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Un ex-agent de la CIA sur les dessous de la relation Poutine-Trump : « L’un flatte, l’autre improvise »

Un ex-agent de la CIA sur les dessous de la relation Poutine-Trump : « L’un flatte, l’autre improvise »

La dernière fois qu’il s’est exprimé dans L’Express, Peter Schroeder, chercheur principal au Center for a New American Security, avait annoncé la couleur : les négociations sur l’Ukraine ? « Préparez-vous à de véritables montagnes russes ». C’était en février dernier, à un moment où de nombreux observateurs pensaient que les choses allaient s’accélérer. Une semaine plus tard, un clash digne d’une scène de télé-réalité éclatait dans le bureau Ovale, opposant Volodymyr Zelensky à Donald Trump et à son vice-président, J.D. Vance. Cet expert de la politique étrangère et de sécurité de la Russie – qui avertissait déjà l’an passé que « rien ne ferait reculer Poutine », considère que le récent échange téléphonique entre le dirigeant russe et le président américain n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. D’après lui, que ce soit côté ukrainien ou russe, « chaque camp cherche à manipuler la Maison-Blanche pour servir ses propres intérêts ». Qu’est-ce qui pourrait convaincre Poutine de s’asseoir à la table des négociations ? Que cherche-t-il vraiment ? Donald Trump va-t-il perdre patience ? Ancien analyste principal de la CIA sur la crise russo-ukrainienne, Peter Schroeder décrypte pour L’Express les rapports de force actuels – et annonce un possible rebondissement dès cet été. Entretien.

L’Express : Donald Trump s’est entretenu ce 19 mai avec Vladimir Poutine au téléphone. Le dirigeant russe n’a pas consenti à un arrêt des combats sans conditions comme réclamé par Washington et Kiev. Il s’est uniquement dit « prêt à travailler avec la partie ukrainienne sur un mémorandum portant sur un éventuel futur accord de paix ». Décevant ?

Peter Schroeder : Je pense que l’appel s’est déroulé comme prévu. Les deux parties en ont fait un compte rendu positif, notamment sur la relation entre Trump et Poutine. Mais rien de concret n’en est réellement sorti.

Poutine s’est engagé à négocier avec Kiev un mémorandum sur les conditions d’un règlement, ce qui semble être une manière assez évidente pour lui de gagner du temps et de détourner l’attention. Aucune avancée sur un cessez-le-feu à court terme, ni le moindre signe d’une pression supplémentaire des États-Unis sur la Russie. En résumé, cet appel n’a pratiquement rien changé à la situation ni aux perspectives de paix en Ukraine.

De votre expérience en tant qu’ancien Directeur adjoint du renseignement national pour la Russie et l’Eurasie au sein du Conseil national du renseignement entre 2018 et 2022, que peut-on dire de la nature des échanges téléphoniques entre Donald Trump et Vladimir Poutine ? Dispose-t-on d’éléments permettant de mieux en comprendre la teneur ?

En général, les échanges entre Trump et Poutine se terminent avec des comptes rendus positifs des deux côtés. Même quand, comme on l’a vu lors du dernier échange, il y a très peu de contenu substantiel. D’après ce que j’ai pu observer dans mes précédents postes, les échanges de ce type sont souvent décousus du côté du président Trump. En général, Poutine essaie de garder la conversation centrée sur les points qu’il souhaite aborder, tout en utilisant la flatterie, et en arrivant avec un plan clair sur la manière de manipuler l’échange et d’influencer Trump sur les sujets qui lui tiennent à cœur. Et Trump, de son côté, arrive souvent très peu préparé.

Trump, pris dans une sorte d’aveuglement, voit ce qu’il veut voir

En février dernier, une semaine avant le fameux clash dans le bureau Ovale entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, vous prédisiez que les négociations sur l’Ukraine seraient marquées par de nombreux coups de théâtre : « ça va être les montagnes russes », écriviez-vous. Le temps semble vous donner raison…

Oui et je pense que nous sommes toujours sur ces montagnes russes. Stratégiquement, on en est toujours à un point où les dirigeants de Kiev, comme ceux de Moscou, cherchent à manipuler le président Trump et son administration, ou du moins à influencer leur perception et leurs actions de manière à en tirer un avantage stratégique. Les deux camps restent donc concentrés sur la manière d’exploiter l’implication accrue de la Maison-Blanche pour faire avancer leurs propres objectifs. Côté russe, on le voit clairement dans la façon dont Poutine essaie de gérer sa relation avec Trump. Je ne pense pas que la vision stratégique du président russe ait fondamentalement changé, mais il cherche clairement à maintenir ce lien. Dès qu’il perçoit un signe de mécontentement chez Trump, il prend soin d’adopter une posture plus conciliante, pour montrer qu’il reste ouvert à la discussion. Il veut préserver ce canal.

