D’abord, on ne les a pas pris au sérieux. Quand les premiers prédicateurs islamistes se sont implantés en Europe il y a quelques décennies, ils ont été perçus comme des radicaux ultra-minoritaires, ce qu’ils étaient, mais pas comme une menace potentielle de déstabilisation des sociétés, ce qu’ils constituaient aussi, à long terme. De façon à la fois naïve et arrogante, leurs discours ont été renvoyés au rang de « folklore » sans lendemain. Pourtant, ils annonçaient leur programme de façon assez explicite : dénoncer les principes des démocraties libérales comme antithétiques aux préceptes d’une bonne vie religieuse, et stigmatiser les imams trop « occidentalisés » à leur goût. Quelques décennies plus tard, la question de l’islamisme est désormais prise au sérieux. Mais à bien des égards, nos sociétés semblent encore démunies pour y faire face.
Il y aurait beaucoup à dire sur la « séquence » qui a suivi la publication par le gouvernement d’un rapport des services secrets sur l’emprise des Frères musulmans en France (dans une version expurgée) mercredi 21 mai. Elle a illustré, sans doute, à quel point les mises en scène à arrière-pensées électorales sont devenues le lot commun de notre vie politique. Elle a fourni, aussi, un nouvel exemple de ce qu’il existe, au sein même des démocraties libérales, une tentation de « désarmer » face à ceux qui nous veulent du mal. Ces dernières années, un double commandement a fait son chemin dans une partie de la gauche (naguère laïque) et de la jeunesse, lequel stipule que : 1) les principes de l’Occident sont le prolongement du colonialisme par d’autres moyens ; 2) tout pourfendeur de l’islam politique est un raciste qui s’ignore.
La capacité des démocraties libérales à douter, leur aspiration à s’améliorer, est ce qui fonde leur beauté. Mais l’affaire semble parfois virer au suicide : on ne peut se défendre convenablement quand on se déteste soi-même autant. Non, la laïcité n’est pas la stigmatisation des musulmans. Non, nos principes ne sont pas ontologiquement racistes. Non, lutter contre les stratégies de l’islam politique, ça n’est pas mettre tous les citoyens musulmans dans le panier de l’islamisme. C’est lutter contre un obscurantisme, qui menace et intimide tous ceux qui tiennent à la liberté, quelles que soient leurs origines ou leur confession.
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Author : Anne Rosencher
Publish date : 2025-05-23 16:15:00
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