En 2025, la santé mentale a été érigée en grande cause nationale. Cette mobilisation inédite vise à briser les tabous et à améliorer les connaissances sur ces sujets importants. Dans ce contexte, notre pétition « Cessons de pathologiser le Haut Potentiel Intellectuel (HPI). Ça peut briser des vies », lancée au printemps, a déjà recueilli des milliers de signatures et de nombreux témoignages de victimes. Elle révèle l’ampleur d’un problème trop souvent passé sous silence : la confusion persistante entre HPI et troubles psychiques.
Porté par un collectif de professionnels de santé mentale, de chercheurs, d’associations et de personnes concernées, notre appel dénonce la désinformation massive qui entoure le HPI depuis deux décennies et alerte sur ses conséquences dramatiques en santé mentale.
La vérité scientifique derrière les clichés
Selon le consensus scientifique international, le HPI se définit par un quotient intellectuel (QI) supérieur ou égal à 130. Cette caractéristique cognitive se traduit par des capacités accrues en résolution de problèmes, en raisonnement logique et en adaptation. Les études scientifiques sont unanimes : avoir un haut potentiel intellectuel représente d’abord un atout, et les personnes à QI élevé ne souffrent pas davantage de troubles mentaux que la population générale.
Au contraire, une méta-analyse récente portant sur 50 000 individus aux Etats-Unis et au Royaume-Uni de 1957 à nos jours confirme qu’une intelligence élevée est statistiquement associée à une meilleure qualité de vie et à une résilience accrue. Le QI permet également de prédire la réussite scolaire, le niveau de diplôme et la performance professionnelle, faisant de l’intelligence un atout considérable.
Si avoir un Haut QI ne protège pas de tout, cela devrait plutôt être considéré comme une ressource, non une pathologie. Pourtant, le HPI peine à se défaire des clichés délétères qui l’accompagnent : ces « surdoués » seraient condamnés à l’inadaptation et à la souffrance, incapables de trouver leur place dans la société. Cette vision, popularisée et entretenue depuis les années 2000 par certains best-sellers et figures médiatiques, s’est imposée dans les cabinets médicaux, les médias et même le système éducatif. Dans les faits, la situation est désastreuse : autisme, TDAH, troubles anxieux ou bipolaires sont trop souvent confondus avec le HPI, induisant des erreurs diagnostiques et des retards de prise en charge. Le résultat est sans appel : des patients en errance, des troubles aggravés, des vies brisées.
Errance diagnostique et vies gâchées
Les témoignages de victimes recueillis via la pétition illustrent l’ampleur des dégâts. « On m’a attribué mes crises d’angoisse et mes idées suicidaires au HPI, alors que je vivais un trauma non diagnostiqué. J’ai finalement découvert que j’étais autiste et TDAH à 19 ans, après des années d’errance », raconte une anonyme. Comme elle, nombreux sont ceux dont les troubles réels – troubles du spectre autistique, TDAH, stress post-traumatique – ont été ignorés au profit d’un pseudo-diagnostic de HPI. C’est le cas de cette graphiste de 42 ans, qui partage un parcours similaire : « Pendant des années, on m’a dit que mes difficultés sociales venaient de mon QI. En réalité, j’étais autiste. Le diagnostic tardif m’a coûté des burn-out et une carrière chaotique ».
Ces dramatiques expériences ne sont pas isolées. Notre collectif est composé de personnes et d’associations présentes sur le terrain et sur les réseaux sociaux qui constatent cet état de fait. « On ne compte plus les témoignages relatant le même type de parcours, ces errances qui peuvent durer des dizaines d’années, et les situations tragiques qui auraient pu être évitées, explique Raphaël Rodriguez, co-initiateur du collectif et créateur d’un média sur les HPI et neuroatypies. Il n’y a aucune étude qui ait quantifié ce phénomène, mais on pourrait l’évaluer à plusieurs dizaines de milliers de personnes sur vingt ans, au minimum ». Le problème ne se retrouve pas uniquement dans le privé : certains services publics contribuent aussi à la mésinformation. Comme ce jeune homme qui évoque une consultation dans un Centre de Ressources Autisme (CRA) : « On m’a ‘diagnostiqué’ un HPI… plutôt que de reconnaître mon autisme ».
