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Concours d’éloquence, grand oral du bac : comment réussir ses prises de parole

Concours d’éloquence, grand oral du bac : comment réussir ses prises de parole


Dans le cadre de son concours Speak Up Europe !, L’Express s’allie à la Fédération francophone de débat (FFD) pour valoriser l’art oratoire auprès des jeunes européens de 18 à 25 ans. A cette occasion, nous avons échangé avec Hugo Rousselle Nerini, président, et Théophile Dardaine, vice-président de la FFD, pour décrypter les fondamentaux d’un discours bien structuré, les particularités de l’éloge, les techniques de réponse à un discours politique… et livrer des conseils concrets pour briller au Grand Oral du baccalauréat ou sur scène.

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L’Express : Quelles sont, selon vous, les clés pour structurer un discours efficace et concis ?

Hugo Rousselle Nerini : Comme on aime à le rappeler souvent : « Nous sommes des nains sur des épaules de géants. » Pour commencer, on peut reprendre les catégories assez classiques qui ont été fixées par nos prédécesseurs. La structure du discours se compose d’un exorde [NDLR : une entrée en matière] — je précise que le mot est bien masculin, parce qu’on a souvent tendance à le féminiser, ce qui est contre-intuitif — d’un développement, dans lequel on retrouve narration, argumentation et réfutation, et enfin d’une péroraison, qui vient conclure.

A l’intérieur de cette structure, l’exorde contient généralement une accroche — il en existe de multiples formes —, l’idée est de capter l’attention du public, ce qu’on appelle la captatio benevolentiae. Ensuite, viennent les arguments, qu’il faut organiser. Au départ, il y a une phase qu’on appelle « l’invention » : on cherche d’abord les arguments. Puis vient la « disposition », qui consiste à décider comment on les organise, selon le temps qu’on a, leur force respective, etc. J’ajouterais qu’après la disposition, il y a la phase de « l’élocution ». Même si le terme peut sembler flou, c’est là qu’on réfléchit à la langue qu’on va employer : va-t-on utiliser des figures de style ? Des citations ? Quel registre adopter ? De l’humour, à quel moment, et comment ? L’enjeu reste de trouver une certaine musicalité des mots.

Enfin, la péroraison doit être aussi marquante que l’accroche initiale. On peut y amplifier la thèse, préciser ce qu’on demande ou encore proposer une morale, une leçon à tirer du propos.

Le concours Speak Up Europe ! propose deux sujets. Le premier est : « Faites l’éloge d’une personnalité européenne – morte ou vivante – dont le visage devrait orner les billets d’euros. ». Qu’y a-t-il de spécifique à l’éloge ? Quelles sont les techniques propres à l’éloge ?

Théophile Dardaine : Avec son inverse, le blâme, L’éloge est l’un des plus vieux exercices oratoires, qui remonte à l’Antiquité. Il est, à mon sens, un exercice beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît car il ne suffit pas d’être mélioratif ou avoir un vocabulaire positif, un ton sympathique. Il faut aussi bien doser ces éléments, et c’est là que réside la difficulté. Il faut que ce soit naturel. Et c’est ça qui fera la différence entre ceux qui seront sélectionnés et ceux qui ne le seront pas : leur capacité à livrer un éloge qui semble fluide, sincère, évident.

HRN : Il y a plusieurs types d’éloges. Le plus connu, quand on parle de discours, c’est l’éloge funèbre. Mais ce n’est pas forcément celui qu’on va pratiquer ici. On va plutôt s’orienter vers ce qu’on appelle le panégyrique. C’est un discours public qui vise à célébrer les grandes actions, les vertus, les œuvres majeures d’une figure. Il va falloir faire une grande place à la narration, mais il faudra aussi argumenter, car on ne se contente pas de dire : « Léonard de Vinci, c’est formidable ». Il faudra expliquer pourquoi cette personne mériterait d’être sur un billet en euros. C’est là toute la difficulté. Il faut des personnalités qui dépassent les frontières, qui transcendent le cadre national. Léonard de Vinci, par exemple, me paraît assez emblématique, même si on pourrait lui reprocher d’être trop centré France-Italie. Les candidats devront se placer un peu comme des avocats de leur personnage, plaider leur cause, et travailler une péroraison efficace pour conclure en force.

