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Lancement raté d’un navire de guerre en Corée du Nord : cette manoeuvre risquée à l’origine du fiasco

Lancement raté d’un navire de guerre en Corée du Nord : cette manoeuvre risquée à l’origine du fiasco

Le 21 mai dernier, à Chongjin, tout avait été orchestré pour une démonstration de force. Kim Jong-un avait personnellement fait le déplacement jusqu’à cette ville industrielle du nord-est de la Corée du Nord, connue pour abriter le plus grand complexe sidérurgique du pays. À deux pas du chantier naval, un podium avait été dressé pour accueillir les élites du régime et célébrer le lancement d’un nouvel équipement militaire : un imposant destroyer de 5 000 tonnes.

L’événement devait illustrer les ambitions du dirigeant nord-coréen de moderniser une flotte vieillissante héritée de l’ère soviétique. Mais devant les caméras du régime et une foule triée sur le volet, le lancement a rapidement tourné au désastre. Au lieu de glisser dans la mer, le navire a perdu l’équilibre dès son entrée dans l’eau. Sa poupe s’est enfoncée brutalement, tandis que la proue est bloquée sur la rampe, provoquant un basculement inattendu. Ce qui devait symboliser la montée en puissance navale de la Corée du Nord est devenu une scène d’humiliation nationale, sous les yeux impassibles de Kim Jong-un.

Un « lancement latéral » inadapté

Derrière ce fiasco se cache une série de décisions hasardeuses. Quelques jours avant la cérémonie, des images satellites montraient déjà un choix risqué : le destroyer avait été positionné pour un « lancement latéral », une méthode rarement utilisée pour les navires de guerre. Moins coûteuse et plus simple à mettre en œuvre, elle exige néanmoins une précision technique extrême, notamment dans le calcul du centre de gravité et du point d’équilibre.

La Corée du Nord n’avait jamais expérimenté cette méthode pour un navire militaire, selon le site spécialisé 38 North. Et les conséquences ont été immédiates : déséquilibré, le bateau a chaviré au moment crucial. Les autorités ont alors recouvert l’épave de bâches bleues. S’ils affirment que la coque n’a pas été percée, les officiels ont indiqué que les opérations de pompage et de redressement devraient s’étaler sur plusieurs jours, voire plus.

Une construction dans la précipitation

Autre point alarmant : la surcharge du destroyer. Environ 70 systèmes d’armement auraient été installés avant le lancement, une configuration inhabituelle à ce stade. Habituellement, les marines modernes privilégient une mise à l’eau avec un armement limité, poursuivant l’intégration des équipements progressivement, sur plusieurs années. En surchargeant le navire dès sa sortie de chantier, la Corée du Nord a pris un risque technique majeur, qui a sans doute contribué à son instabilité.

Mais plusieurs experts internationaux interrogés par le Wall Street Journal pointent un problème plus structurel : la précipitation imposée par la hiérarchie. Selon plusieurs spécialistes navals, le rythme de production dicté à l’industrie militaire nord-coréenne dépasse largement ses capacités réelles. Le navire aurait été construit en moins de 400 jours, un délai extrêmement court par rapport aux standards internationaux, trois à six ans dans les pays européens. Cette pression, imposée par Kim Jong-un, aurait contribué à négliger des étapes critiques de conception et de sécurité.

Un lancement raté qui tranche avec celui, plus maîtrisé, du premier destroyer de classe Choe Hyon lancé à Nampo quelques semaines auparavant.



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Author : Aurore Maubian

Publish date : 2025-05-30 16:05:00

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