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« Il ne se met pas en danger »: Bruno Retailleau, une campagne sans prise de risque

« Il ne se met pas en danger »: Bruno Retailleau, une campagne sans prise de risque

Et les mauvais souvenirs refirent surface. En ce début février 2025, de vieux fantômes assaillent ce ministre LR à la perspective du duel entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez pour la présidence des Républicains (LR). Comme cette lutte fratricide entre Jean-François Copé et François Fillon en 2012, prélude aux tragédies de la droite. Il s’en ouvre à un collègue du gouvernement : « Même si Retailleau l’emporte, il aura du sang sur sa veste. » Lui aimerait qu’elle reste immaculée. Favori du scrutin du 18 mai, le Vendéen a mené une campagne fidèle à cet objectif : sans prise de risque, assise sur son statut de ministre de l’Intérieur. Son dernier « grand meeting », ce dimanche à Boulogne-Bilancourt, a illustré cette stratégie. Devant plus de 2000 personnes, l’ex-sénateur a vanté son « bilan » à Beauvau et sa capacité à « prendre les Français à témoin ». « Tant que j’aurai les moyens d’être utile aux Français, je ferai mon devoir », a-t-il lancé, rappelant la « décision collective » de LR d’entrer au gouvernement à l’automne.

Cette fonction l’a fait entrer dans le cœur du peuple de droite. Bruno Retailleau s’appuie sur ce titre, chargé de symboles, pour vaincre Laurent Wauquiez. C’est depuis Beauvau qu’il développe son corpus idéologique, à la faveur de l’actualité. Comme lorsqu’il dénonce ce samedi « la fabrique des barbares » après l’agression d’un pompier à Évian-les-Bains ou la « mexicanisation du pays » dans le cadre de l’examen de la loi sur la Narcotrafic. L’intérieur, un si confortable Aventin.

C’est le privilège du favori. L’ancien sénateur n’a installé aucun duel avec Laurent Wauquiez, le laissant boxer dans le vide. Il a refusé les propositions de débats télévisés, et n’a pas répondu au SMS du Ponot l’invitant à échanger autour de son souhait d’envoyer à Saint-Pierre-et-Miquelon les étrangers dangereux visés par une OQTF. Il ne parle jamais de son concurrent, sauf lorsqu’il est invité à le faire par les journalistes. Pourquoi s’y risquer ? Citer Laurent Wauquiez, c’est lui offrir de l’oxygène médiatique. C’est, aussi, courir le danger d’entrer dans un combat de boue peu glorieux. “Il ne se met pas en danger”, note une dirigeante LR. « Les deux font une bonne campagne, note un proche de Laurent Wauquiez. Retailleau mène une bonne course défensive en misant tout sur sa stature de ministre. Wauquiez a trouvé les arguments pour l’embêter, notamment dans son rapport à Bayrou et la liberté de parole. »

La stratégie du patron des députés LR est ambivalente. Il s’est attelé à fragiliser la coalition gouvernementale pour atteindre par ricochet Bruno Retailleau. Il épingle sa sujétion à François Bayrou, entrave supposée à son indépendance, et l’immobilisme du Premier ministre. Mais en ciblant le « ministre » Retailleau, il joue sur le terrain de son rival. « Wauquiez ne l’a pas déstabilisé, note le maire de Meaux Jean-François Copé. Il aurait dû sortir une idée par jour dans tous les domaines. » Et faire ainsi de la Place Beauvau un carcan intellectuel. Il s’y est essayé ce dimanche, avec sa proposition de limiter à deux ans l’accès au RSA.

« Je ne laisserai rien au hasard »

Bruno Retailleau mène une campagne publique sans coups d’éclat, destinée à consolider son avance. La donne est différente en interne. Entre chasse aux adhésions et opérations de « phoning », le camp du Vendéen a mené une course intense. « Je ne laisserai rien au hasard », confiait le ministre de l’Intérieur en mars, évoquant une « organisation industrielle ». Ainsi, son équipe s’est illustrée par son pointillisme. Elle a obtenu une divulgation des résultats du vote par département et la publication du nombre de parrainages obtenus par les deux candidats. « Sur un plan opérationnel, on mène une campagne d’outsider », jure le directeur de campagne Othman Nasrou.

Les adhérents trancheront dans une semaine. Ils ne sont pas appelés à donner une note artistique à la plus belle campagne. Mais à trancher entre deux incarnations, tant la gémellité idéologique des deux rivaux est évidente. Voire deux récits. « Chacun se protège derrière un mythe, note l’ancien député du Vaucluse Julien Aubert. Wauquiez invoque celui du grand Chirac, quand Retailleau invoque tacitement Sarkozy sur son parcours. Est-on à l’aube d’une campagne napoléonienne avec Retailleau, ou est-on à l’aube d’un fabuleux de renversement de circonstances où le petit chose gagne contre l’homme du haut ? » Cette compétition interne n’est qu’une étape avant la grande marche de 2027. La droite, affaiblie par tant de débâcles électorales, devra cette fois être à l’offensive.



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Author : Paul Chaulet

Publish date : 2025-05-11 15:57:00

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