Ces erreurs ne sont pas anodines. Elles entraînent des retards de prise en charge, aggravent les troubles et alourdissent le coût pour le système de santé : hospitalisations évitables, arrêts maladie prolongés, décrochage scolaire. « Un handicap est un obstacle qui empêche un individu de s’adapter à son environnement. L’intelligence, elle, permet de compenser partiellement ou totalement ce handicap dans la plupart des situations. Elle ne devrait jamais être considérée comme un problème. Ce discours anxiogène est contraire à l’intérêt des patients », explique Mélanie Dolidon, neuropsychologue et co-initiatrice de notre tribune.
Des croyances qui touchent principalement la santé mentale
Les chercheurs en sciences cognitives et co-signataires de notre appel, Nicolas Gauvrit et Franck Ramus (également chroniqueur à L’Express), dénoncent depuis longtemps cette « légende noire ». Les données issues de leurs différentes études sur la cohorte française Eden montrent que les enfants à haut QI n’ont pas plus de symptômes anxieux ou de troubles du comportement que les autres. Et contrairement aux idées reçues, un HPI n’entraîne ni hypersensibilité invalidante, ni risque accru d’échec scolaire. « Aucune étude scientifique au monde, que ce soit chez les enfants ou les adultes, n’a prouvé que le HPI pouvait être associé à une plus grande intensité émotionnelle ou à de plus grandes difficultés de régulation émotionnelle », rappelle la psychologue et chercheuse Nathalie Boisselier, elle aussi co-signataire de la pétition.
Une étude menée en 2018 par les chercheurs Guez, Peyre et collaborateurs sur une cohorte de 16 000 élèves français passant le brevet des collèges montre que les résultats augmentent avec le QI. Aucun élève à haut QI n’échoue à ce rite de passage vers le lycée général. D’autres études pointent vers les mêmes résultats. On se demande alors pourquoi tant d’associations de parents continuent de diffuser le chiffre alarmant de 30 % d’élèves HPI en échec scolaire ? « Ce mythe n’en finit pas de ressurgir, il fait partie des ‘idées zombies’ : on a beau les tuer, elles reviennent sans cesse », déplore Franck Ramus.
Biais originel et réalité scientifique
Si l’image du « HPI en souffrance » persiste, c’est qu’elle est due à un biais d’échantillonnage qui continue de fausser les perceptions : les personnes à haut QI qui consultent des professionnels sont précisément celles qui rencontrent des difficultés, souvent pour des raisons indépendantes de leur intelligence. Cette surreprésentation médiatique et clinique de la minorité en difficulté crée une image déformée qui ne reflète pas la réalité de la majorité des personnes à haut potentiel intellectuel. Car le problème est ailleurs. « Depuis que mon fils est petit, on me dit : ‘il est HPI, c’est pour ça qu’il ne s’adapte pas’. Non ! Il est autiste, voilà le diagnostic est enfin posé après des années d’errance… », raconte ainsi une mère dans les commentaires de notre pétition.
Pour la centaine de co-signataires de notre tribune comme pour Mélanie Dolidon, c’est un schéma bien connu : « Les patients consultent en raison d’un trouble – par exemple, un trouble autistique – qui, lui, est responsable de l’échec scolaire et de l’isolement social. Si un HPI est détecté au début du bilan et que le professionnel s’arrête là, l’enfant n’aura pas le bon diagnostic et les mythes seront encore nourris. On dira aux parents que l’échec est lié au haut QI, alors que des adaptations scolaires cohérentes avec l’autisme auraient pu permettre une inclusion durable. C’est ce cercle vicieux que nous voulons briser ».
Agir pour un changement de paradigme
La responsabilité de cette confusion est collective. Elle est due à une formation insuffisante des professionnels de santé, à la diffusion de stéréotypes dans les médias et à l’absence de communication claire de la part des autorités. Trop de psychologues, d’enseignants et de médecins continuent d’associer HPI et pathologie, faute d’outils et de connaissances actualisées. Il est donc nécessaire d’appeler à une formation continue et à une information fiable, fondée sur les meilleures données disponibles.
Les mythes autour du HPI coûtent cher, aux personnes mal diagnostiquées comme à l’Etat. Pour les enfants comme pour les adultes, les conséquences sont lourdes. Le coût humain et financier de la désinformation est considérable. En cette année où la santé mentale est déclarée grande cause nationale, il est urgent d’agir : dissiper les amalgames, clarifier la distinction entre HPI et troubles mentaux, former les professionnels à reconnaître les vrais troubles derrière les mythes du haut potentiel intellectuel, mais aussi encourager les médias à relayer une information rigoureuse, loin des clichés et de la stigmatisation.
