Des noces de coton dans le Loiret. A Mormant-sur-Vernisson, petit village de moins de 150 âmes, c’est un drôle d’anniversaire qu’on célèbre ce lundi 9 juin. Celui de la large victoire de l’extrême droite européenne aux élections de 2024. Il y a un an jour pour jour, les différentes listes nationalistes étaient arrivées en tête en France (31 % des voix pour le Rassemblement national, 30 élus au Parlement européen), en Italie, en Hongrie, en Autriche ou encore en Belgique. La plupart, rassemblés au sein du groupe Patriots for Europe (PFE) présidé par Jordan Bardella, se sont donné rendez-vous pour fêter leur première année de vie commune. Seront présents, notamment : le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, le président espagnol de Vox Santiago Abascal, ou encore le Néerlandais Geert Wilders, patron du Parti pour la liberté (PVV). Seulement, une invitée de marque manque à l’appel de ce grand raout convoqué par le RN : la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni.
L’héritière du Mouvement social italien (MSI), élue à la tête du gouvernement en octobre 2022, fait désormais figure d’incontournable sur la scène internationale, mais reste boudée par le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui lui préfèrent son vice-président Matteo Salvini, le populiste et identitaire président de la Lega, lequel prendra la parole ce lundi.
C’est qu’entre Giorgia Meloni et Marine Le Pen, les relations ont toujours été orageuses. La triple candidate à la présidentielle et l’héritière du parti postfasciste nourrissent de nombreux désaccords de fond. Le positionnement sur le conflit russo-ukrainien d’une Giorgia Meloni, résolument engagée pour la défense de l’Ukraine et fidèle à l’alliance atlantique, n’est pas du goût de la frontiste… Et inversement. « Madame Le Pen et ses troupes au Parlement européen ont beau dire qu’il était vilain d’envahir l’Ukraine, leurs alliés, eux, sont des amis déclarés de Vladimir Poutine, appuie l’eurodéputé Renew Bernard Guetta. Vos alliances construisent aussi votre image et vos convictions, et les membres du groupe CRE (« Conservateurs et réformistes européens », groupe parlementaire dans lequel siègent notamment les eurodéputés melonistes de Fratelli d’Italia, NDLR), en particulier les amis de Giorgia Meloni, ne seraient pas ravis de voir le RN tenter de se rapprocher d’eux. Certains les considèrent comme des infréquentables ! »
Meloni-Le Pen : friture sur la ligne
En dehors des fondements idéologiques de Giorgia Meloni, qui tiennent à ses positions libérales sur les questions économiques ou plus conservatrices sur le plan sociétal, Marine Le Pen reproche aussi à la présidente du conseil italien son rapport utilitariste à l’Union européenne, qu’elle a dénoncé à plusieurs reprises. « Il est vain d’en appeler à l’Union européenne pour résoudre la crise diplomatique comme un enfant appelle maman quand il y a un problème. C’est vain et même dangereux », griffait-elle en privé, en marge de la rentrée politique 2023, dans un contexte de crise migratoire à Lampedusa.
En mars 2024, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, Marine Le Pen s’adressait directement à l’Italienne, lui reprochant de soutenir la candidature d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. « Giorgia ; oui, parce qu’on s’est connues dans un autre temps, déclarait-elle. Allez-vous, oui ou non, soutenir un second mandat de Mme von der Leyen ? Moi, je crois que oui, et vous allez ainsi aggraver les politiques dont souffrent les peuples d’Europe. Vous devez la vérité aux Italiens. Aujourd’hui, le seul candidat en Italie, à droite, qui s’oppose à Ursula von der Leyen, c’est Matteo Salvini. » Finalement, Giorgia Meloni s’opposera à la reconduction de l’Allemande à la présidence de la Commission européenne, après des mois de courtisaneries mutuelles.
Mais toute l’extrême droite française ne s’aligne pas sur la ligne mariniste. A commencer par sa nièce, qui siège dans le groupe CRE (Conservateurs et réformistes européens). Marion Maréchal, dont le mari, Vincenzo Sofo, ancien eurodéputé, est membre du parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, n’a jamais caché son admiration pour la leader italienne, qu’elle a érigée en modèle politique à de nombreuses reprises. En décembre dernier, l’ex-frontiste (un temps partie soutenir Eric Zemmour, désormais à la tête de son microparti, et de nouveau alliée au RN) était invitée à Rome pour intervenir au rassemblement « Atreju », la convention annuelle de la présidente du Conseil, en présence notamment du président argentin Javier Milei. Le 4 juin dernier, Marion Maréchal chantait encore les louanges de Giorgia Meloni au micro de Darius Rochebin, sur LCI : « Je me réjouis qu’Emmanuel Macron ait enfin compris qu’il était incontournable d’aller voir Giorgia Meloni en Italie », assurait-elle sur le plateau de la chaîne d’information.
Bardella s’émancipe…
L’influence grandissante de la dirigeante italienne finit même par interpeller un certain Jordan Bardella, aux accents plus libéraux que Marine Le Pen. Le jeune leader amorcerait-il sa mue ? En 2023 encore, le président du RN avait la critique facile quand il s’agissait d’évoquer la politique de Giorgia Meloni. « Je ne suis pas Italien, mais si je l’étais, je serais déçu », affirmait-il en privé au mois de septembre. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et jusque dans son vin. « L’Italie de Meloni est en train de prendre de la place en France et en Europe sur la scène diplomatique », soutient désormais l’eurodéputé frontiste devant les patrons du syndicat Ethic, réunis au cercle de l’Union interalliée. Et de poursuivre, osant la comparaison et louant la politique économique menée par la présidente du Conseil : « Meloni aussi a été beaucoup décriée, comme nous le sommes aujourd’hui […] mais c’est le seul pays du G7 en excédent budgétaire. »
Au parti à la flamme, les partisans d’une ligne purement populiste ne partagent pas l’admiration de l’eurodéputé pour la présidente du conseil italien. Et du côté de Marion Maréchal, on note aussi le caractère récent de cette nouvelle posture : « C’est vrai qu’il y a un an, nous étions parfois un peu seuls à la défendre, commente un proche de l’ancienne députée du Vaucluse. Marion traite directement avec elle parce qu’elles ont une relation de proximité et de confiance ancienne, et bien sûr parce que nous sommes des partenaires politiques officiels au sein du groupe CRE. » Mais jusqu’à quand ? Si, à la faveur d’une nouvelle condamnation de Marine Le Pen en appel dans quelques mois, Jordan Bardella s’installe comme le leader n° 1 du Rassemblement national, qui sait à quelle vitesse les relations transalpines se réchaufferont ?
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Author : Marylou Magal, Erwan Bruckert
Publish date : 2025-06-08 14:00:00
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