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Europe : le retour en grâce de l’atome, par Eric Chol

Europe : le retour en grâce de l’atome, par Eric Chol

C’est une victoire plus que méritée. Celle que vient de remporter la France face à l’Allemagne à Bruxelles, cette dernière acceptant enfin de traiter l’énergie nucléaire à égalité avec le solaire ou l’éolien, rapporte le Financial Times du 19 mai. Paris peut dire merci au chancelier Friedrich Merz, en rupture avec l’entêtement de ses prédécesseurs à jeter le nucléaire aux orties. Une position qui remonte à 2011, lorsqu’Angela Merkel annonça la sortie du nucléaire, au lendemain de l’accident de la centrale de Fukushima.

Les réacteurs français n’avaient alors qu’à bien se tenir, tant l’époque était au « nucléaire bashing ». Trop cher, trop sale, trop dangereux… Le chancelier Scholz a, quant à lui, définitivement enterré l’atome civil allemand, avec l’arrêt des trois dernières centrales en activité (2024), alors qu’au même moment, les prix du gaz flambaient, sous l’effet de la guerre en Ukraine.

Le confort du nucléaire, gage de stabilité

Paris peut se réjouir du revirement allemand. Celui-ci n’est en réalité qu’une demi-surprise. D’abord parce que le chancelier Merz entend montrer sa bonne volonté aux dirigeants français, surtout au moment où s’esquisse un débat sur l’extension du bouclier nucléaire français au reste de l’Europe. Ensuite, parce que les Allemands ont fait leurs comptes : la politique de transition énergétique, baptisée « die Energiewende », consistant à arrêter entièrement le nucléaire pour miser sur le solaire, l’éolien ou la biomasse, s’est révélée coûteuse et peu efficace. Une étude réalisée par le chercheur norvégien Jan Emblemsvåg, publiée en 2024 dans International Journal of Sustainable Energy, a comparé deux scénarios : celui retenu par le gouvernement allemand depuis vingt ans et celui d’un maintien en activité des centrales nucléaires. Sa conclusion est sans appel : « Dans l’ensemble, la politique alternative consistant à maintenir les centrales nucléaires existantes en 2002 et à en construire de nouvelles aurait permis de réduire les dépenses de moitié et l’Allemagne aurait atteint ses objectifs climatiques dans le même temps. »

Ce retour en grâce de l’atome civil s’étend partout en Europe. A mesure que les pays qui militaient hier encore pour le tout énergie renouvelable s’aperçoivent : 1/que l’énergie solaire est trop aléatoire, ne fonctionnant par définition pas la nuit mais trop à certains moments de la journée 2/que les éoliennes ne tournent pas quand il n’y a pas de vent, ils redécouvrent le confort du nucléaire, gage de stabilité. Si on ne connaît pas encore les causes exactes du black-out récent dans la péninsule ibérique, le choix de Madrid – reconfirmé par le gouvernement de démanteler les centrales nucléaires espagnoles – risque d’être débattu, précisément pour cette quête de stabilité.

Le Danemark et la Belgique viennent, eux, de faire le choix de reconsidérer le nucléaire, banni pendant plusieurs années. Une nouvelle ère s’ouvre en Europe. Preuve que la France, quand elle opta pour le « tout nucléaire, tout électrique », sous l’impulsion de Marcel Boiteux, père du parc électronucléaire français, ne s’était pas totalement trompée.



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Author : Eric Chol

Publish date : 2025-05-21 09:30:00

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