Et du côté ukrainien ?

La stratégie est similaire, mais les tactiques diffèrent légèrement. Ils sont, à mon avis, toujours en mode réactif depuis la réunion désastreuse dans le bureau Ovale entre Zelensky et Trump. Ils sont donc plus sur la défensive. Et cela se voit dans leurs actions. Il est clair que Zelensky a été conseillé depuis sur la manière d’interagir avec Trump. Depuis, tout ce que l’on observe du côté ukrainien, dans l’ensemble, c’est une volonté de faire en sorte que la position exprimée par la Maison-Blanche fonctionne pour eux, ils essaient de s’y adapter. Ils tentent d’imiter le langage et les éléments de discours utilisés par la Maison-Blanche. Dans leurs déclarations, on entend désormais : « Il faut arrêter les tueries. Oui, nous sommes d’accord avec le président Trump, cela doit être la priorité. » Ce n’est pas du tout le genre de choses que les Ukrainiens auraient dit il y a deux mois. Il s’agit d’un effort très délibéré pour préserver la relation avec Trump, car elle est essentielle. Donc, pour résumer, nous en sommes toujours là : chaque camp cherche à manipuler la Maison-Blanche pour servir ses propres intérêts.

Après l’appel entre les deux présidents, « Vladimir Poutine mène Donald Trump par le bout du nez », a commenté une partie de la presse internationale. « Poutine exploitera l’empressement de Trump à son avantage », écriviez-vous il y a trois mois.

Je ne dirais pas que Trump a été trompé par Poutine. Il s’agit davantage d’une illusion qu’une manipulation. Trump, pris dans une sorte d’aveuglement, voit ce qu’il veut voir. Quant à son approche, je pense que je me distingue un peu des autres commentateurs, qui estiment que Trump a été trop accommodant envers Poutine, qu’il n’a fait que des concessions, et qu’il devrait désormais adopter une position plus ferme, exercer davantage de pression pour obliger Poutine à prendre les négociations au sérieux.

Une frappe mal placée à Moscou, et tout peut basculer

En réalité, je pense que Trump avait bien commencé en se montrant prêt à aborder les questions de fond, comme l’OTAN, et d’autres grands enjeux stratégiques. Trump a en quelque sorte ouvert la porte à ces questions, mais il n’y avait aucune stratégie pour aller plus loin, pour les structurer ou s’y engager de manière à faire progresser la résolution du conflit dans son ensemble. C’est un élément essentiel. Donc, si l’on me demandait mon avis, je ne recommanderais pas d’essayer de contraindre Poutine à changer d’approche, mais plutôt de réfléchir en profondeur aux grandes questions stratégiques, de définir un objectif final qui soit acceptable pour les États-Unis et conforme à leurs intérêts, et ensuite de s’appuyer sur cet objectif comme fondement de la stratégie de négociation avec lui.

L’entourage de Donald Trump ne cesse de répéter qu’il est le seul dirigeant capable d’obtenir des avancées significatives dans le dossier du conflit en Ukraine. Êtes-vous d’accord ?

Trump est clairement la personne qui a le plus de potentiel, la meilleure chance, disons, de ramener Poutine vers une forme de diplomatie et de négociation qui pourrait aboutir à une résolution. En partie parce que certaines des choses que Poutine réclame sont des éléments que seuls les États-Unis peuvent lui offrir, comme les grandes questions stratégiques, notamment celles liées à la sécurité européenne. Ce ne sont pas des choses que Poutine attend de l’Ukraine, mais des concessions qu’il espère obtenir de Washington. En ce sens, Trump occupe une position unique, avec une capacité réelle à s’engager sur ces sujets. Xi Jinping, en Chine, pourrait aussi avoir une influence sur la façon dont Poutine voit les choses. Je ne pense pas qu’il le fera car il n’y a aucun intérêt.

Face à l’immobilisme de la Russie, peut-on assister à un nouveau revirement des Etats-Unis sur l’Ukraine ? Le secrétaire d’Etat Marco Rubio a récemment indiqué que la patience de Washington était limitée…

Comme je l’ai déjà dit, nous allons continuer à voir des hauts et des bas dans l’approche américaine vis-à-vis de l’Ukraine. Clairement, la Maison-Blanche semble penser que c’est sur ce terrain-là qu’il est le plus facile d’exercer une pression, donc elle pousse plus facilement sur les Ukrainiens. Et Kiev fait actuellement beaucoup d’efforts pour s’adapter. Vous avez mentionné le secrétaire Rubio, mais je dirais que si l’on regarde l’administration américaine aujourd’hui, il n’y a que Trump qui compte vraiment en matière de négociation entre les États-Unis, la Russie et l’Ukraine – et dans une moindre mesure, Steve Witkoff, son envoyé spécial. Witkoff est là pour transmettre des messages, mais il n’élabore pas de stratégie ou de solution proprement dite. Il se contente en quelque sorte de relayer la position de Trump dans ces échanges.

