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La guerre commerciale de Donald Trump déstabilise l’inébranlable secteur du luxe « made in Europe »

La guerre commerciale de Donald Trump déstabilise l’inébranlable secteur du luxe « made in Europe »

Sous la menace d’une nouvelle offensive commerciale de Donald Trump, les fleurons du luxe européens vacillent. Vendredi 23 mai, le président américain a promis d’imposer des droits de douane de 50 % sur les marchandises importées de l’Union européenne. Une annonce qui fait trembler les maisons de couture, les ateliers de maroquinerie et les grands groupes du secteur du luxe, pourtant réputés pour leur résilience.

Longtemps protégées par leurs marges confortables, les marques de luxe voient aujourd’hui leur modèle remis en question. Car au-delà du surcoût, c’est toute la valeur symbolique du « Made in Europe » qui vacille. La stratégie de Trump est claire : inciter les entreprises à rapatrier leur production sur le sol américain. Mais pour les grands noms du luxe, produire aux Etats-Unis n’a rien d’anodin – cela pourrait même diluer ce qui fait l’essence de leur prestige.

« Les marques européennes cultivent depuis longtemps l’image selon laquelle l’héritage du Vieux Continent confère au continent un positionnement unique pour créer des produits destinés aux clients les plus exigeants du monde, justifiant ainsi leurs prix exorbitants », reprend le Wall Street Journal. François-Henri Pinault, PDG du groupe Kering (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga…) ne cache pas son scepticisme : « Pour moi, cela n’aurait aucun sens de faire fabriquer des sacs Gucci italiens au Texas », a-t-il lancé aux parlementaires français, début mai.

Des délocalisations pas si faciles à mettre en place

Une conviction d’autant plus forte que l’ancrage européen du groupe est profond : sur les 47 936 collaborateurs de Kering, 18 000 travaillent en France ou en Italie. La seule marque Gucci, fleuron italien de la maison, pèse 44 % du chiffre d’affaires global (17 ; 2 milliards en 2024) et deux tiers de sa rentabilité. La France, elle, ne représente qu’environ 5 % des ventes. Pourtant, le groupe y maintient cinq sites de production, garants de son savoir-faire.

Chez LVMH, numéro un mondial du luxe (Louis Vuitton, Dior, Hennessy, Moët et Chandon, Givenchy…), la tentation américaine est plus concrète. En janvier, Bernard Arnault, fraîchement revenu des Etats-Unis après avoir assisté à l’investiture de Trump, dénonçait les hausses d’impôts prévues dans le budget français 2025, qualifiées de « véritable incitation à la délocalisation ». Le groupe possède déjà trois ateliers Louis Vuitton aux Etats-Unis, dont un au Texas – la même ville où Donald Trump souhaiterait voir naître une nouvelle ère industrielle.

L’économie de certaines villes européennes ébranlée

Cependant, délocaliser aux Etats-Unis est plus facile à dire qu’à faire : malgré les déclarations, le développement de ces ateliers reste laborieux, Louis Vuitton peinant à recruter et à former des artisans locaux. Le PDG Bernard Arnault avait déclaré qu’il prévoyait d’embaucher un millier de personnes lors de son ouverture initiale, mais des années plus tard, l’usine n’emploie plus qu’environ 300 personnes. Une croissance plus lente que prévu, que LVMH impute en partie à la pandémie… Mais qui révèle surtout les limites de l’importation d’un savoir-faire séculaire.

Car le luxe européen, ce n’est pas qu’un logo – c’est tout un écosystème enraciné dans des territoires. À Ubrique, dans le sud de l’Espagne, un quart des 16 000 habitants vit de la maroquinerie haut de gamme, fabriquant pour Chanel, Louis Vuitton et bien d’autres. Là-bas, les déclarations de Trump sont vécues comme une menace directe : « les droits de douane imposés par le président Trump ébranlent désormais les fondements du modèle économique d’Ubrique, et celui de l’industrie du luxe en général », précise encore le WSJ.

Derrière les chiffres et les discours de dirigeants, c’est tout un artisanat, un imaginaire, et des centaines de petites villes européennes qui pourraient être emportés dans la tourmente. La guerre commerciale ne fait que commencer.



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Publish date : 2025-05-25 13:27:00

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