Des objets en bois aux couleurs de l’Amérique, sur commande et « made in USA ». Sur le site Internet de leur entreprise « The Patriot Shack », Debra Maimone et Philip Vogel proposent à la vente meubles et décorations, directement conçus dans leur atelier de menuiserie de Pennsylvanie. Leur prix s’élève à quelques centaines de dollars la pièce. Mais cette société, a priori banale, connaît un sacré succès. La raison ? Le couple a participé à l’attaque du Capitole à Washington, le 6 janvier 2021. Visés pour des faits de vol et de détournement de biens appartenant à la police durant l’assaut, les deux fans trumpistes ont été condamnés par la justice. Une peine de 30 jours de prison a été prononcée contre Philip Vogel, tandis que sa conjointe n’a hérité que de deux ans sous probation.
Mais la grâce accordée en janvier par Donald Trump à plus de 1 500 personnes poursuivies dans le cadre de ces incidents remet aujourd’hui en lumière le profil de ces deux figures de l’univers MAGA (« Make America Great Again »). Debra Maimone, qui cumule près de 200 000 abonnés sur le réseau social X, prend soin de faire la promotion de ses produits « patriotes », vendus à un public pro-Trump. « À tous ceux qui nous soutenus depuis le 6 janvier, nous n’avons pu lancer cette entreprise que grâce à VOUS », s’est-elle réjouie sur son compte personnel. Avec son mari, ils font partie de la communauté des « J6ers », le surnom donné aux participants à l’offensive du « 6-January » contre les institutions de la démocratie américaine.
Cagnotte pour « la liberté » et consultations chamaniques
Dans une longue enquête publiée en début de semaine, le Washington Post cite ce « couple J6 » comme un des cas des nombreux émeutiers du Capitole qui tentent désormais de récolter de l’argent grâce à leur notoriété acquise dans les sphères d’extrême-droite outre-Atlantique. Le retour du milliardaire républicain à la Maison-Blanche, couplée à la mise en avant des contenus pro-Trump sur X, à la faveur du soutien de son propriétaire, Elon Musk, favorisent ce genre de projets mercantiles. Sur les réseaux sociaux, Debra Maimone continue d’ailleurs de relayer et louer les propos de Donald Trump, un président qu’elle « aime tant ». L’article du quotidien de la côte Est américaine ne lui a d’ailleurs pas fait plaisir, traitant dans un commentaire les journalistes auteurs de l’article de « racailles ».
Autre exemple cité dans le papier du prestigieux journal américain, celui de Mark Middleton, un homme reconnu coupable avec sa femme d’une agression sur des policiers le 6 janvier 2021 – leur peine avait finalement été annulée en appel. Depuis plusieurs mois, le duo capitalise aussi sur leur activité durant l’attaque du Capitole. Récemment, ils ont lancé une nouvelle cagnotte, « le Fonds pour la liberté », destiné à répondre, selon eux, à leur « situation désespérée » depuis cette date… mais aussi à financer un tour des Etats-Unis en une vingtaine d’étapes afin de répandre leur vision du monde. Le couple est déjà à l’origine de l' »American Patriot Relief ». Cet autre fonds fait office de plateforme pour recueillir des dons, ensuite envoyés aux émeutiers pour les aider à financer des prêts immobiliers ou leurs paniers de courses.
Jacob Chansley, connu sous le nom du « chaman Qanon » pour son accoutrement de fourrure et son ardeur au sein du mouvement conspirationniste américain, a quant à lui utilisé sa célébrité pour développer toute une série de services et de produits « patriotes » et fantasques. Formations au sein de sa « Forbidden Truth Academy » (« Académie de la vérité interdite »), consultations chamaniques, cryptomonnaies… Lui aussi présent à Washington lors des graves événements du Capitole, cette figure complotiste essaie de valoriser financièrement son image depuis sa sortie de prison, obtenue via la grâce prononcée par le président américain. Le « chaman Qanon » avait d’ailleurs remercié Donald Trump une fois libéré, se réjouissant sur X de pouvoir dorénavant acheter des « P****S D’ARMES ».
Des gages à donner à la base MAGA
En mars, lors d’un entretien accordé à la chaîne conservatrice NewsMax, le dirigeant américain avait redit son soutien aux émeutiers du 6 janvier. « Ce sont des patriotes, à mon avis », avait-il lancé, allant même jusqu’à envisager de créer un fonds spécial pour leur reverser des sommes compensatoires après leurs condamnations. « Beaucoup de gens qui sont au gouvernement parlent maintenant de [les indemniser] parce qu’ils aiment vraiment ce groupe de personnes », a-t-il avancé. Une mesure pour le moment loin d’être mise en œuvre, mais qui constitue une garantie de plus du soutien du président à ses sympathisants les plus extrêmes. Qu’importe pour lui si certains des graciés avaient déjà été condamnés par le passé pour viol, violences ou pédopornographie, comme l’a relaté la radio publique américaine NPR…
Il faut dire que tous les émeutiers ne sont pas encore satisfaits de la rédemption qu’il leur a accordée. Plusieurs personnalités de la base « MAGA » s’en prennent violemment ces dernières semaines à certains membres de son administration, en particulier la ministre de la Justice Pam Bondi. Son tort ? Ne pas avoir entrepris des sanctions contre les élus démocrates ayant dénoncé l’assaut du Capitole. Durant sa campagne présidentielle, Donald Trump avait agité la menace d’une purge à l’encontre des différents responsables qui s’étaient élevés contre l’invasion du bâtiment officiel, y compris des magistrats. Suzzanne Monk, une activiste d’extrême-droite à la tête d’une fondation défendant les participants de l’attaque, a publiquement regretté le manque de procédures contre les démocrates. « Le 16 avril 2021, le régime Biden avait déjà arrêté 406 défenseurs du 6 janvier, avant de condamner 99,7 % d’entre eux. Combien d’arrestations Pam [Bondi] a-t-elle fait ? », raillait-elle mi-avril.
D’après un sondage réalisé par l’université du Maryland et publié au début fin 2023 dans la presse américaine, les positions des Américains à l’égard des assaillants du Capitole s’étaient déjà assouplies en quelques années. Dans cette enquête, 38 % des interrogées trouvaient que les sanctions judiciaires prononcées contre les coupables de cette rébellion n’étaient « pas assez sévères ». Deux ans plus tôt, ils étaient plus de 50 % à le penser. Pour autant, une partie de la population continue à se montrer véhémente contre le comportement des émeutiers. Newsweek rapporte par exemple qu’Adam Jackson, un homme présent lors de ce coup de force, subit depuis le début de l’année harcèlement et menaces de mort pour cette raison. Son entreprise, « Patriot Electric Services », récolte en ligne de nombreux avis négatifs, voire agressifs. L’un d’eux ? « Vous avez peut-être été gracié par ces imbéciles fascistes, mais vous êtes toujours coupables et on se souviendra de vous comme de criminels. »
Source link : https://www.lexpress.fr/monde/amerique/les-bonnes-affaires-patriotes-de-ces-emeutiers-du-capitole-gracies-par-donald-trump-DT33XBLYMNGJPBBOZMWCYHN5MY/
Author :
Publish date : 2025-05-17 14:15:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.