Quant à Rubio, le général Kellogg, ou même Mike Waltz avant son départ : aucun d’eux ne façonne réellement la politique étrangère sur ce dossier. Et cela se voit clairement : toutes les décisions stratégiques viennent directement de la Maison-Blanche, et la plupart ne visent pas à accroître la pression sur Moscou.

Trump ne risque-t-il pas de perdre patience face à l’immobilisme de Poutine dans ce dossier ?

Non, je ne le pense pas. Il est certain que Trump peut perdre patience et détourner son attention, mais le scénario le plus probable, selon moi, c’est que la politique américaine entre dans une phase de flottement, simplement liée à un désintérêt croissant. Trump peut s’en désintéresser un temps, passer à autre chose pendant un moment. Mais quand Poutine reviendra en disant « bon, on est prêts maintenant », Trump reviendra aussi. Et je ne crois pas que nous assisterons à un changement brutal comme on l’a vu en mars lors de la coupure de l’aide en conseils et en renseignements aux Ukrainiens, sauf en cas de nouvelle rupture majeure entre Kiev et Washington.

Le Kremlin dit « préférer » un règlement « diplomatique » du conflit en Ukraine. Que faut-il comprendre ?

Il s’agit pour lui d’obtenir une résolution sur de grandes questions stratégiques, comme la relation entre Kiev et l’OTAN, ou encore la présence militaire occidentale en Ukraine. Ce sont là, selon moi, ses deux priorités fondamentales. Il veut que ces questions soient réglées, et de manière durable. Et il continuera à se battre tant qu’il n’aura pas obtenu cela. Je ne pense pas que la question territoriale soit ce qui le motive en premier lieu.

Donc, quand il parle de solution diplomatique, c’est dans ce cadre-là qu’il faut l’interpréter : il cherche un règlement diplomatique de ces grandes questions stratégiques. Et il veut que les États-Unis soient impliqués, notamment pour donner de la légitimité à l’accord final. Et cette légitimité est essentielle pour que la solution puisse être durable. C’est un élément important pour Poutine, et cela a fait partie de son calcul lorsqu’il a lancé son invasion en 2022 : il voulait répondre à ces grandes questions stratégiques avant de quitter le pouvoir, afin de ne pas laisser cela à son successeur, et trouver une solution qui ancre la Russie durablement dans la trajectoire stratégique qu’il imagine – pour les 20, voire 50 prochaines années.

Vladimir Poutine ne semble pas prêt à revenir sur les conditions russes pour un arrêt des combats. Des conditions inacceptables pour Kiev. Un cessez-le-feu est-il vraiment possible ? Vers où se dirige ce conflit ?

Les combats vont continuer voire s’intensifier. Si on regarde du côté de Poutine, je me réfère à certains de ses propos remontant à l’automne 2021, il avait alors déclaré, en parlant du renforcement des troupes autour de l’Ukraine, quelque chose comme : « La seule raison pour laquelle l’Occident accepte aujourd’hui de discuter sérieusement avec nous, c’est notre présence militaire à la frontière. » Cette phrase résume parfaitement sa logique : sans pression militaire maximale, il n’obtiendra jamais la résolution politique qu’il souhaite. Donc, lorsqu’on parle aujourd’hui de l’état des négociations – avec les États-Unis qui poussent, le soutien européen, et Kiev aligné sur la demande d’un cessez-le-feu inconditionnel avant de discuter du reste -, Poutine n’ira jamais dans ce sens. Pour lui, la pression militaire est un moyen nécessaire pour parvenir à l’issue politique qu’il souhaite.

Ainsi, on va probablement continuer à assister à ce jeu diplomatique de façade. Mais ce qui nous attend dans les mois à venir, c’est une nouvelle offensive russe cet été, une poussée militaire plus large. Je ne m’attends pas à une percée stratégique majeure, car les faiblesses de la Russie à l’échelle opérationnelle et stratégique sont toujours présentes. Il s’agira plutôt d’une guerre d’usure, visant à épuiser progressivement les Ukrainiens. Donc, plus de sang versé pendant l’été. Mais je pense qu’à l’automne, il pourrait y avoir une véritable opportunité pour des négociations plus sérieuses. Du point de vue de Moscou, l’été sera utilisé pour tester l’évolution du rapport de force sur le terrain, avant de réévaluer la situation, et envisager, peut-être, un dialogue plus structuré à l’automne.

Qu’est-ce qui permet de penser que Poutine serait davantage disposé à négocier cet automne qu’il ne l’a été jusqu’à présent ?

