« Une escalade inutile, et un abus de pouvoir » : ces mots sont ceux d’Hina Shamsi, la porte-parole d’une influente association des droits civiques nommée ACLU, au sujet de la décision de Donald Trump de déployer 4 000 militaires de la Garde nationale, pour mater les protestations à Los Angeles. Depuis plusieurs jours, des manifestants défilent dans la principale ville de Californie, contre la politique migratoire du président américain, qui a appelé à multiplier les raids contre les sans-papiers. Si des heurts isolés ont pu éclater, pas de quoi en venir à déployer ce corps d’armée, selon le gouvernement de Californie, opposé à cette intervention. Alors, qu’est-ce que la Garde nationale, et à quoi sert-elle habituellement ?
Une composante des forces armées
Ce corps des forces militaires est composé de citoyens soldats, c’est-à-dire de civils qui reçoivent une formation à temps partiel, mais peuvent être mobilisés en cas de besoin. La Garde nationale américaine compte au total 430 000 réservistes, rattachés à l’armée de terre ou bien l’armée de l’air. Chaque Etat américain possède sa propre Garde, placée sous l’autorité du gouverneur, qui dispose de cette façon d’une force rapidement mobilisable en cas de catastrophes naturelles, pour le soutien aux services d’urgence, ou bien le maintien de l’ordre.
Selon l’AFP, des milliers de réservistes ont ainsi fourni un appui logistique aux secours lors de la crise sanitaire de 2020, en installant des centres de dépistage et de vaccination, ou en distribuant du matériel médical ou de la nourriture. Elles sont également intervenues lors des récents incendies en Californie, pour aider à l’évacuation des populations, ou fournir un soutien logistique. Mais ce sont toujours les polices locales qui restent responsables de la sécurité du territoire.
La Garde nationale américaine est composée de réservistes pouvant intervenir dans des opérations de maintien de l’ordre, et de secours à la population locale.
Double autorité
Il n’y a cependant pas que les gouvernements locaux qui peuvent ordonner le déploiement de la Garde nationale, l’autorité fédérale le peut « également, mais seulement dans des cas extrêmes : en cas de guerre, de crise nationale, ou d’opérations extérieures. La Garde nationale a ainsi participé à la plupart des interventions américaines étrangères, en Irak ou bien en Afghanistan.
Mais c’est la première fois depuis août 1965 que la Garde nationale est mobilisée par le président des Etats-Unis, pour intervenir dans le cadre d’un trouble à l’ordre public, et ce, contre la volonté du gouvernement local. À l’époque, le président Lyndon B. Jonhson place certaines unités de la Garde nationale sous l’autorité fédérale pour protéger les manifestants pour les droits civiques des attaques du Ku Klux Klan, notamment en Alabama. Ce fût le cas dans plusieurs Etats du sud où les autorités étaient particulièrement hostiles au mouvement pour l’égalité raciale.
À d’autres endroits au contraire, la Garde nationale a été déployée par les gouverneurs pour imposer un couvre-feu et des arrestations massives, notamment dans le contexte des révoltes de Watts à Los Angeles, à la suite de l’arrestation violente d’un automobiliste afro-américain par la police. Plus récemment, les gouverneurs y ont également eu recours lors des manifestations et révoltes liées à l’homicide de George Floyd en 2020 par la police. 30 000 membres de la Garde nationale avaient ainsi été mobilisés dans 30 Etats, en renfort de la police, ce qui avait déjà été critiqué à l’époque.
Un coup de force de l’Etat central
Ce qui choque particulièrement dans la décision de Donald Trump, c’est la brutalité avec laquelle il répond aux protestations. Lundi encore, le président américain a annoncé l’intervention de 700 Marines (un corps d’élite), ainsi que de 2 000 réservistes de la Garde nationale, en plus des 2 000 déjà mobilisés, dans une ville de Los Angeles quadrillée et militarisée.
Now: Thousands protesting at the Los Angeles federal building, demanding ICE and the National Guard out of LA. pic.twitter.com/TKlRCwGZcu
— BreakThrough News (@BTnewsroom) June 10, 2025
La décision de déployer une unité de choc comme les Marines est « extrêmement rare », souligne par ailleurs à l’AFP Rachel VanLandingham, une universitaire spécialiste des questions de sécurité nationale. Selon elle, ces militaires ne sont ni formés au maintien de l’ordre, ni habitués à travailler « avec les forces de l’ordre locales », ce qui est potentiellement accidentogène.
Une provocation envers les démocrates
« S’ils crachent, nous frappons, et je vous promets que nous frapperons comme jamais auparavant », a averti Donald Trump sur ses réseaux sociaux au sujet des manifestants contre l’ICE, la police anti-immigration. Depuis, les manifestants ont recueilli d’autres soutiens, notamment à New York, ainsi qu’au Texas.
Mais Donald Trump ne se confronte pas qu’aux protestataires : c’est une déclaration de guerre à l’Etat californien, gouverné par les démocrates. Son gouverneur Gavin Newsom, considéré comme un candidat potentiel à la Maison-Blanche pour 2028, a estimé que le déploiement de militaires assouvissait « le fantasme fou d’un président dictatorial ». L’Etat de Californie a par ailleurs annoncé qu’il allait poursuivre Donald Trump en justice, estimant que son choix de mobiliser la Garde sans l’aval du gouverneur « violait » la Constitution.
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Publish date : 2025-06-10 18:25:00
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