Il est près de minuit lundi soir lorsque des tirs éclatent dans le sud de la bande de Gaza. Une fusillade entre hommes du Hamas et miliciens, faisant des morts des deux côtés. Un communiqué publié le mercredi 11 juin rapporte d’ailleurs le décès de 50 combattants palestiniens armés par Israël. Puis, un bruit sourd au-dessus des toits. Une frappe aérienne israélienne vient clore l’affrontement. Elle ne vise pas le Hamas, elle protège un homme.
La semaine dernière, les Forces de défense israéliennes ont confirmé ce que Gaza murmurait déjà : elles ont armé un groupe clandestin, le « service antiterroriste ». Officiellement, pour « réduire les pertes miliaires israéliennes ». Officieusement, pour couvrir celui qui souhaite réduire à néant le Hamas : Yasser Abu Shabab.
De prisonnier à chef d’un gang armé
Un an plus tôt, personne ne se battait pour lui. Le 7 octobre 2023, Yasser Abu Shabab était enfermé dans une prison du Hamas pour trafic de drogues. Mais lorsque le conflit a débuté, le détenu est sorti de sa cellule. A l’heure actuelle, les circonstances de sa libération restent floues. Pendant des mois, son nom n’est revenu nulle part. Jusqu’à ce qu’il ressurgisse, associé à ceux des forces militaires israéliennes.
A la tête d’un groupe armé, désormais actif dans l’est de Rafah, il contrôle aujourd’hui les routes de l’aide humanitaire aux abords du point de passage de Kerem Shalom. Son groupe est accusé de piller les camions qui transportent vivres et médicaments. Selon Jonathan Whittal, responsable de l’Office de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha) dans les territoires palestiniens occupés, le vol de ces aides humanitaires est le fait de gangs « opérant sous la surveillance de forces israéliennes ». Interrogé par The Guardian, ce dernier a précisé que les gangs en question étant bien tels que celui d’Abu Shabab.
L’intéressé, lui, nie. Dans une interview réalisée pour le média britannique, il affirme que ses hommes assurent la sécurité, protègent les convois et viennent en aide à des centaines de familles. Surtout, celui-ci déclare ne pas « travailler directement avec l’armée israélienne ». Pourtant, les vidéos présentent une autre version. Sur les réseaux sociaux, plusieurs extraits issus de son propre profil Facebook montrent ses hommes opérant aux côtés de soldats israéliens. Le média Times of Israel rapporte même que ses troupes ont reçu des armes fournies par le pays, dont la plupart saisies au Hamas. Israël de son côté, ne cache plus son jeu. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a reconnu que son pays collaborait avec des « clans à Gaza ».
Au moins deux tentatives d’assassinat
Le Hamas, lui, veut sa mort. Depuis que son nom circule dans les médias, Yasser Abu Shabab est devenu la cible prioritaire du Hamas. Mercredi 4 juin déjà, des soldats israéliens sont intervenus pour le sauver, selon la chaîne i24. Et ce ne fut pas l’unique tentative de la part du Hamas : après avoir tué son frère l’année dernière, les combattants auraient déjà essayé de l’éliminer au moins deux fois.
La menace ne vient pas seulement du Hamas. La famille de Yasser Abu Shabad, une puissante lignée bédouine de Rafah, l’a publiquement renié. Dans une déclaration sans appel, ses proches ont déclaré : « Nous n’accepterons pas le retour de Yasser dans la famille. Nous n’avons aucune objection à ce que ceux qui l’entourent le liquident immédiatement. » A l’image de sa famille, dans les ruelles de Rafah, tout le monde sait que l’ascension de l’homme de 32 ans pourrait allumer un feu bien plus conséquent que celui qu’Israël prétend vouloir éteindre.
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Author : Aurore Maubian
Publish date : 2025-06-11 17:03:00
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