C’est une bonne question. L’approche de Poutine vis-à-vis de la guerre est instrumentale : il cherche à atteindre un certain objectif. Il est prêt à continuer à se battre pour obtenir ses objectifs minimaux, mais pas à mener une guerre sans fin. Il est conscient, à mon avis, des pertes que subit son armée. Il sait qu’il n’a pas réussi à obtenir de percée stratégique majeure sur le champ de bataille ; c’est plutôt une progression lente, par à-coups. Il sait également que les facteurs économiques commencent à peser de plus en plus. Et puis, il est conscient de la situation stratégique actuelle avec Trump à la Maison-Blanche, ce qui lui offre probablement la meilleure fenêtre d’opportunité pour atteindre ces objectifs minimaux qu’il s’est fixés depuis le début du conflit.

Donc, je pense qu’il faut voir l’été comme une dernière offensive destinée à préparer le terrain pour une diplomatie plus constructive, un coup de force pour poser les bases d’une négociation sérieuse… Cela ne signifie pas que Poutine veut la paix, ni qu’il est prêt à se plier aux exigences de l’Occident. Mais il pourrait se montrer plus disposé à accepter un compromis.

Les alliés de l’Ukraine ont-ils les moyens de faire pression sur Poutine comme le demande Zelensky ?

Je ne pense pas. A mon avis, les Européens cherchent encore comment rester pertinents dans les discussions actuelles. On a vu pas mal de débats au printemps dernier autour de l’idée d’une « force de réassurance » européenne, qui pourrait être déployée en Ukraine pour soutenir un éventuel cessez-le-feu. Mais tout cela a tourné en rond et n’a pas vraiment abouti.

Il existe un risque réel que Kiev, dans un élan de désespoir, prenne des mesures imprévisibles

Cela dit, les Européens disposent d’un levier économique important sur la Russie. Dans l’hypothèse d’un accord, la levée des sanctions américaines n’aurait pas un impact si crucial, ce sont les sanctions européennes qui comptent vraiment. Donc, ils ont un vrai pouvoir de négociation à travers la perspective de réouverture du marché européen. En revanche, concernant de nouvelles sanctions économiques, je ne suis pas convaincu que cela changerait grand-chose. Beaucoup disent encore : « On peut faire plus », mais après trois ans de sanctions, les résultats sur le comportement de Poutine sont très limités. En réalité, la seule chose qui a vraiment influencé les calculs économiques de Poutine au cours de l’année écoulée, ce ne sont pas les sanctions. C’est plutôt l’effet indirect des droits de douane imposés par Trump.

La mise en place de tarifs douaniers contre la Chine a provoqué des inquiétudes quant au ralentissement de l’économie chinoise et à une baisse de la demande en ressources naturelles et en pétrole, ce qui a entraîné une chute des prix du pétrole avec des répercussions sur l’économie russe. Ce n’était certainement pas l’intention de Trump, mais cela a eu un impact bien plus significatif pour Moscou que n’importe quelle sanction supplémentaire.

Côté ukrainien, quelle analyse faites-vous de la situation ?

Stratégiquement, la direction que prennent les événements n’est pas très favorable à Kiev. Même s’il n’y a pas de risque immédiat que les lignes cèdent à ce stade, ils sont lentement repoussés sur le champ de bataille. Ils ont des problèmes de main-d’œuvre, qu’ils essaient de résoudre. Mais, plus largement, il est évident que Trump cherche davantage à parvenir à un accord avec Moscou, ce qui nécessiterait des concessions de la part de Kiev. Et je pense que la population ukrainienne commence à se fatiguer de combattre sans avoir de perspective claire sur une issue acceptable. On a vu, il y a quelques mois, lors de discussions sur d’éventuelles élections – le retour de la question politique à Kiev. Il y a une sorte d’instabilité politique qui plane et qui, selon moi, pourrait se matérialiser à l’automne, si des discussions plus sérieuses s’ouvrent avec Moscou. Cela créera des dilemmes politiques à Kiev. Je pense que les dirigeants ukrainiens s’en inquiètent. En ce moment, ils essaient de garder Trump de leur côté et de travailler avec les Européens pour trouver des alternatives stratégiques ou des éléments pouvant changer la tendance stratégique actuelle.

Et tout cela m’amène à craindre qu’il existe un risque réel que Kiev, dans un élan de désespoir, prenne des mesures imprévisibles pour changer le cours des choses. Par exemple, les frappes en profondeur sur Moscou – et si elles touchaient une mauvaise cible ? Ou encore les campagnes d’assassinats, qui sont déjà bien actives, y compris à Moscou — et si elles éliminaient la mauvaise personne ? Ce sont des événements difficiles à anticiper, mais qui pourraient radicalement changer le cours de la guerre.



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Author : Laurent Berbon

Publish date : 2025-05-21 17:15:00

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