisés pour le pouvoir politique et la domination narrative », a déclaré auprès de Reuters John Wihbey, directeur du AI-Media Strategies Lab de l’Université Northeastern de Boston.

Auprès de Reuters, Jennifer Mercieca, spécialiste de la rhétorique présidentielle à l’Université Texas A & M de College Station, a déclaré que le président américain cherchait à projeter une image de force à un moment où son taux d’approbation présidentiel est en baisse. « La politique de Trump est impopulaire, et sa présidence l’est tout autant. Dans ce contexte, Trump s’est forgé une image de héros, tentant de persuader la nation (et le monde) qu’il est bel et bien un héros », analyse la chercheuse. Récemment questionné sur le fait que le président irait parfois trop loin avec sa rhétorique agressive et sa réalité auto-créée, le directeur de la communication de la Maison-Blanche, Steven Cheung, a déclaré au magazine The Atlantic : « quand les temps sont durs, on ne recule pas ; on redouble d’efforts. Et si ça ne marche pas, on triple ».





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Publish date : 2025-05-07 15:30:00

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