Le deuxième sujet du concours consiste à répondre au discours de J.D. Vance prononcé le 14 février dernier à la Conférence sur la sécurité, à Munich — Comment répond-on efficacement à un discours ?

TD : Pour pouvoir répondre, il faut d’abord bien écouter plusieurs fois. Analyser et identifier les ressorts que J.D. Vance mobilise : comment il commence son discours, quelle forme prend son exorde, sa péroraison… Quels sont les éléments qu’il martèle ? Est-ce qu’il y a un champ lexical particulier ? Un niveau de langue spécifique ? Une fois cette écoute et cette analyse faites, il faut se demander sur quoi est-ce qu’on peut répondre ? Parce qu’on ne peut pas tout traiter, il faut choisir ce qui mérite vraiment d’être souligné, ce qu’il faudra rappeler, ce qu’on peut concéder, ce qu’il faut absolument réfuter, ou encore ce qu’il serait pertinent de recadrer. Il y a trois grandes options : concéder, recadrer ou réfuter. Et ce sera à chaque candidat de faire ses choix.

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HRN : Un mot-clé ici, c’est bien celui-là : réfuter. Parce qu’il s’agit d’un discours en réponse, donc on va beaucoup être dans la réfutation. Il y a plusieurs types de raisonnements possibles. Le raisonnement par concession, qui peut être stratégique, mais aussi la réfutation pure. On peut aussi opter pour un raisonnement par l’absurde, ou encore recourir à l’ironie. Ce sont d’autres approches valables. Ensuite, il y a aussi des raisonnements plus classiques : inductifs, déductifs… Quelle thèse veulent-ils défendre ? Que souhaitent-ils infirmer, ou au contraire, confirmer ? Et à partir de là, structurer une argumentation cohérente et efficace.

Speak Up Europe !

Quels conseils de base donneriez-vous aux lycéens qui préparent le Grand Oral du baccalauréat ?

TD : Beaucoup de lycéens pensent que seul leur sujet compte, que le fond, le contenu, c’est tout ce qui importe. Ce n’est pas le cas. Dans la grille de notation des examinateurs, la forme du discours compte énormément. L’aisance avec laquelle le candidat présente son sujet, la manière dont il pose sa voix, sa posture face aux examinateurs, son regard — est-ce qu’il les regarde ou non ? Est-ce qu’il y a beaucoup d’hésitations dans son propos, etc.

Le premier conseil que je donne c’est de s’entraîner à éliminer les mots parasites de leur prise de parole. Les « euh », « bah », « alors », « en fait », « donc », « du coup »… Ce sont ces petits mots qui font toute la différence entre un lycéen préparé et un lycéen qui cherche ses mots.

Il y a une méthode très simple qu’on peut appliquer chez soi, seul, avec un téléphone : se filmer ou, à défaut, s’enregistrer. Ensuite, il faut faire trois visionnages de cette vidéo :

Le premier, juste le son. L’élève va se concentrer sur ce qu’il dit : repérer les mots parasites, voir si le discours est structuré, clair, compréhensible. Il ne devrait pas y avoir besoin de voir l’image pour comprendre le propos.Le deuxième, uniquement l’image. On va regarder comment on se tient, si on bouge trop, si on a des tics, des grimaces, si on regarde partout sauf les examinateurs. Beaucoup lèvent les yeux au plafond quand ils cherchent leurs mots — c’est bon à repérer.Le troisième, son + image. C’est la synthèse, c’est là qu’on peut vraiment évaluer sa prestation de manière globale.

HRN : Il y a maintenant des copies ChatGPT, mais aussi des prises de parole ChatGPT et ça se sent. Les professeurs sont de plus en plus attentifs à ça, et à mon avis, ce sont ceux qui détectent le mieux ces discours un peu mécaniques, robotiques, où l’élève débite un propos qu’il ne maîtrise pas vraiment. Il faut donc que les lycéens s’entraînent, pas seulement pour être à l’aise, mais surtout pour s’approprier ce qu’ils vont dire. En plus de se filmer, je pense que s’entraîner à plusieurs, entre eux, est très utile. Même si on a souvent peur de se montrer imparfait, le fait de répéter, de retravailler jusqu’à maîtriser vraiment son discours, c’est aussi une très bonne manière de se préparer… et d’arriver avec beaucoup plus de confiance.

