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Choose France : et si on choisissait aussi les entreprises françaises ?, par Audrey Louail

Choose France : et si on choisissait aussi les entreprises françaises ?, par Audrey Louail

Monsieur le Président,

Depuis le début de votre présidence, vous portez haut l’ambition de faire de la France une terre d’attractivité économique. Chaque année, le sommet Choose France incarne cette stratégie assumée : séduire les investisseurs étrangers, réindustrialiser le pays, faire revenir les capitaux internationaux. En cela, vous avez raison. Nous devons continuer à attirer des projets d’envergure, relocaliser, rayonner dans la compétition mondiale.

Mais pendant que Versailles déroule le tapis rouge aux grands groupes internationaux, les entrepreneurs français attendent qu’on s’occupe enfin de leur réalité quotidienne, eux qui n’ont pas eu besoin d’être convaincus de venir en France, parce qu’ils y sont déjà. Parce qu’ils y croient, embauchent, investissent, innovent.

Ce sont les PME et ETI de croissance, les entreprises du territoire, celles qui forment, exportent et prennent des risques sur leurs fonds propres. Celles dont les dirigeants ne demandent pas d’incitations exceptionnelles, mais un cap clair et durable. Ce sont elles, pourtant, qui se sentent aujourd’hui reléguées au second plan d’une politique économique trop centrée sur l’image et pas assez sur la substance.

Où est cette même énergie pour les entrepreneurs français ?

Car sur le terrain, la réalité est bien différente des discours. L’instabilité fiscale pèse lourdement sur nos décisions. Les rumeurs d’un budget qui viendrait compenser les déficits publics en taxant davantage les entreprises envoient un signal dévastateur. Le retour possible de la CVAE, les restrictions envisagées sur certains régimes d’épargne salariale ou de transmission, la tentation permanente de revoir à la hausse l’impôt sur les sociétés ou les réductions de charges : tout cela inquiète et démotive.

Peut-on à la fois encourager la croissance des entreprises françaises et les désigner implicitement comme des cibles fiscales ? Peut-on d’un côté appeler à l’investissement, et de l’autre créer un climat d’incertitude budgétaire et réglementaire qui freine toutes les projections ?

L’Etat déploie une énergie considérable pour convaincre les groupes étrangers de s’implanter ici : guichet unique, accompagnement préfectoral, allégements ciblés, stabilité contractuelle garantie. Mais où est cette même énergie pour les entrepreneurs français ? Ceux qui n’ont pas de cellule dédiée, mais qui passent des mois à naviguer entre les Codes du travail, du commerce, des impôts, les contrôles multiples, les injonctions qui se contredisent ?

La loi sur la Simplification semble se réduire à des ajustements marginaux. Annoncé comme un choc de simplification, le résultat tient davantage de la caresse réglementaire que de la réforme de fond. Le millefeuille administratif reste aussi dense, aussi rigide. Et quand une entreprise dépasse un seuil de salariés ou de chiffre d’affaires, elle se retrouve face à une montagne de nouvelles obligations, souvent imprévisibles.

Réformes structurelles

Quant aux réformes structurelles, elles se font toujours attendre. La formation professionnelle, l’emploi des seniors, la transition écologique pensée avec les PME, la transmission d’entreprise, la réforme de l’Etat lui-même : ce sont les grands chantiers qui devraient structurer notre avenir. Ils sont soit ralentis, soit absents. Or sans stabilité, sans simplification, sans horizon lisible, nous ne pourrons jamais transformer des PME prometteuses en champions internationaux.

Monsieur le Président, vous avez affirmé que votre stratégie économique est la bonne. Mais une stratégie ne peut pas être seulement tournée vers l’extérieur. Elle doit d’abord s’appuyer sur les forces vives du pays. Et ces forces, ce sont les entrepreneurs français. Ceux qui ne font pas la une des grands sommets, mais qui portent l’économie réelle, locale, résiliente. Ceux qui, malgré les obstacles, innovent, se battent pour grandir, exporter, transmettre.

Il est temps de réconcilier la France vitrine et la France atelier. Car c’est bien dans les bureaux, les usines, les laboratoires, les territoires, que se joue l’avenir économique de notre pays.

Attirer l’investissement étranger est utile, mais soutenir l’investissement local est vital. Si la France veut rester compétitive, elle doit redonner envie aux entrepreneurs d’y croire. De recruter. D’investir ici. D’y bâtir leur avenir, sans craindre d’être punis pour avoir réussi.

Les entreprises françaises ne demandent ni faveur, ni privilège. Elles veulent juste qu’on cesse de leur compliquer la tâche, qu’on leur donne de la clarté, de la stabilité et le respect dû à ceux qui prennent des risques. Elles ne sont pas une ligne comptable, mais une force vive du pays.

Nous sommes prêts à relever les défis de notre époque. Mais pour y parvenir, il faut une volonté politique à la hauteur de notre engagement. L’avenir économique de la France ne se gagnera ni dans les salons dorés, ni par des effets d’annonce. Il se construira là où il a toujours pris racine : dans le courage, la persévérance et la liberté d’entreprendre. Donnons-lui enfin les moyens de grandir.

* Audrey Louail est présidente du réseau CroissancePlus et d’Ecritel. Elle est l’auteur d’Idées reçues sur les entrepreneurs (Le Cavalier bleu, 2024).



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Publish date : 2025-05-24 12:46:00

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