Plusieurs milliers de personnes ont déjà signé notre pétition, plus d’une centaine de professionnels spécialisés ont rejoint notre appel : neuropsychologues, psychologues, psychiatres, médecins, chercheurs, ainsi que des associations telles que Mensa, première association internationale de personnes à haut QI, REACT, qui accompagne les parents d’enfants présentant des troubles du comportement, ou les PBZ qui soutient les parents d’autistes avec HPI. Cette mobilisation sans précédent des professionnels est un cri d’alarme. L’intelligence est une chance, pas une maladie. Le problème principal du HPI, c’est la mésinformation.
Tribune rédigée par le collectif Tribune HPI.
Membres du collectif* et co-signataires (par ordre alphabétique) :
Adeline Magnier* vice-présidente communication Mensa France – rédactrice en chef MensaMag
Alexandra Sturer thérapeute et pair aidante spécialisée TDAH/TSA/neuroatypies, vulgarisatrice en psychologie
Alice Fourez neuropsychologue, thérapeute
Annie Igual présidente association La bulle du TDAH (sensibilisation au TDAH chez l’adulte)
Annie Lejeune coach de cadres, managers et dirigeants, thérapeute, conférencière sur le HPI
Anne Crémer thérapeute à Accompagn’Et Nous (spécialisée Neuroatypies et HPI)
Anne Cuxac intervenante sociale, animatrice randonnée
Anne-Laure Courault thérapeute cabinet Arborescence & Emergence (TSA, TDAH, HPI)
Anne Razafy-Andriamihaingo coach spécialisée HPI/TS/TDAH
Anna-Malika Camblats dr. Neuropsychologie, Fondatrice d’emopsy
Anthony Aguirre psychologue Association les PBZ (soutien et orientation parents d’enfants avec TSA et HPI)
Audrey Guegan psychologue libéral
Aude Denis Ferreira psychologue spécialisée dans les TND
Aude Heuls enseignante agrégée Praticienne en psychopédagogie
Benoît Judde détective privé spécialisé, juriste, membre de Mensa
Blandine Dellac médecin – psychologue clinicienne
Brigitte Lucena* chargée de projets, personne engagée et concernée
Buhara Yildirim coach en reconversion pro
Catherine Barjon cadre infirmier et coach certifiée
Catherine Cuche docteure en psychologie, autrice et co-fondatrice de Singularis Academy
Charlotte (Dupont) Decool consultante formatrice START CREAI IdF (TND), CRAIF (TSA), Référente Intim’Agir IdF, Fondatrice d’Ensemble Face Au Handicap (EFAH), Parent Pair Aidante Facilitatrice/Neurodiversité & TND
Charlotte Parzyjagla psychothérapeute et auteure spécialisée HPI
Chloé Romengas auteure de « Rayures et Ratures », graphiste, spécialisée maladie chronique, handicap invisible & neurodiversité
Cloé Dupont auteure, conférencière
Clyde Caillier cabinet HPI Dordogne, accompagnement et conseils pour HPI.
Coline Fabbri psychologue clinicienne
David Boudjenah cofondateur du réseau social Atypikoo (HPI et neuroatypies)
David Masson psychiatre, responsable médical CURE Grand Est Lorraine
Dominique Sauvignon opérateur de Production
Émilie Trémouille chargée d’enseignement sur l’accompagnement des EHPI
Estelle Garnier psychologue spécialisée en neuropsychologie
Estelle Rodriguez conseillère en évolution professionnelle Cap Emploi
Fabrice Becker psychologue – psychothérapeute
Fabrice Pastor neuropsychologue, formateur et vulgarisateur en psychologie
Fadwa Naciri Leroi psychologue du travail et consultante handicap
Farah Ben Mimoun psychologue et doctorante en Psychologie du Développement spécialisée en Double Exceptionnalité (HPI & TDA/H)
Fanny Terrisse psychologue et vulgarisatrice en psychologie
Fleur Acroute Vial médecin au centre référent troubles du langage et apprentissages et membre du comité consultatif HAS (Haute Autorité de Santé)
Florence Crépin personne engagée et concernée
Franck Ramus directeur de recherche au CNRS
Frédéric Lacaze chargé de mission handicap
Gérald Bussy Dr en Neuropsychologie-Auteur-Formateur – CEO
Guillaume Baissette psychologue, psychothérapeute et vulgarisateur en psychologie
Hervé Caci psychiatre, pédopsychiatre, PhD, HDR, auteur
Hélène Jacques psychologue – neuropsychologue
Hélène Ribeiro* psychologue et vulgarisatrice en psychologie
