Les microplastiques sont partout. Dans la totalité des grands fleuves européens, dans la banquise, les nuages, l’eau en bouteille et jusque dans le corps humain, des reins aux poumons, du placenta de femmes enceintes au cerveau. Ces dernières années, les études scientifiques n’ont cessé de souligner l’omniprésence de ces particules invisibles, inférieures à 5 millimètres, dans notre environnement. Outre les problèmes que les micro et nano plastiques – encore plus petits et mobiles – font peser sur la santé, ils pourraient aussi avoir des effets bien plus importants qu’imaginés sur le changement climatique. C’est la conclusion d’un rapport publié mercredi 14 mai par The Plastics & Climate Project. Selon ce groupe de scientifiques, qui a passé en revue plusieurs centaines d’articles de recherche, la plupart des modèles climatiques actuels sont loin de prendre en compte toutes les perturbations des microplastiques sur certains cycles naturels. « Si le monde veut s’attaquer aux crises du plastique et du climat, nous devons bien comprendre comment l’une affecte l’autre, et dans quelle mesure », indique Holly Kaufman, chercheuse au World Resources Institute (WRI).
Le secteur produisant ce dérivé du pétrole est responsable d’environ 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). A peine moins que l’aviation et le transport maritime réunis. Mais cette évaluation serait « sous-estimée en raison de lacunes dans les données », déplore l’étude. Pire encore, la pollution plastique déstabiliserait des alliés essentiels dans la lutte contre le réchauffement : les systèmes d’absorption et de stockage de carbone des sols, des plantes et surtout des océans. Le plastique nuirait à la santé des plantes marines microscopiques qui utilisent le dioxyde de carbone pour la photosynthèse, par exemple en se fixant sur les algues. Ou en affectant la croissance, l’alimentation ou la digestion de petites créatures, à l’image des copépodes, ces minuscules crustacés à la base de la chaîne alimentaire aquatique qui filtrent l’eau et ingèrent passivement des microplastiques. « Cette altération de la vie des planctons va diminuer la production de phytoplanctons, et donc son rôle dans la fixation du carbone. Mais l’échelle de grandeur de ces perturbations n’est pas encore connue », explique François Galgani, responsable de projet à l’Ifremer.
A l’instar des auteurs du rapport, le spécialiste d’écotoxicologie marine reste prudent sur certains volets évoqués, qui doivent être confirmés par d’autres études scientifiques. Comme le lien entre les plastiques et la réflectivité de la Terre, « un domaine de recherche relativement nouveau ». D’après les premiers résultats compilés par The Plastics & Climate Project, « les particules de plastique pourraient modifier la manière dont la planète réfléchit, absorbe, piège et déplace l’énergie dans l’atmosphère et à la surface de la Terre ». Ce qui pourrait produire un « effet refroidissant ». A moins qu’un « effet couvercle », au contraire, ne réchauffe notre atmosphère. Là encore, aucun ordre de grandeur ni de température n’est avancé tant le champ demeure peu exploré et les résultats, parfois, contradictoires. Mais de premières pistes sont défrichées, dont celle de l’effet des microplastiques sur… les nuages.
Un cercle vicieux
Une étude publiée en novembre dernier dans la revue Environmental Science and Technology : Air par plusieurs scientifiques de l’Université Penn State (Etats-Unis) a démontré, en laboratoire, que le processus de formation des nuages pouvait être déclenché par les microplastiques. Ces derniers agiraient comme des aérosols microscopiques facilitant la formation de cristaux de glace – le phénomène de nucléation – qui composent les nuages de haut niveau. Quelles seraient les conséquences ? « Nous pouvons envisager cela à différents niveaux, non seulement en termes de tempêtes plus puissantes, mais aussi de changements dans la diffusion de la lumière, ce qui pourrait avoir un impact beaucoup plus important sur notre climat », estime Heidi Busse, l’une des autrices de l’étude. Sans parler des implications en cascade sur les prévisions météo ou la sécurité aérienne.
Les plastiques, fabriqués à partir de pétrole, sont au centre d’un cercle vicieux. Tout leur cycle de vie est très émissif en gaz à effet de serre, à l’origine du réchauffement climatique. Ce dernier accentue les évènements extrêmes comme les ouragans, les cyclones ou les inondations, qui ont « des conséquences énormes en termes de pollution plastique, détaille François Galgani. Des maisons cassées et détruites, des débris qui ruissellent via les rivières et les fleuves dans la mer… L’ouragan Katrina en Floride, en 2005, c’est plusieurs dizaines de millions de tonnes de déchets. Donc plus il y a d’évènements extrêmes, plus il y a de pollution plastique. Et si nous découvrions que plus il y a de pollution plastique, plus il y a de réchauffement, alors nous entrerions dans un cycle infernal. »
Le sujet sera l’une des thématiques clés des discussions lors de la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan (Unoc), organisée à Nice du 9 au 13 juin. La France souhaite pousser une coalition d’entreprises et de nations à se fixer des objectifs ambitieux pour la réduction de la production de plastiques. Les discussions n’auront rien d’un long fleuve tranquille : un traité international était espéré en fin d’année dernière mais n’a finalement pas abouti, après trois ans de travail, en raison du blocage de certains pays pétroliers. Une nouvelle session de négociations doit se tenir en août. « Nous savons aujourd’hui que les plastiques, de leur création à leur élimination, polluent les océans et alimentent la crise climatique, rappelle Sylvia Earle, présidente de Mission Bleu. Nous ne pouvons pas nous permettre de traiter l’océan comme une décharge et d’ignorer les coûts climatiques du plastique. Il est temps d’agir. »
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Author : Baptiste Langlois
Publish date : 2025-05-16 15:00:00
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