Le locataire du palais présidentiel Koniecpolski va changer, mais la cohabitation au gouvernement devra se poursuivre. Le conservateur Karol Nawrocki a récolté 50,9 % des suffrages ce dimanche et s’apprête à succéder à Andrzej Duda à la présidence du pays. Le discours de cet historien de 42 ans, qui a gagné le soutien de Donald Trump, est construit autour de la souveraineté nationale et d’une défiance envers Bruxelles.
Le résultat de l’élection n’a pas tardé à faire réagir les marchés : l’indice WIG 20 de la Bourse de Varsovie a ouvert en baisse ce lundi. Alors que le pays est souvent salué pour son dynamisme économique, Mateusz Dadej, spécialiste de l’Europe centrale et orientale chez l’assureur-crédit Coface, livre à L’Express son analyse sur les implications de ce scrutin.
L’Express : Dans son programme électoral, Karol Nawrocki a multiplié les promesses d’allègements fiscaux et d’investissements… Quels effets pourraient-elles avoir sur l’économie du pays ?
Mateusz Dadej : Sur le volet fiscal, les deux candidats ont présenté des programmes assez similaires, en promettant de ne pas augmenter les impôts. Mais il ne faut pas trop attendre de cet engagement, sachant que le président ne peut pas opposer son veto sur les lois budgétaires.
Il convient toutefois de noter que l’économie n’était vraiment pas au cœur de cette campagne. Les débats se sont principalement concentrés sur les enjeux sociétaux. Ces questions sociales auront tout de même des répercussions économiques : l’autre candidat, celui du centre-droit, voulait revenir sur la réforme controversée du système judiciaire, notamment parce que l’Union européenne avait conditionné l’accès à ses fonds à l’abandon de ces mesures. Avec le nouveau président, l’obtention de ces financements risque de se compliquer sérieusement.
Compte tenu de la dépendance de la Pologne aux fonds européens, que propose Karol Nawrocki sur ce sujet ?
À vrai dire, il n’a présenté aucune proposition constructive en ce sens. Il paraît surtout déterminé à compliquer la tâche de la coalition gouvernementale actuelle. Il pourrait bloquer toute réforme inspirée par l’Union européenne, il a déjà exprimé son opposition au Pacte vert… On peut donc s’attendre à un durcissement des relations entre Bruxelles et Varsovie.
Comment expliquer les positions aussi proches sur les questions fiscales entre les deux candidats ?
Ces promesses fiscales s’inscrivent dans une stratégie de captation des voix de l’extrême droite. Car la grande surprise de ce scrutin, au-delà de la défaite du libéral Rafal Trzaskowski, c’est la poussée de cet électorat : Slawomir Mentzen – candidat très conservateur socialement, mais aux accents libertariens sur le plan économique – a recueilli 15 % des voix au premier tour. Au second, les deux principaux candidats se sont lancés dans une course pour séduire l’électorat de ce dernier, en promettant notamment de ne pas augmenter les impôts. Il est probable que Mentzen jouera un rôle de plus en plus visible dans les prochaines échéances électorales.
Plusieurs investissements massifs, notamment de la part de Microsoft et Google, ont été annoncés depuis le début de l’année. Donald Tusk a parlé de plus de 160 milliards d’euros en 2025. Quel avenir voyez-vous pour ces projets maintenant que l’exécutif a changé ?
L’investissement est une thématique fédératrice entre les deux candidats. Comme Tusk, Nawrocki soutient l’investissement dans les infrastructures – notamment le méga projet d’aéroport au centre du pays – ou encore dans l’énergie nucléaire. Le secteur de la défense figure aussi au premier plan dans les deux programmes.
On oublie souvent que durant son précédent mandat, le parti Droit et Justice (PiS) avait pris des mesures pour attirer l’investissement, notamment à travers des exemptions fiscales. Les entreprises poursuivront certainement leurs projets, mais la coalition actuelle accuse le PiS de dégrader la perception de la Pologne en tant que destination potentielle des investissements. Reste à voir si les annonces tiendront face aux tensions institutionnelles.
A plus long terme, ce scrutin pourrait-il remettre en question le succès du modèle polonais ?
On tend à surestimer l’impact de la politique sur l’économie. Nous avons un modèle de croissance solide et un environnement institutionnel très fort qu’il est difficile de détruire du jour au lendemain… Certes, sur le moyen terme, un accès limité aux fonds européens pourrait avoir un impact marginal sur notre PIB, mais la trajectoire globale du pays ne changera pas, d’autant plus que la coalition est toujours pro-européenne.
On peut toutefois déplorer que les deux candidats aient une vision de très court terme. Leur idée de ne pas augmenter les impôts semble déraisonnable dans un contexte où nous avons le deuxième déficit le plus élevé en Europe. C’est d’autant plus problématique que le nouveau gouvernement prévoit d’augmenter l’investissement dans la défense. Entre les deux, il va falloir choisir.
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Author : Tatiana Serova
Publish date : 2025-06-02 17:00:00
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