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ZFE : l’écologie des réalités contre celle des idéologies, par Cécile Maisonneuve

ZFE : l’écologie des réalités contre celle des idéologies, par Cécile Maisonneuve

L’écologie est devenue le théâtre d’un malentendu profond. Non, les Français ne rejettent pas la transition écologique : ce qu’ils refusent, c’est une vision technocratique qui ignore leurs réalités quotidiennes. Les zones à faibles émissions (ZFE) incarnent parfaitement ce grand malentendu et les apories d’un débat où ceux qui osent remettre en cause la mesure se voient taxer de « populistes ». Les ZFE ont été justifiées par le chiffre alarmant de 48 000 décès prématurés attribués à la pollution atmosphérique, tiré d’un rapport de Santé publique France de 2016. Problème ? Ce chiffre est une extrapolation qui repose sur une modélisation statistique, basée sur des données vieilles de vingt ans, et une fourchette si large – 11 000 à 66 000 morts – qu’elle est peu opérationnelle.

Un chiffre théorique et imprécis fonde donc une politique liberticide et socialement injuste comme le montrent les données, bien réelles celles-ci, sur la manière dont les Français se déplacent. Le récent essai Réussir la décarbonation des mobilités dans les territoires (éd. de L’Aube, avril 2025), coordonné par Jean Coldefy et réunissant des experts de multiples disciplines, dresse à cet égard un tableau passionnant, tout en nuances, du rapport de nos concitoyens à la mobilité. En France, l’âge moyen d’achat d’un véhicule neuf est de 57 ans, 85 % des automobilistes achètent des voitures d’occasion et les deux tiers de ces achats se font à moins de 10 000 euros.

Ces chiffres dessinent le portrait d’une France où l’automobile demeure une nécessité économique pour la majorité des citoyens, particulièrement en zones périurbaines et rurales où réside 44 % de la population. Où est le populisme ? Dans une mesure fondée sur une statistique plus que fragile, destinée à introduire du pathos dans des domaines aussi sensibles que la liberté d’aller et venir et les inégalités ? Ou dans les analyses rigoureuses d’experts qui proposent des solutions impliquant de « sortir des fausses évidences, du discours normatif et des injonctions morales » ?

Inverser la logique

Le raisonnement qui a conduit aux ZFE – l’absence de prise en compte de la réalité du terrain, doublée de fausses statistiques jouant sur des ressorts moraux – est le même qui a produit une bonne partie du corpus qui régit aujourd’hui un autre sujet fondamental : le logement. Le cas des logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE) est édifiant : selon une étude du Conseil d’analyse économique parue en 2024, leur consommation réelle d’énergie est largement surévaluée. L’écart avec les logements les plus performants devrait être de 560 % si l’on en croit la « grille DPE ». Or en réalité, il n’est que de… 86 % !

Sur la base d’un outil défaillant car reposant sur des normes et des chiffres largement faux, des millions de logements sont interdits à la location depuis janvier 2025. Résultat ? Une contraction dramatique du parc locatif avec 515 000 à 650 000 logements retirés du marché. Et dans certaines zones très tendues, une loi pas toujours respectée.

Combinée à des politiques de plafonnement des loyers comme à Paris, Lyon ou Grenoble, qui assèchent le marché locatif, cette mesure n’apporte aucun gain environnemental significatif, tout en éloignant encore des centres urbains ceux qui seraient prêts à dépenser davantage pour leur logement plutôt que dans leurs moyens de transport… On pourrait faire la même démonstration avec la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) ou l’interdiction des vols intérieurs pour les trajets de moins de 2h30 en train – autant de mesures inscrites dans la catastrophique loi Climat et résilience, née de la convention citoyenne pour le climat…

Il est temps d’inverser la logique. La voiture individuelle, la maison pavillonnaire, l’activité industrielle ne sont pas des ennemis à abattre mais des réalités à adapter. En revanche, l’écologie idéologique, matinée de bureaucratie délirante et d’atteinte aux libertés publiques comme à la propriété privée, doit disparaître du champ des politiques publiques. Plutôt que de soumettre citoyens et entreprises à ces carcans inutiles, appliquons à la sphère publique les critères ESG (environnement, social, gouvernance) qu’elle impose au secteur privé. Toute règle environnementale devrait démontrer son bénéfice climatique réel, chiffré et documenté, ses impacts économiques et sociaux positifs et respecter une gouvernance transparente impliquant les territoires.



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Author : Cécile Maisonneuve

Publish date : 2025-05-18 06:00:00

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