Personne n’a jamais vu Emmanuel Macron nourrir de regrets. De remords, pas plus. Faut-il que l’erreur soit lourde pour que cette fois le président donne à certains – rares, certes – le sentiment de se repentir ? Un an plus tôt, il lançait dans la vie politique française sa trouvaille : une bombe à fragmentation immédiate et lente, la dissolution de l’Assemblée nationale. Le 9 juin 2024, au soir de la victoire du Rassemblement national aux élections européennes, le chef de l’Etat pense éviter la censure à l’automne et offrir au pays une « respiration démocratique ».
Comment est-il parvenu à cette décision abracadabrantesque qui, selon ses propres mots prononcés le soir de ses vœux le 31 décembre 2024, « a produit plus d’instabilité que de sérénité » ? Cette interrogation a taraudé tous les observateurs, proches d’Emmanuel Macron compris. Car peu nombreux ont été ceux mis dans la confidence. Gabriel Attal, Premier ministre de l’époque, s’en souvient.
Vingt jours
Après deux mois d’enquête, L’Express publie le 21 octobre 2024 un long récit sur les vingt jours qui ont précédé cette dissolution. On y découvre, entre autres, la liberté que prend Alexis Kohler le jour de l’annonce. Sidéré par la façon dont le président maintient son Premier ministre à l’écart de la décision, le secrétaire général de l’Elysée décide de prévenir lui-même Matignon : « Cela fait plusieurs jours que je dis au président qu’il faut qu’il parle à Gabriel, moi je ne travaille pas comme ça… »
D’autres, dans l’entourage d’Emmanuel Macron, ont tenté le jour même de le freiner. A peine écoutés. Gérald Darmanin, lui, a plus de chances, qui presse le président de dissoudre depuis qu’il a compris que l’échec serait retentissant. Entre réalité et fantasmes, notre enquête révèle le rôle qu’a joué celui qui est alors ministre de l’Intérieur.
Vent de panique
Puis, vint la déflagration. Dès les premières minutes qui suivent l’annonce du 9 juin, un vent de panique souffle à l’Elysée, dont L’Express vous narre les détails et les coulisses.
D’abord, le président se trompe d’analyse. Convaincu que la gauche est incapable de se fédérer, il crâne. Un courageux tente de le raisonner, l’histoire de la gauche n’annonce pas la désunion… Brise glaciale au Palais. Le président s’obstine. Puis le président s’absente, G7 oblige, mais le président s’inquiète. Il envoie des SMS anxieux. Même chez ses amis, le doute point : « C’était une folie ? »
Sébastien Lecornu, le choix du coeur
L’été passe et la nomination de Michel Barnier à Matignon agace plus vite Emmanuel Macron qu’il ne lui a fallu de temps pour trouver un Premier ministre. La censure tant redoutée survient et a le mérite de le débarrasser de cet homme de droite sûr de lui qu’il n’a pas appris à aimer. Il va enfin avoir le loisir de nommer un fidèle, retrouver un peu de ce pouvoir que la dissolution lui a ôté. Sébastien Lecornu apparaît comme le choix le plus évident. Presque celui du cœur.
Pendant deux semaines, selon nos informations, le ministre des Armées consulte, élabore une stratégie, son futur cabinet et un gouvernement. Prudent, il avance discrètement, croit un jour se faire voler Matignon par Jean-Yves Le Drian, quand surgit enfin le moment tant attendu : Emmanuel Macron annonce devant son propre cabinet sa nomination comme Premier ministre. « Et François Bayrou ? » ose un téméraire qui sent venir la colère du tempétueux allié centriste. « Je vais le traiter, j’ai l’habitude », évacue, présomptueux, le locataire de l’Elysée.
Incroyable retournement
Peut-on tordre le bras d’un président ? Le Béarnais prouve que oui et se nomme Premier ministre devant les yeux ébahis d’Emmanuel Macron. A L’Express, nous avons reconstitué les jours qui précèdent cet incroyable retournement, l’assurance avec laquelle François Bayrou téléphone à Marine Le Pen avant même d’être intronisé à Matignon pour trouver avec elle une façon de travailler, sa conversation avec Xavier Bertrand pour lui proposer d’intégrer son gouvernement, le refus de Bernard Cazeneuve… Apparaît l’évidence : le maire de Pau n’allait pas laisser un président le détourner de son objectif.
Entre eux, l’histoire a bien mal commencé. Depuis, entre désynchronisation et agacement, Emmanuel Macron et François Bayrou semblent mener des vies parallèles…
Comme si la dissolution avait tout emporté, tout détruit du Macronisme, Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée depuis la première heure, le « cerveau du président », a quitté le navire fin avril 2025. Apothéose. Partir au moment où l’Occident menace de s’effondrer, où l’Europe ne rime plus avec la paix, où la Chine avance ses pions, où les Etats-Unis font leur révolution… Si cette addition ne donne pas « un énorme coup de pied dans les fesses » aux Français, songe-t-il, alors rien ne pourra jamais provoquer chez eux un sursaut. « Ma nature, mon devoir, c’est d’être pessimiste », a-t-il régulièrement répété. Qui endosse désormais ce rôle essentiel auprès du président ?
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Author : Laureline Dupont
Publish date : 2025-06-09 14:00:00
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