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« François Bayrou doit accepter un changement » : après la victoire de Bruno Retailleau, la fragile unité

« François Bayrou doit accepter un changement » : après la victoire de Bruno Retailleau, la fragile unité

Personne n’a déploré son absence. Laurent Wauquiez n’était pas présent mardi 20 mai au petit-déjeuner du socle commun, réunion hebdomadaire des patrons de groupes parlementaires soutenant le gouvernement. Le chef des députés LR, excusé, a pris l’habitude d’y étriller l’immobilisme de François Bayrou et de mettre sous tension son fragile attelage. Le Premier ministre a pu souffler. Mieux, il avait une bonne nouvelle à célébrer : l’élection de Bruno Retailleau à la présidence des Républicains. A Matignon, le Béarnais a salué le triomphe du Vendéen face à Laurent Wauquiez, « référendum pour ou contre la participation de LR au gouvernement ». Ce dilemme stratégique a vampirisé la campagne : l’ancien sénateur érigeait sa présence à Beauvau en atout politique, quand son rival prônait la défense d’une droite indépendante du macronisme.

Une victoire nette, et le socle commun respire. Voilà le gouvernement consolidé. La participation de la droite à l’exécutif, indispensable pour lui offrir une assise parlementaire solide, est acquise pour les prochaines semaines. Ainsi Bruno Retailleau a rappelé ce mardi lors d’un conseil stratégique de LR, comme il l’avait fait dès dimanche 18 mai sur TF1, que cette orientation avait été « tranchée » par les adhérents de droite. « C’est plus simple qu’avec Wauquiez qui aurait tout radicalisé », note un ministre Ensemble pour la République (EPR). Le 27 mars, François Bayrou avait interrogé les chefs de parti du socle commun. « Est-il utile de se voir ? A quelle fréquence ? » Il envisagerait désormais les réunir à intervalles réguliers. L’ancien sénateur serait un convive plus sage que le turbulent Ponot.

« Bayrou doit accepter un changement »

La victoire de Bruno Retailleau recèle d’ambiguïtés. Elle conforte la présence de la droite au gouvernement et l’alliance de circonstances avec les macronistes. En plébiscitant cette stratégie, les adhérents LR n’ont pas invité le ministre au rapport de force permanent avec François Bayrou. Les attaques de Laurent Wauquiez, guère payantes dans les urnes, en sont la preuve éclatante. « Je ne crois pas que les électeurs attendent une rupture très violente avec des claquements de porte, note un proche du Vendéen. Bruno Retailleau incarne déjà la rupture avec le macronisme. Il n’y a pas besoin d’en rajouter. »

L’esprit de responsabilité n’interdit pas l’exigence. Bruno Retailleau est un ministre renforcé, qui a toujours besoin de démontrer le sens de la présence de la droite aux affaires dans un contexte dégradé. Son pouvoir et cette obligation promettent d’affecter la vie gouvernementale. « Sa victoire écrasante n’est pas forcément un avantage pour nous, elle le rend incontournable », juge le ministre cité plus haut. Un présidentiable ne saurait attendre avec politesse et déférence les arbitrages d’un Premier ministre faible. Une cadre EPR analyse : « Bayrou doit accepter un changement dans les rapports de force. Car Retailleau ne pourra justifier de rester au gouvernement que s’il ramène des victoires. » Ces « victoires » pourraient en revanche laisser un goût amer à certains macronistes historiques, peu en phase avec son profil droitier.

« Difficile de s’afficher comme le bordélisateur »

Il ne pourra rester dans l’exécutif qu’un temps s’il compte se lancer dans la bataille présidentielle. Le ministre de l’Intérieur s’est rendu ce matin à la réunion du groupe des députés LR à l’invitation de Laurent Wauquiez. « On n’est pas là à perpétuité », a-t-il lancé aux élus, parfois méfiants sur la pérennité de cette coalition. Quand l’heure du départ viendra, alors le socle commun tanguera. Lors de cette réunion, le patron des députés LR a montré patte blanche. « Je jouerai à 400 % le jeu du rassemblement », a lancé le député de Haute-Loire, qui a sollicité un vote de confiance à ses troupes.

Comment Laurent Wauquiez réagira-t-il à son humiliation électorale ? La question étreint le socle commun. Dans son discours de défaite, il a renouvelé son appel à ne pas se « diluer dans le macronisme » et à « porter un projet de rupture ». Les élus du bloc central oscillent entre deux thèses, que seul le temps permettra de trancher. Thèse A : Laurent Wauquiez est trop faible pour déstabiliser le socle commun, malgré sa méfiance envers l’actuelle coalition. « Il a tellement perdu que c’est très difficile de s’afficher comme le bordélisateur, note un ancien ministre. Pour l’être, il devra trouver des prétextes plus intelligents que ce qu’il aurait pu faire initialement. »

Thèse B : Laurent Wauquiez s’est toujours posé en héraut d’une droite chimiquement pure face au bloc central. Il n’a donc pas d’autre choix que de creuser ce sillon stratégique, au risque de n’être qu’une pâle copie de Bruno Retailleau. « L’élection de Retailleau pourrait le pousser paradoxalement à rester très critique envers le gouvernement, voire à se radicaliser, pour se différencier de lui », assure un député LR qui a soutenu l’ancien patron de région. L’examen de la prochaine loi de finances, ou d’un éventuel texte sur la proportionnelle, est un prétexte idéal. Le socle commun n’a pas fini de trembler.



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Author : Paul Chaulet

Publish date : 2025-05-20 16:15:00

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