Pour ce qui est de la structure, son discours doit être comme un vrai discours d’éloquence, avec une construction claire : un exorde (introduction et accroche), un développement bien organisé, et une péroraison (conclusion) qui rappelle les points essentiels. Beaucoup d’élèves l’oublient et se perdent en cours de route. Une structure solide permet de garder le cap, de mieux faire passer son message et d’être plus à l’aise le jour J. C’est une structure classique, la même que celle qu’on retrouve dans tous les grands discours. Le discours de Malraux pour l’entrée de Jean Moulin au Panthéon, tu le découpes, et tu retrouves un exorde, un développement et une péroraison. Exactement pareil.

Vous organisez la grande finale de la Coupe de France de débat le 19 juin prochain, que pouvez-vous nous dire de cet événement ?

HRN : La Coupe de France 2025 a rassemblé cette année 48 équipes, venant de toute la France, mais aussi de Belgique, de Suisse et du Royaume-Uni. Avant d’en arriver à la finale, plus d’une centaine de débats ont eu lieu : des matchs de poules jusqu’à la demi-finale. La finale opposera cette année l’Oratorium FLD, le club de l’Institut Catholique de Lille, et Sorb’Hérauts, une des équipes de Paris 1 Panthéon Sorbonne. Pendant toute la compétition, les équipes ont une heure de préparation. Mais pour la finale, le format évolue : elles reçoivent le sujet une semaine à l’avance, et elles découvrent leur position — gouvernement ou opposition — une heure avant le débat. Donc elles sauront une heure avant si elles doivent défendre ou s’opposer à la motion. Ce qui garantit qu’on aura un débat intéressant, parce que les deux équipes auront réfléchi aux deux angles du sujet.

Comment la Fédération francophone de débat accompagne-t-elle les participants dans cette préparation ?

HRN : Chaque mois, la Fédération organise une formation un samedi, à l’Ecole normale supérieure. Ces formations sont ouvertes à tous, mais il y a des ateliers spécifiques pour les clubs affiliés à la Fédération, et notamment ceux qui se préparent pour la Coupe de France ou les coupes régionales. Ensuite, pendant la Coupe, chaque équipe est autonome dans sa préparation. La Fédération, en tant qu’organisatrice, ne soutient pas directement les équipes — par souci d’équité.

TD : Ce n’est pas qu’on n’aide personne, c’est qu’on aide tout le monde de manière égale. Par exemple, sur les premiers tours, chaque équipe dispute trois matchs dans la même journée. Chaque match dure environ quarante-cinq minutes, plus une heure de préparation. Donc trois fois deux heures, c’est très intense. C’est un vrai sport, c’est exigeant. Mais c’est aussi très formateur, parce que la Fédération réunit à chaque édition des dizaines de jurés. Ce sont souvent des anciens débatteurs, des formateurs en prise de parole, parfois des comédiens, des avocats, des professionnels des RH… ou tout simplement des personnes pour qui la parole est importante dans leur métier. Ces jurés ont une double mission : évaluer selon des critères précis, mais aussi faire des retours systématiques aux équipes. Ces retours sont essentiels, parce qu’ils permettent aux équipes de progresser rapidement.

HRN : Je dirais que 100 % des participants repartent avec de nouvelles compétences, rien que grâce à ce premier tour. C’est intense, mais c’est aussi une journée de formation en soi, et toutes les équipes, quel que soit leur niveau, en tirent un bénéfice concret.

Bien plus qu’un un simple concours, « Speak Up Europe ! » est une invitation à repenser l’Europe, à défendre – par la force des mots – une vision ambitieuse et résiliente de son avenir. Face aux replis identitaires, aux fragilités démocratiques et aux rivalités géopolitiques, ce concours vous invite à interroger le rôle et l’influence de l’Europe dans le monde. Souveraineté économique, autonomie technologique, rayonnement culturel : quelle Europe voulons-nous bâtir ?

Les inscriptions sont ouvertes ici



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Author : Benjamin Koplewicz

Publish date : 2025-06-15 16:00:00

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