Hugo Baup praticien hospitalier, vulgarisateur médical, lanceur d’alerte
Hugues de Combarel Atypie conseil
Institut pour l’Éducation Augmentée association éducation et technologies
Jean-Marc Quéré* personne engagée et concernée
Jérôme Bianchi neuropsychologue et formateur
Jérôme Joffrey intervenant social
Jimmy BEHAGUE président de l’association La neurodiversité France
Julien Cartier consultant, président de l’Institut pour l’Éducation Augmentée
Julien Pierrat entrepreneur, vulgarisateur scientifique et parent enseignant
Kally Moss psychologue
Karin Bourgeois-Potage psychologue de l’éducation nationale
Katia Terriot maîtresse de conférences en psychologie au CNAM
Kim Van Roy* vulgarisateur en psychologie scientifique
Laetitia David psychopraticienne
Laurence de Jonckheere psychologue en unité médico judiciaire
Laurence Latorre présidente Afdaim-Adapei 11 Conseil et formation Troubles du Neuro-Développement
Lilian Vernaz consultant psychologue/neuropsychologue
Lydia Stupar psychologue
Lucile Hertzog auteure tdah-age-adulte.fr, cheffe de projet TDAH & formation chez iMIND au CH Le Vinatier | designer en santé mentale
Margerie Véron accompagnements professionnels & ateliers philo
Marie Bulle graphiste, photographe
Marie Thomas docteur en psychologie
Marina Ardouin psychopédagogue
Mathieu Cerbai neuropsychologue, association « Raptor neuropsy », vulgarisateur en psychologie
Mathilde Baudier* personne engagée et concernée
Maya Zoller* pair-aidante familiale et podcasteuse TSA (Autisme)
Mehdi Liratni Dr psychologue-formateur-superviseur
Mélanie Dolidon* neuropsychologue et autrice de l’ouvrage « HPI, l’intelligence n’est pas une maladie »
Mélanie Gohier neuropsychologue
Mélanie Jean Naudin auteure, pair-aidante familiale, vulgarisatrice en psychologie
Mensa France Première association de personnes à Haut QI
Michèle Vila psychologue du développement
Michael Sikorav psychiatre, vulgarisateur en psychologie
Mickaël Nardi coach en productivité pour libéraux/freelances neuroatypiques (HPI & TDAH)
Myriam Vernusse-Lisboa* psychologue université de Fribourg Suisse
Nathalie Boisselier psychologue, chercheuse, doctorante et enseignante
Nathalie Clobert psychologue, auteure
Nicolas Gauvrit universitaire, chercheur en sciences cognitives et en psychologie
Ophélie Besseau psychologue clinicienne
Orianne Chef orthophoniste
Orianne Pastore psychologue clinicienne
Pierre Bordaberry Dr en psychologie, auteur et vulgarisateur en psychologie sur la chaîne Psykocouac
Raff* créateur du média sur les HPI et Neuroatypies « intensément »
Raphaëlle Gentner journaliste, réalisatrice, collaboratrice artistique
REACT association Réagir face aux Enfants et Adolescents au Comportement Tyrannique
Roseanne Watts psychologue – neuropsychologue
Sasha J. psychologue spécialisée en analyse du comportement clinique
Savannah Anselme créatrice de contenus TSA et neuroatypies
Serge Bret-Morel vulgarisateur scientifique et membre de Mensa France
Sébastien Hague neuropsychologue et vulgarisateur en psychologie
Séverine Falkowicz maître de conférences à Aix-Marseille Université, psychologie sociale, vulgarisatrice scientifique
Sonia Fiquet formatrice en communication relationnelle axée HPI + TSA
Sophie Brasseur docteure en psychologie, autrice et co-fondatrice de Singularis Academy
Stephane Chetreff pair-aidant familial professionnel en santé mentale et neurodéveloppement
Sylvia Aubertin éducatrice indépendante D.E.
Sylvie Guillemain* personne engagée et concernée
Sylvie Robert neuropsychologue
Trystan Grange* personne engagée et concernée
Valentin V. psychologue social
Vanessa Smagghe responsable d’édition
Valery Braun pharmacien
Véronique Kraemer mentorat et pair aidance pour HPI – TDAH – TSA
Corinne Viguerard* personne engagée et concernée
Source link : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/hpi-nest-pas-une-maladie-le-cri-dalarme-de-chercheurs-professionnels-de-sante-mentale-et-DBKFZVSIINCRBPGLA2YOV5ZBHI/
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Publish date : 2025-05-15 17:06:00
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